Communauté de vie chrétienne : Il ne s’agit pas seulement de migrants
Ce 29 septembre, l’Église célèbre la 105e journée mondiale du migrant et du réfugié. L’appel insistant du pape en faveur des plus faibles, des exilés, est parfois encore difficile à entendre. La Communauté de Vie Chrétienne (CVX) s’en est saisi, en organisant ses universités d’été autour du thème : “Migrants : osons la rencontre” ! Par Florence de Maistre.
“Il y avait plusieurs enjeux pour nous : voir dans le phénomène migratoire un signe des temps, qui entre fortement en résonance avec l’appel du pape. Mettre en perspective cette question d’actualité, qui crée une tension importante au sein de la société française. Relire aussi l’histoire du peuple de Dieu, avec notamment les voyageurs et les exilés de l’Ancien Testament”, indique Dominique Chauveau, coordinateur de l’université d’été qui s’est déroulée à Toulouse. De Montpellier à Lille, de Nantes à Toulouse, l’édition 2019 des universités d’été organisées par la Communauté de Vie Chrétienne (CVX) s’est déroulée en juillet et en août, en quatre lieux, quatre réalités locales différentes et se poursuit encore à Strasbourg, Marseille, Châtillon et Grenoble en novembre prochain. Programme à la carte ou formule complète de trois jours, déjà près de 550 personnes se sont mobilisées autour de la réflexion “Migrants : osons la rencontre. Avec nos tensions, construisons l’avenir”.
“Nous avons tout mis en œuvre pour permettre aux participants de vivre l’expérience de la rencontre avec les acteurs du terrain, ceux qui par le biais d’associations accompagnent les migrants au quotidien, et avec les migrants eux-mêmes”, explique Simone Maffre-Baugé, coordinatrice de l’université d’été de Montpellier. Ici, sur les bords de la Méditerranée, les trois jours ont débuté avec le témoignage filmé d’un pêcheur de Lampedusa. Là, c’est la jungle de Calais qui s’est invitée. Ici, le documentaire Asma qui retrace l’exil de sept jeunes réfugiés depuis le Soudan et le témoignage direct de deux d’entre eux ont été les premiers temps forts de la session. À chaque fois, les faits et les chiffres ont permis de revisiter l’histoire des migrations, de se rendre compte des décalages entre la réalité et les discours faussés, de donner des points de repère. “De voir comment le destin tisse des trajectoires très différentes”, complète Dominique Chauveau.
Les participants ont également pu se nourrir à partir d’extraits bibliques, en se référant aux attitudes du Christ face aux étrangers, et aux messages du Saint-Père. Cette année, celui pour la journée mondiale du migrant et du réfugié s’intitule : “Il ne s’agit pas seulement de migrants”. Il comprend de nombreux sous-thèmes, dont “Il s’agit aussi de nos peurs”. “Nous avons essayé de faire reculer les idées préconçues”, souligne Yves Soufflet, coordinateur de l’université d’été du Haumont près de Lille.
Il s’agit de notre humanité
Parmi les grands témoins, des membres du Secours catholique, du CCFD-Terre solidaire, de JRS Welcome, du Ceras, du Cised, et de bien d’autres associations confessionnelles ou non, internationales ou locales, ont approfondi la réflexion. Ils ont expliqué leurs façons et leurs moyens d’agir avec d’autres, évoqué les problématiques très concrètes des papiers, de l’hébergement, de l’aide alimentaire. “Chaque témoin a exprimé sa motivation, son déclic et sa réponse personnelle à cet appel à la vie, en fonction de sa situation personnelle, familiale et professionnelle. Nous avons échangé en grande profondeur et cela a beaucoup marqué les participants”, relève Simone Maffre-Baugé.
À Nantes, l’association L’Incubateur est intervenue à double titre. Elle forme et embauche des migrants dans le secteur de la restauration. Elle a régalé les sessionnistes grâce à son service “traiteur” et ses produits issus de sa ferme bio. À Toulouse, le Cercle des voisins accompagne les personnes en situation irrégulière du centre de rétention administrative implanté en bordure des pistes de l’aéroport de Blagnac. Lorsque le tribunal décide d’une remise à la rue, quelle que soit l’heure du jour ou de la nuit, un bénévole se rend présent, propose un toit, un soutien. Dominique Chauveau de rapporter : “La force de ces personnes, leur témoignage dit tout. C’est une petite goutte d’eau : c’est un miracle !”
Il s’agit de toute la personne et de toute personne
L’université d’été a aussi permis d’expérimenter la rencontre avec l’autre, d’accueillir et d’être accueilli. “La rencontre avec des histoires personnelles m’a le plus touché. Le phénomène migratoire n’est pas une grande problématique, mais des personnes que l’on peut regarder les yeux dans les yeux. Nombre d’entre elles ont fuit devant la mort”, rappelle Yves Soufflet. Plutôt que de revenir sur leurs parcours chaotique, les migrants invités à Montpellier ont préféré partager un temps de jeu, participer à des ateliers d’activité manuelle, simplement parler français avec des Français, avant le bal du 14 juillet et les danses de tous les pays. “Certains dansaient pour la première fois depuis leur arrivée. Je ne les avais jamais vu aussi rayonnants ! Chacun est venu partager ce qu’il avait envie. Nous avons vécu de très beaux moments fraternels. Les participants ont beaucoup plus reçu que donné. J’ai repensé aux mots du pape. Il s’agit de la rencontre avec l’autre quel qu’il soit, avec nous-même”, confie Simone Maffre-Baugé.
Il s’agit de bâtir la Cité de Dieu et de l’homme
Ouvertes à tous, ces universités d’été ont accueilli selon les lieux jusqu’à 40 % de personnes extérieures à CVX. Toutes sont entrées dans la démarche ignatienne proposée, d’écoute et d’échange en petit groupe, puis d’intériorisation personnelle. Toutes ont vécu une expérience forte. Les regards ont changé, les cœurs ont été touchés par la rencontre de frères en humanité. “L’université d’été est un moment de grâce pour s’arrêter et écouter. Le pape nous interpelle particulièrement, cela fait sens de prendre ce temps avec d’autres”, poursuit Dominique Chauveau. Quant à l’appel à s’engager plus fortement auprès des plus démunis, les organisateurs assurent qu’il a été entendu. Il prendra forme ici ou là dans une bienveillance renouvelée, dans la prière, le témoignage du vécu et le partage des découvertes, en devenant famille d’accueil pour un jeune migrant ou toute autre action, selon le discernement de chacun. Simone Maffre-Baugé ponctue : “Le fait de se mettre ensemble sous le regard du Seigneur remplit d’espérance et permet de recevoir la mission sans se l’approprier, d’être dans le service. Des graines germeront sur les lieux de vie”.
Pour poursuivre la réflexion :
– Universités d’été CVX en novembre à Strasbourg, Marseille, Châtillon ou Grenoble : « Migrants, osons la rencontre. Avec nos tensions, construisons l’avenir ». https://ue2019.cvxe.fr/
– Conférence : « Communautés chrétiennes au risque de l’hospitalité », le 29 novembre au Centre Sèvres (Chaire Jean Rodhain – Secours catholique), Paris.
https://centresevres.com/evenement/communautes-chretiennes-au-risque-de-lhospitalite/
– Forum Mondial des associations d’inspiration catholique, décembre 2019 : une « société inclusive » avec sept approches dont « migrants ».