« Voir dans chaque migrant un homme et l’accueillir comme un frère » par Sr Marie-Jo Biloa
Religieuse camerounaise, Sr Marie-Jo Biloa vit en France depuis 2008. Sa congrégation, les Sœurs de Jésus Serviteur, l’a envoyée auprès des migrants et des réfugiés en 2010. Cette mission a fait d’elle un témoin de la Résurrection.
Accueillir leur détresse. Touchée de voir des personnes « en errance » autour de la Gare du Nord, j’ai commencé à aller vers eux. Avec un groupe de la paroisse Saint-Bernard de la Chapelle (18e), j’ai d’abord distribué des petits déjeuners. C’était une façon d’entrer en contact mais nous n’avions rien à leur proposer de plus. Je les ai alors invités dans un endroit calme, à l’église Saint-Bernard. Deux, trois, quatre sont venus… En 2014, les flux migratoires se sont intensifiés. J’ai senti que nous avions besoin d’un lieu pérenne pour être à leur écoute. Mgr Renauld de Dinechin, évêque auxiliaire de Paris, a désigné la paroisse Notre-Dame des Foyers (19e). Cet accueil leur permet de se poser, de dialoguer, d’être accompagnés dans leurs démarches administratives, de santé ou d’insertion. Une vingtaine de bénévoles propose aussi de l’alphabétisation, un vestiaire… Nous travaillons avec une psychologue à qui les migrants peuvent raconter leur histoire, leurs déchirures. Nous pouvons ainsi mieux les orienter.
Etre témoin de la Résurrection. J’ai vu vraiment des personnes ressusciter ! Ce qui me frappe, c’est que les migrants ont un dynamisme enfoui en eux. La vie est plus forte. A un moment, on les voit chercher à revivre. Un jour, dans sa détresse, un homme s’est pendu. On a réussi à le sauver. Dès qu’il est sorti de l’hôpital, il a repris la route. J’ai pleuré avec lui. Nous aidons les réfugiés à reprendre espoir. A un moment, ils ne savent plus quel est le sens de leur vie. L’errance fait ça. Ils sont déçus mais ils préfèrent dormir dehors en France qu’être là où ils étaient, dans leur vie de torture.
Servir les plus démunis. Ma congrégation a pour charisme de servir les plus démunis, de vivre en prise avec la « pâte humaine ». Jésus Christ s’est abaissé jusqu’à devenir homme. Notre charisme est celui de la proximité. Nous sommes présentes auprès de celui qui a besoin de retrouver sa dignité d’Homme.
Son message aux migrants. La vie est plus forte que tout le reste. La vie mérite d’être fêtée ! Dieu donne la vie en abondance. Nous allons fêter sa venue sur terre, chez les hommes. C’est ce que nous voulons vivre avec eux, cette année encore. Certains le ressentent et le disent. Les chrétiens vivront leur foi avec nous et les musulmans entreront dans la fête, parce qu’ils sentent que nous sommes heureux de célébrer Noël.
Son invitation aux communautés chrétiennes. A travers la personne devant soi, je nous invite à voir d’abord un homme. Comme toute personne. Peut-être différent dans sa manière d’être, de comprendre les choses, dans sa couleur de peau… Mais c’est surtout un homme que nous devons accueillir comme un frère – un frère en humanité, un frère en enfant de Dieu, un frère en Jésus Christ. En cette période de Noël, que tous ceux qui le peuvent se fassent proches d’eux. Nous devons chercher à faire rayonner autour de nous que la naissance de Jésus est le moteur de notre vie et que c’est cela qui la dynamise. Noël est une invitation à nous ouvrir à l’autre.