Saint-Etienne accueille les Assises chrétiennes de l’Ecologie du 28 au 30 août 2015
Les 2èmes Assises chrétiennes de l’écologie, se sont tenues à Saint–Etienne les 28-30 août 2015, rassemblant 2 000 personnes. Formidable lieu de rencontres et de débats entre chrétiens de tous bords, sensibles à l’écologie, ces Assises proposaient de nombreuses expériences d’action concrète pour la sauvegarde de la création.
En effet, elles avaient pour ambition de croiser la réflexion avec l’expérience pratique, en conservant la formule qui avait réussi en 2011 : bénéficier de l’apport d’experts de renom, mais aussi proposer de multiples forums où chacun pourrait s’exprimer et interpeller les intervenants.
Le diocèse de Saint-Etienne et le journal « La Vie », qui organisaient ces Assises ont gagné leur pari.
Au-delà des interventions que l’on peut retrouver ici, quatre aspects sont ressortis plus particulièrement.
La première expérience, c’est de se retrouver dans un immense lieu de rencontres. Rencontres fortuites de chrétiens divers, interpellés par les défis écologiques à travers des parcours personnels impressionnants à partager. Rencontres plus organisées de chrétiens de bords différents, confrontant leurs idées dans les tables rondes. Les apports des intervenants s’y complétaient pour chercher ensemble et mieux cerner une perception chrétienne des enjeux écologiques.
La seconde expérience, c’est que ces Assises tenaient leur promesse : l’action concrète était déjà là ; on pouvait vraiment la toucher du doigt. Sur les 80 forums proposés, 32 portaient sur des expériences concrètes ou des actions pratiques. En premier lieu, la « marche pour le climat » de chrétiens qui ont marché trois jours, de Lyon à Sait Etienne pour venir aux Assises. D’autres sont venus en vélo… Mais aussi des expériences allant du jardinage à la monnaie locale, des éco-hameaux aux menus bons pour le climat. C’était une belle illustration de créativité, tant dans les actions que dans la façon de les entreprendre. La manière de concevoir les projets s’appuie sur la co-construction, l’articulation, l’expérimentation, comme si l’observation des écosystèmes et de leurs interrelations, avait enrichi notre tradition cartésienne.
Oui, on peut agir, au-delà de fermer son robinet et trier ses déchets. La plupart de ces actions n’est pas spécifique aux chrétiens et c’était beau de voir des incroyants, dans certains forums, venir expliquer aux chrétiens ce qu’ils faisaient. Cependant, on partageait aussi des expériences de rénovation énergétique dans des bâtiments paroissiaux, de « journées de la Création » ou de conversion à l’agriculture biologique d’un monastère.
Le troisième point est venu de la convergence des intervenants. Chacun avec son approche, ils constataient que de simples corrections à nos habitudes et au fonctionnement actuel des sociétés mondiales ne permettraient pas de résoudre la crise écologique. Ils rejoignaient le constat du pape François dans l’encyclique Laudato Si : il faut inventer un nouveau modèle de développement, un nouveau paradigme, de nouveaux styles de vie. Travailler à un développement mondial centré sur le « bien vivre » et non sur l’argent. Les limites de la planète, de ses ressources, de sa capacité à assurer la vie des sociétés humaines ne permettent pas la poursuite du mode de développement actuel, à l’échelle mondiale.
Ce constat est clairement perçu. Mais comment l’Eglise catholique de France peut–elle se situer dans l’invention d’un nouveau développement où certaines choses devront décroitre au profit d’autres ? Il apparait que cela reste à creuser même si le Cardinal Turkson en a évoqué des pistes dans son message envoyé pour les Assises. Comme leurs frères d’autres confessions ou d’autres religions, les catholiques de France ont apporté des contributions pour de nouveaux styles de vie. Mais il s’agit maintenant de saisir ce fameux « kairos » exprimé en janvier dernier par Mgr Brunin et illustré avec talent par le spectacle de la troupe sketch’up : « sorties de crises », au dernier soir des Assises.
Il s’agit d’un« kairos » mondial : le moment favorable où des évènements tragiques ouvrent soudain des possibilités à saisir. Les chrétiens l’ont perçu, ils l’expriment. Il semble encore trop tôt pour qu’ils puissent préciser comment ils pourraient contribuer à la réussite d’une telle métamorphose.
Enfin, l’organisation de ces Assises a été remarquable. Les organisateurs et leurs équipes de bénévoles motivés, ont su accueillir 2 000 personnes de générations et de conditions diverses : des familles avec leurs enfants pour lesquels des animations multiples étaient proposées ; de jeunes adultes, souvent associés à des initiatives concrètes ; une majorité d’adultes plus âgés allant des chrétiens découvrant le volet « sauvegarde de la création » de leur foi, jusqu’à des militants écologistes de la première heure.
Un signe qui en dit long : les horaires ont été respectés d’un bout à l’autre des trois jours, sauf la séance finale. Un temps de célébration et d’échanges que l’enthousiasme de l’assemblée, se découvrant inter-religieuse, a prolongé d’une demi-heure. Repas variés, bio et sans viande, gobelets et bouteilles d’eau consignés, déchets triés pour être quasiment tous recyclés, co-voiturage, hébergement partagé par des habitants de Saint-Etienne, tout était fait pour une cohérence entre les actes et les discours. Un beau moment de sobriété heureuse.
Une des réflexions centrales de ces Assises portait sur la question de la « croissance ». Ce concept est souvent brandi sans en préciser le contenu. S’il s’agit simplement de continuer à faire augmenter le PIB, l’unanimité s’est faite pour dire que ce n’était plus possible, sur une planète aux espaces et aux ressources limités. L’avenir devra donc choisir ce que nous voulons voir croître et ce que nous voulons voir décroître ou que nous serons obligés de faire décroître. Le terme de décroissance a beaucoup été employé, parfois sans en définir, non plus, le contenu.
La convergence a porté sur la décroissance de la démesure, du pillage des ressources, de la pollution – en particulier des émissions de gaz à effet de serre –. Car la croissance du niveau de vie des plus pauvres reste un impératif, de même que la croissance du « bien-vivre » devrait devenir un objectif majeur dans beaucoup de sociétés économiquement développées.
Un des fruits de ces Assises sera de bien cibler le travail futur. Le mouvement d’actions concrètes est maintenant lancé et il convient de l’élargir et de l’amplifier, en alliant cohérence et co-construction.
Mais parallèlement, il faut s’emparer du défi lancé par l’encyclique et réfléchir à l’apport des Eglises dans l’invention d’un nouveau développement mondial.
On peut penser que ces Assises étaient un test de la réception de l’encyclique « Laudato Si ». On y a constaté que le public catholique sensibilisé à l’écologie est en totale consonance avec ce texte. Plus largement, des experts reconnus et des leaders religieux d’autres confessions ou religions sont en accord avec les déclarations du pape François et y voient un apport à la fois novateur et fédérateur. Les conditions sont donc favorables pour que ce document inspire maintenant l’action des chrétiens et de la société française, dans un domaine où l’œcuménisme et le dialogue inter-religieux ne souffrent d’aucun passif ancien. Le temps de prière inter-religieux qui a clôturé les Assises, avec beaucoup de finesse et d’émotion, en a signifié l’espoir.
Jean-Hugues Bartet, diacre,
Chargé de mission « environnement et modes de vie »,
Service Famille et Société de la CEF