« Le fil » film de Daniel Auteuil et « Le procès du chien » film de Laetitia Dosch
Fiche de l’Observatoire Foi et Culture du 25 septembre 2024, OFC 2024, n°31 sur « Le fil », film de Daniel Auteuil et « Le procès du chien » film de Laetitia Dosch
Un fil à la papatte
La référence à Georges Feydeau et à sa pièce « Un fil à la patte » n’a pour but que de mettre en rapport deux films – et non une œuvre théâtrale – sortis sur les écrans le même jour : « Le fil » de Daniel Auteuil et « Le procès du chien » de Laetitia Dosch : Un fil… à la papatte !
Ce sont deux films nettement différents dans leur traitement, cependant, on peut souligner plusieurs points qui les rapprochent et soulignent la diversité et la richesse du cinéma français, et ce après avoir présenté dans les précédentes fiches plusieurs œuvres étrangères.
D’abord, ce sont un acteur et une actrice qui assurent l’écriture et la mise en scène de ces films. Ensuite, ce sont deux films de procès. Enfin, ils interrogent chacun de nous sur son rapport à la vérité.
Le film de Daniel Auteuil est de facture classique. Il entretient le suspense, certes au sujet de la culpabilité ou de l’innocence d’un homme accusé d’avoir tué sa femme, alors que les preuves matérielles et le mobile peinent à être apportés, mais aussi au sujet des interrogations de son avocat, joué par Daniel Auteuil. Un ou plutôt deux twists finaux apporteront quelques surprises, mais ils se présentent de bonne manière, sans le caractère artificiel que certaines œuvres à énigme proposent.
Il est joué par d’excellents acteurs, Daniel Auteuil, Grégory Gadebois, apprécié il y a quelques mois dans « Paternel », Sidse Babett Knudsen, cette actrice danoise, parlant très bien notre langue, qui portait la série Borgen, Isabelle Candelier, d’autres encore. La mise en scène choisit de privilégier les visages, avec des angles souvent originaux – il est vrai qu’un prétoire ne se prête guère à de grands mouvements de caméra.
Bref, un film « qualité France », au bon sens de ce terme.
Il est agréable de se laisser porter par un récit bien mené, classique, qui tient l’attention.
Si Daniel Auteuil signe ici son cinquième film, le meilleur dit-on, Laetitia Dosch présente son premier.
Nous passons du classicisme à l’originalité ; ce qui n’étonne pas de la part de cette actrice qui a porté souvent des rôles de personnes au bord de l’abîme ou de la fêlure.
Nous suivons aussi la parcours d’une avocate, mais dont le client est plus inattendu, c’est un chien. Celui qui « joue » le chien s’est vu obtenir la « palme dog » au dernier festival de Cannes. Rappelons, il y a un an, le chien au cœur de l’intrigue de d’« Anatomie d’une chute » qui fut aussi lauréat de cette palme.
Le film est à la fois une parabole qui prend la défense de tous les exclus, comme un engagement militant antispéciste. Chacun pourra se retrouver plus ou moins aisément dans l’un ou l’autre de ces combats.
Alors que « Le fil » est grave, le ton du « procès du chien » est assurément comique. Les acteurs n’y sont pas pour rien, ni son héros à quatre pattes bien entendu. Outre la réalisatrice qui incarne l’avocate du chien Cosmos, nommons François Damiens, Jean-Pascal Zadi, Anne Dorval et bien entendu Kodi, le chien, qui joue Cosmos.
Et puis, lorsque le chien comparait devant un comité d’éthique ! on sourit de reconnaître Dominique Bourg comme celui qui le préside.
Mais, dans ce film, il ne s’agit pas seulement de rire et de sourire, et on le fait, il est question de justice, de respect, aussi de sensibilité et de cœur. Le rapport à ce qui n’est pas humain vient interroger notre propre humanité.
En ce mois de l’écologie, même si le film est loin de tout cela, on pourra laisser venir en soi des références à Laudato si’, à saint François d’Assise, et ces belles paroles de Fédor Dostoïevski : « Mes frères, aimez toute la création dans son ensemble et dans ses éléments, chaque feuille, chaque rayon, les animaux, les plantes. En aimant chaque chose, vous comprendrez le mystère divin dans les choses. L’ayant une fois compris, vous le connaîtrez toujours davantage, chaque jour. Et vous finirez par aimer le monde entier d’un amour universel.
Aimez les animaux, car Dieu leur a donné le principe de la pensée et une joie paisible. Ne les troublez pas, ne les tourmentez pas en leur ôtant cette joie, ne vous opposez pas au plan de Dieu » Les Frères Karamazov, Gallimard, édition de 1948, p. 290-291.
+ Pascal Wintzer, OFC