Magnificat, film de Virginie Sauveur (juin 2023)
Fiche de l’Observatoire Foi et Culture du 19 juillet 2023, n°28, à propos de Magnificat, film de Virginie Sauveur (juin 2023)
Un prêtre, Pascal Foucher, meurt d’un cancer. Le médecin qui constate son décès découvre aussi qu’il est une femme… Prévenue, la chancelière du diocèse de Paris, incarnée par Karin Viard, s’occupe, sous la supervision de l’évêque – qu’on doit imaginer archevêque de Paris et que joue François Berléand – d’étouffer l’affaire. Pourtant, elle veut comprendre comment une femme a réussi à devenir un prêtre et un prêtre apprécié et respecté.
Telle est l’intrigue du film de Virginie Sauveur, principalement connue pour ses réalisations de téléfilms et de séries télévisées, qui s’enrichit toutefois d’une péripétie secondaire. Karin Viard est mère-célibataire et le père de son fils est un prêtre…
On l’aura compris, le film mobilise tout ce qui en ce moment fait débat dans la société et dans le catholicisme : la place des femmes, le problème du célibat, la transition d’un sexe vers un autre, le cléricalisme.
Autant le dire tout de suite : le film est raté. Il apparaît très vite comme prétentieux tant les effets esthétiques recherchés ressemblent à des conventions apprises dans une école de cinéma, tant les musiques sont d’une banalité confondante, tant les personnages sont archétypaux. L’archevêque est tout à la fois brutal mais avec un faible fond d’humanité qui devrait le placer dans une ambiguïté signifiante. Heureusement, son auxiliaire est obtus et clérical. Le personnage de la chancelière est complètement irréaliste : écartelée entre sa foi profonde et son désir de vérité, elle se révèle aussi otage du secret de la naissance de son fils. Karin Viard échoue complètement à lui apporter un semblant de crédibilité.
Alors pourquoi signaler un mauvais film qui ne rencontrera sans doute pas le succès ?
Il faut comprendre le film Magnificat comme un symptôme. Il reflète les lieux communs d’une société qui a massivement perdu sa culture et ses repères religieux mais qui demeure, sinon travaillée, au moins perplexe face à l’Église et la foi catholiques. 2 Le film est mauvais parce que justement il ne repose pas assez sur une fine connaissance de l’Église et de ses réalités institutionnelles et pastorales, comme aussi sociologiques et humaines. En ce sens, il révèle l’écart qui existe entre ce qui reste de trace religieuse et ce que porte en elle la foi des chrétiens. Les scènes de prière sont très mal filmées… et pourtant la prière est au cœur de l’action des chrétiens. Comment en rendre compte uniquement de l’extérieur ?
Les questions que le film prétend poser sont celles du débat public : l’ordination des femmes, l’exercice de l’autorité dans l’Église, la culture du secret, la sexualité. Mais qui trop embrasse, mal étreint. Virginie Sauveur en prétendant tout aborder dans un seul film charge son intrigue et la rend indigeste et surtout inefficace. En vérité, elle est passé à côté du sujet de ce qui aurait pu être un vrai film : non pas la mort de cette femme qui s’est fait passer pour un homme afin d’être prêtre mais la vie de ce prêtre-femme qui devait se faire passer pour un homme. Là, il y aurait eu matière à nouer une intrigue tout à la fois romanesque et en même temps, peut-être, utile pour interroger l’Église institutionnelle sur la place des femmes dans le sacerdoce.
Qu’on ne s’y méprenne pas toutefois : la nullité de ce film ne doit pas rassurer l’institution et ses responsables. Les thèmes qu’il aborde sont ceux qui minent aujourd’hui la crédibilité non seulement de l’Église mais des chrétiens. Écoutons l’écho qui nous vient de l’extérieur de nous-mêmes pour percevoir à la fois l’image que nous renvoyons à la société actuelle et affiner notre relation à elle qui manifeste peut-être, y compris dans ses maladresses, une attente que nous n’avons pas le droit de décevoir.
Benoît Pellistrandi
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