Madres Paralelas de Pedro Almodovar

Fiche de l’Observatoire Foi et Culture (OFC) du mercredi 1er décembre 2021 sur le film :  » Madres Paralelas » de Pedro Almodovar.

Ce nouvel opus d’Almodóvar multiplie les fondus au noir. L’obscurité ne fait pas que relier les scènes, mais  constitue le milieu duquel elles émergent. Noir funèbre, parfois apaisant, toujours tragique. Noir dont joue  avec une habileté consommée le génial coloriste mais aussi le moraliste profond, inquiet, qu’Almodóvar se  révèle être toujours davantage. Pour camper ici la tragédie de la maternité ou, pour mieux dire, la quête de  plus en plus difficile, l’exigence sans cesse plus littéralement vitale et l’impossibilité croissante de mettre des  enfants au monde (1).

Au commencement surgit la vie, toujours imprévue, que l’enfant soit désiré ou non. La vie qu’on tente  d’enfermer dans les procédures de l’accouchement moderne ; qui fait souffrir celle qui la donne et la comble  pourtant au-delà de l’imaginable. Les premières scènes racontent cela avec une économie de moyens  stupéfiante, où deux mères livrées à elles-mêmes, l’une mûre et l’autre adolescente, se rencontrent au seuil  de la naissance.

Une fois de plus, chez Almodóvar, les pères ont disparu. Haïssables ou sympathiques, ils ont fui. Restent les  femmes, sans autre à qui faire confiance ou parfois incapables de s’intéresser à un autre, fût-il leur enfant.  Entre le surgissement de la vie et l’omniprésence de la mort, le réalisateur trace ses arabesques coutumières,  contemplant ses personnages sans les juger, entrelaçant la grande et la petite histoire, s’amusant à résoudre  en quelques minutes des enjeux qu’on croirait considérables, pour nous fournir une sorte de version féminine  de Dolor y Gloria (2).

Il n’y a pourtant pas répétition, mais approfondissement. Quitte à schématiser, nous pourrions dire qu’après  les films montrant un monde désorienté (3) puis ceux s’interrogeant sur nos évolutions possibles (4), Madres  Paralelas pose la question des origines (5. Parentalités interchangeables, duplicité ou indifférence des proches,  proximités plus ou moins virtuelles ne renvoient pas seulement à une absence de critères moraux favorisée  par les bouleversements technologiques, mais se révèlent issues de l’œuvre de mort des générations  antérieures, d’autant plus prégnante qu’elle est tue.

Du stupéfiant dernier plan, quasi perpendiculaire aux mouvements et aux thématiques du film, deux leçons  au moins se dégagent. Tous issus d’une histoire tragique, nous devons combattre à la fois l’oubli et le  ressentiment. Surtout, quiconque veut voir, découvre que la vie, la nôtre et celle des autres, ne pourra  continuer qu’au prix d’une résurrection.

Denis Dupont-Fauville

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