Comme un athlète de Dieu – Manifeste sportif et chrétien
Fiche de l’Observatoire Foi et culture (OFC) du mercredi 12 septembre 2018 : « Comme un athlète de Dieu, manifeste sportif et chrétien » (Edition Salvator).
Après les nombreuses compétitions sportives de cet été 2018 (tennis à Roland Garros, championnat d’Europe d’athlétisme, Coupe du monde de football, Tour de France) et au moment où les sportifs reprennent le chemin des stades, le livre d’Arnaud Bouthéon arrive à point nommé.
Consultant en communication, Arnaud Bouthéon travaille depuis dix ans sur les liens unissant sport, politique et religion. Il n’était pas facile pour lui de faire une comparaison entre les valeurs du sport et les données fondamentales de la foi, l’enthousiasme des sportifs et la prière, l’Église et l’esprit de corps. La comparaison est réussie et vraiment éclairante.
Dans la préface, Mgr Jean Laffitte salue cet essai : « L’idée même de rapprocher ces deux réalités, le souffle spirituel et l’enthousiasme sportif, est originale, surtout sous la plume d’un homme jeune, bien de ce temps, et dont les références sportives sont nécessairement contemporaines » (p. 9).
Plusieurs aspects de ce livre donnent matière à réflexion :
• La dimension universelle. Des événements planétaires réunissent des sportifs de tous pays. Chaque athlète établit une complicité avec l’adversaire. Dans l’affrontement, il se doit de le respecter. Le sport est-il devenu une nouvelle religion ? Arnaud Bouthéon répond en prenant appui sur l’étymologie latine du mot religion. « Le mot religare signifie le lien, la connexion entre deux réalités indépendantes. Le mot « ligament » qui lie les muscles et les os, provient de la même source ». Le sport met en lien les individus, au-delà des terrains de jeu… (p. 30). L’autre mot latin est celui de religere qui signifie la collecte, la récolte (…) Le sport répond à une demande de liens et d’émotions » (p. 31).
• La beauté du geste. Arnaud Bouthéon, dans un autre chapitre, fait un rapprochement entre la beauté du geste sportif et la beauté de la liturgie. Très éclairant ! Le sport nous présente en effet des gestes de toute beauté. Des gestes ordonnés, patiemment travaillés à l’entraînement, inventifs et géniaux. C’est un vrai bonheur de voir évoluer Neymar ou Mbappé sur la pelouse d’un stade, comme Zinedine Zidane virevoltant, quelques années auparavant, dans des chorégraphies inédites offertes balle au pied. On se souvient aussi du rugbyman Jonny Wilkinson frappant une pénalité, totalement unifié dans son geste. Les muscles saillants, les mouvements fluides, la concentration… Dans le sport, tout est élégance et beauté. Comment ne pas admirer, par exemple, en athlétisme, les longues foulées, et cette envolée juste avant la ligne d’arrivée ? Le sportif a le regard fixé droit devant, les bras répondant mécaniquement. À ce sujet, Marie-jo Perec, Unsain Bolt nous ont fait rêver. Les mauvais coups, comme « la cravate » au rugby, sont sévèrement punis. L’arbitre peut expulser du terrain un joueur qui n’a pas surmonté sa colère et qui a fait un geste dangereux contre un adversaire. Le « coup de boule » de Zidane contre Materazzi est resté célèbre. La liturgie, quant à elle, à travers la riche tradition de l’Église, déploie une immense palette de gestes et de signes. Le célébrant fait acte de foi et d’obéissance en la Tradition de l’Église, il fait acte de pauvreté en ordonnant sa créativité. Pour le croyant, le mouvement du corps est l’expression de l’adhésion fervente de l’esprit et du cœur.
• Les dérives de la recherche de performance. Arnaud Bouthéon, passionné de sport, n’évite pas la question du sport-spectacle qui ne survit que parce qu’il est sport-business. L’aspect mercantile conduit à « vouloir toujours plus d’audience et de fidèles, de compétitions et de championnats, de droits audiovisuels, de contrats et de sponsoring, de primes pour les acteurs du show. Toujours plus de tentations pour suivre la cadence… La machine tourne à plein régime. Jusqu’où ? » (p. 34). La fameuse devise de Pierre de Coubertin, inspirée par le père Didon, « plus vite, plus haut, plus fort », prend aujourd’hui une tout autre portée. Le dopage et le transhumanisme ne sont pas loin, fructueux marché. Le pape François, supporter du club argentin de San Lorenzo promeut la sobriété. « Le sport authentique, dit Arnaud Bouthéon, invite à rester humain. Sobre et humble, modeste humain parmi les humains. Le sport exhale la douleur et la souffrance d’un homme fragile » (p. 56).
• La solitude de l’arbitre. On peut s’attarder sur les développements, courts mais très justes, concernant celui qui est le gardien de la rectitude du jeu. L’arbitrage vidéo, bien que très utile, ne peut se substituer à l’homme mais demeurer à son service. Arnaud Bouthéon fait un rapprochement suggestif avec la vie spirituelle : « Sous le regard de Dieu, avec sa grâce, nous sommes les arbitres de nos vies et de notre propre jeu » (p. 116). Et Dieu est-il l’arbitre suprême ? « Dieu n’attend pas la dernière marche pour se pencher sur notre cas. Depuis nos premiers pas, il est avec nous, encore aujourd’hui. Il est celui qui “sonde les reins et les cœurs” (Jr 17,10), et rien de notre vie ne lui échappe. Il n’est pas voyeur, il est compagnon. Il est à notre côté, jusqu’au bout. Le croyons-nous ? » (p. 118).
• Le sport, école de transmission. À la fin de son essai, Arnaud Bouthéon cite bien à propos le cardinal béninois Bernadin Gantin qui lançait un appel, il y a quelques années : « Il faut des entraîneurs. L’Église a une grande carence aujourd’hui, elle n’a pas donné à la jeunesse des entraîneurs. » Le propos est excessif, mais il a le mérite de rappeler que la vie chrétienne, comme dans le sport, a besoin de témoins, de gens capables de voir le meilleur dans l’autre et de le faire ressortir. Arnaud Bouthéon rend hommage à ces « prêtres de l’ombre » qui « entraînent, conseillent, envoient. Ils donnent le meilleur à des familles, à des pères, à des mères, à des enfants, assumant joyeusement cette part de féconde solitude » (p. 135).
En cette période de rentrée sportive et pastorale, l’ouvrage d’Arnaud Bouthéon est stimulant. À offrir à beaucoup d’éducateurs !
Monseigneur Hubert Herbreteau