« Louise et Rosalie », un accueil de jour exclusivement pour les femmes sans-domicile fixe
Situé au cœur en plein cœur de Paris, « Louise et Rosalie » est un accueil de jour dédiée aux femmes sans-abri et en grande précarité. Ouvert le 30 novembre 2020, l’accueil propose un lieu sécurisé, chaleureux et lumineux, où des bénévoles et un travailleur social sont là pour les accueillir dans un esprit de fraternité. Entretien avec Sophie de Villeneuve, chef de projet et bénévole de l’association.
Qu’est-ce que l’Accueil de jour « Louise et Rosalie ? »
C’est un lieu exclusivement dédié aux femmes sans-abri et géré par des femmes bénévoles. C’est la grande spécificité de « Louise et Rosalie » ! Dans cet espace d’écoute, elles peuvent sortir de l’isolement, recréer des liens sociaux pérennes et tisser des relations de confiance avec nos cinquante bénévoles. C’est aussi un lieu d’orientation car nous recensons les meilleures adresses (NDLR. Associations caritatives) qui existent pour elles à Paris pour ensuite les réorienter. Nous n’accueillons pas de femmes avec enfants. Or, certaines ont besoin de trouver un endroit qui puisse les loger en famille. Nous essayons d’être au plus près de la réalité, de leurs besoins et de leurs problèmes.
Quelle est la genèse du projet ?
Il n’existait pas d’accueil de jour pour les personnes en grande précarité dans le VIe arrondissement de Paris. Ce projet a pris forme en 2017. C’est le fruit d’un partenariat tripartite entre la Fédération des équipes Saint-Vincent, la société Saint-Vincent de Paul, et la Congrégation de la Mission (Lazaristes). Nous souhaitions suivre les traces du pape François qui appelait à « aller vers les périphéries » et vers les plus pauvres.
Pourquoi un accueil dédié uniquement aux femmes ?
Pour des questions de sécurité. Dans la rue, les femmes sans-abri représentent une population extrêmement vulnérable. Elles ne veulent pas se rendre dans des structures d’accueils mixtes car elles ont peur de la violence qui y règne. Elles sont malheureusement sujettes aux agressions physiques et aux vols. Quarante pourcent d’entre elles ont déclaré avoir été abusées sexuellement et 60% violentées physiquement. Nous devions faire quelque chose. Au niveau national, 40% des personnes sans-domicile fixe en France sont des femmes, et à Paris, nous comptabilisons plus de 1100 femmes. En cette période de confinement, nous avons des contraintes sanitaires très fortes. Nous ne pouvons pas accueillir plus de 15 à 20 femmes par jour.
Que proposez-vous pour aux femmes en situation de précarité ? A quelles services ont-elles accès ?
Nous voulions réaliser sur 160 m2 un lieu très apaisant et fonctionnel pour recevoir des femmes fatiguées de leurs nuitées à la rue. Elles peuvent s’y reposer, prendre des douches, laver leur linge, recharger leur ordinateur ou téléphone portable, consulter un travailleur social et obtenir un suivi socio-médical et psychologique… Toujours dans un esprit de fraternité, nous organisons des déjeuners toutes ensemble, chaque dimanche.
Nous leur proposons également des formations et des relectures spirituelles avec les coachs de l’association « Aux captifs la libération » qui connaissent bien les enjeux de l’accompagnement et de l’accueil. Nous les aidons au travers de relectures psychologiques et spirituelles. C’est très complémentaire. Il faut que ces femmes repartent sur un nouveau chemin mais nous devons – en tant que bénévole – trouver un enrichissement personnel à leur contact.
Accompagner des femmes ne s’improvise pas. Vos bénévoles ont reçu une formation sur la grande exclusion. Cherchez-vous d’autres bénévoles pour venir vous aider ?
Au total, nous sommes cinquante bénévoles à s’inscrire sur le planning et à se relayer quotidiennement. La plupart d’entre elles ont déjà une expérience de l’accueil de l’autre car elles sont engagées dans d’autres associations caritatives, mais il nous semblait indispensable d’ajouter cette formation complémentaire sur la grande exclusion. Nous cherchons toujours des bénévoles. Avoir l’expérience des maraudes est un plus mais nous acceptons toutes les personnes qui veulent prêter main forte.
Viennent-elles spontanément chez « Louise et Rosalie » ? Est-ce les associations caritatives qui leur conseillent de venir chez vous?
« Louise et Rosalie » s’inscrit dans un réseau associatif parisien (NDLR. Secours catholique, Samu social, l’Aurore). Ces associations commencent seulement à nous connaitre, elles réorientent des femmes migrantes et des prostituées chez nous. Nous accueillons sans jugement de manière inconditionnelle. Le bouche-à-oreille fera son affaire avec le temps. Le monde de la rue est un petit monde où les personnes sans domicile-fixe se côtoient et se donnent des conseils de vie pratique comme par exemple les lieux des centres d’hébergement d’urgence ou les bains-douches. Si Louise et Rosalie devient un « bon plan », nous aurons alors gagné sur tous les tableaux !
Qui sont les femmes que vous accueillez dans vos murs ?
Deux types de profils se dessinent dans nos accueillies. De nombreuses femmes sont logées à l’hôtel par la mairie de Paris, mais elles connaissent une grande précarité car elles vivent dans des petites chambres très insalubres et parfois sans chauffage. Elles en profitent pour se réchauffer laver leur linge. D’autres vivent à la rue, elles rejoignent l’Accueil dès l’ouverture chaque matin.
Quels messages d’Espérance souhaitez-vous exprimer ?
Je suis très impressionnée de voir qu’un esprit d’initiés au XVIIe siècle puisse encore entrer en résonance à notre époque. La spiritualité de Saint-Vincent-de-Paul mérite d’être plus connue. Il disait que les pauvres sont nos maitres et c’est une réalité à découvrir encore !
Pourquoi l’Accueil s’appelle-t-il « Louise et Rosalie » ?
L’Accueil fait référence à deux saintes. Louise de Marillac (1591-1660) est avec Saint-Vincent-de-Paul, la fondatrice des Filles de la charité et la Bienheureuse Rosalie Rendu, religieuse de la rue Mouffetard (Paris Ve arrondissement) a inspiré Frédéric Ozanam (1813-1853), fondateur de la Société Saint-Vincent-de-Paul. « Ce sont des saintes dont nous allons nous inspirer ! », explique Sophie de Villeneuve. « C’est un projet vincentien qui s’appuie sur la spiritualité de Saint-Vincent-de-Paul.»
L’Accueil Louise et Rosalie, 97, rue de Sèvres (Paris VIe arrondissement) – Compte tenu de la crise sanitaire actuelle, l’Accueil Louise & Rosalie ouvrira ses portes uniquement les mercredis et jeudis de 9h à 12h30et le dimanche de 10h30 à 14h. www.louiseterosalie.com