Naufrage du Prestige
Le pétrolier Prestige s’est cassé en deux au large des côtes espagnoles de Galice. Il portait 70 000 tonnes de fuel. Les experts disent maintenant qu’il n’aurait pas dû prendre la mer depuis plusieurs années, vu son mauvais état évident.
Déjà, voilà trois ans, le pétrolier Erika, au large des côtes de Bretagne en France, avait connu le même sort pour la même raison. Il semble que cette expérience n’ait pas servi et malheureusement continuera si rien n’est fait pour y remédier.
Nous, évêques responsables de la Pastorale de l’apostolat de la mer en Espagne, Portugal et France, nous voudrions faire entendre, à notre place, nos voix de pasteurs, soucieux du bien commun, du sort des familles et des personnes, de leurs conditions de vie et de leur environnement.
Nous entendons avec respect et volonté de soutien les plaintes et les craintes de tous ceux qui sont ou seront gravement lésés dans leur profession, leur avenir, leur équilibre humain et spirituel. Nous les assurons de notre sollicitude et de notre prière.
Nous discernons la justesse des constats que des experts et praticiens maritimes compétents font de la situation actuelle sur les mers de l’univers. Ils observent l’exploitation fréquente des équipages de marins, recrutés souvent dans les pays du Tiers Monde, au moindre prix ; les astuces de certaines compagnies ou de certains armateurs pour échapper au contrôle de leurs navires grâce aux pavillons de complaisance ; leur volonté d’utiliser dangereusement jusqu’à l’usure, des navires que l’opinion appelle avec raison navires-poubelles.
Nous soutenons toutes les actions et les organisations qui agissent pour qu’une telle situation d’injustice, de corruption et d’irresponsabilité cesse le plus rapidement possible.
Nous nous adressons instamment avec elles aux responsables de l’Union européenne pour que les lois en faveur de la dignité et du bien-être des marins, de la sécurité des mers, de la protection des espèces, du contrôle des navires et des techniques de la pêche, soient efficacement appliquées.
Nous souhaitons fortement que l’organisation des Nations Unies exerce son influence pour que cette réglementation ne soit pas seulement observée par l’Europe, mais aussi par les nations maritimes du monde entier.
Comme évêques, nous refusons que certaines minorités de puissants, des coalitions d’intérêts, des manières mafieuses de faire, agissent dans l’impunité et exercent leur pouvoir de polluer la mer et même de la détruire. Devant ces apprentis-sorciers, capables d’assassiner la mer, nous opposons notre refus du fatalisme, notre volonté d’éduquer l’opinion publique, notre désir d’orienter les communautés chrétiennes à participer à tout ce qui se fait dans la société en faveur des personnes vivant de la mer et à tout ce qui s’oppose à leur destruction et à la dégradation des réalités maritimes.
Nous affirmons ceci : les raisons économiques invoquées pour légitimer ces pratiques ou les tolérer sont de mauvaises raisons, de graves erreurs de jugement, des perversions de la conscience morale : cela ne peut plus, ne doit plus durer. L’évidence est là : le coût humain de ces pratiques est vraiment trop élevé.
Ces convictions si humaines trouvent leur fondement dans notre Foi en Dieu qui crée la personne humaine à son image, la rend responsable de l’univers, et lui envoie son Fils pour la sauver des forces du mal et l’orienter vers le bonheur. Puisse notre appel au bon sens, à la justice, au respect et à la solidarité internationale être entendu : la mer n’est pas un dépotoir, elle est lieu de vie et don de Dieu !
Le 21 novembre 2002.
+Mgr Luis Quinteiro
Évêque de Orense-Galice (Espagne)
+Mgr Januario Ferreira
Président de l’Apostolat de la mer (Portugal)
+Mgr Pierre Molères
Évêque de Bayonne Lescar et Oloron (France)