Foi et culture : A propos du festival Hellfest et d’autres phénomènes culturels par Mgr B. Ginoux

Mgr Bernard Ginoux

Mgr Ginoux, évêque de Montauban s’est exprimé au sujet du festival de musique métal « Hellfest », organisé les 8, 19 et 20 juin 2010 à Clisson en Loire-Atlantique. Il invite à réfléchir sur la relation entre la foi chrétienne et la culture comme expression artistique au cœur de l’évangélisation. Tout au long de l’été des festivals, des spectacles, des expositions seront sur le chemin des vacances. Comment aborder ces manifestations dans la logique de notre foi ?
 

Savoir de quoi nous parlons

La musique métal n’est pas uniforme, il y a divers styles représentés par divers groupes. Les groupes les plus satanistes sont les groupes de « black métal ». Ils sont nés dans l’Europe du Nord et, maintenant apparaissent aussi dans l’ancienne Europe de l’Est. Je ne suis pas compétent pour expliquer ces styles de musique mais ce qui choque est l’expression du satanisme. Or, nous devons revoir le contexte historique et culturel des civilisations païennes d’avant le christianisme. La Norvège, en particulier, a connu une implantation du christianisme par la force et, de la même manière, après avoir été catholique, est devenue protestante. La recherche des forces obscures, les invocations au démon, parfois de tragiques passages à des actes de profanation, sont l’expression de révoltes contre un Dieu qui est une caricature.

Pour la même raison, aux Etats-Unis, sont nés des groupes métal, dont le célèbre Marilyn Manson, terriblement agressifs vis-à-vis de certaines Eglises (fondamentalistes, « charismatiques, conduites par un gourou », prétendues chrétiennes) fondées sur la peur, la venue prochaine de la Bête de l’Apocalypse, et le refuge dans la condamnation.

Cette haine que certains groupes véhiculent dans leurs chansons est souvent l’expression d’une quête déçue. Ainsi le dit l’un d’entre eux qui refuse de croire en Dieu dès sa jeunesse et interroge des croyants : « Je leur demandais ce que je ratais, ils n’ont jamais su me l’expliquer » Et pourtant le chrétien se doit de « rendre compte de l’espérance qui est en lui ». (1ère lettre de Pierre 3,15)

Un deuxième point est à prendre à compte. Il y a aussi une musique métal qui n’est ni satanique ni blasphématoire et qui, au contraire veut donner à rêver d’unité entre les hommes.

On peut même voir apparaître dans ce style musical aux Etats-Unis et en Australie des groupes qui se présentent comme croyants.

Il y a donc une très grande diversité dans ce monde du métal. Cette diversité ne gêne pas vraiment les amateurs (ou plutôt les passionné. C’est la musique essentiellement qui les intéresse et non les paroles.

Que nous dit l’Eglise catholique ?

A la suite du Christ, l’Eglise n’existe que pour évangéliser. L’enseignement des derniers papes (de Paul VI à Benoît XVI) et du concile Vatican II insiste sur la relation entre la foi et la culture : « Que les croyants vivent donc en très étroite union avec les autres hommes de leur temps et qu’ils s’efforcent de comprendre à fond leurs façons de penser et de sentir telles qu’elles s’expriment par la culture ». (Gaudium et Spes n°62, §6).

De toute évidence l’Eglise catholique est engagée dans un dialogue avec le monde tel qu’il est. Le dialogue ne veut pas dire l’approbation, encore moins la bénédiction ! La musique métal est un aspect de la culture d’aujourd’hui. Des dizaines de milliers de jeunes sont attendus au Hellfest de Clisson ce week-end. Pourquoi interdire ce rassemblement ? Les détracteurs répondent : « Parce qu’il y a des groupes satanistes et des paroles blasphématoires ». Mais, paradoxalement, ces paroles posent la question essentielle de Dieu. Car si Satan est invoqué c’est que l’image de Dieu fait problème. C’est alors qu’il y a place pour le dialogue. Jean-Paul II dans sa Lettre aux artistes, le 4 avril 1999, écrit : « Même lorsqu’il scrute les plus obscures profondeurs de l’âme humaine ou les plus bouleversants aspects du mal, l’artiste se fait en quelque sorte la voix de l’attente universelle d’une rédemption » Cette citation est reprise par Benoît XVI dix ans après. Elle nous appelle à agir car il est possible d’évangéliser toutes les cultures.

La culture et le disciple du Christ

Les tailleurs de pierre et les peintres de nos cathédrales n’hésitaient pas à représenter monstres, démons, diables terrifiants. Le baroque à Florence ou à Rome fait trembler devant des squelettes de marbre. Les « grotesques » ornent les murs des palais.

Au XVIIè siècle Molière était « démoniaque » aux yeux des tartuffes de la foi catholique et il fut souvent dénoncé. Mais un roi éclairé le soutenait !

Plus tard on voudra aussi interdire la publication des Fleurs du Mal (Baudelaire) ou les Chants de Maldoror (Lautréamont) et bien d’autres œuvres !

En tout cela nous avons une mission : évangéliser la culture, être témoin du Christ au cœur du monde aujourd’hui, tel qu’il est, aimer les personnes comme le Christ les aime.

Pour cela nous devons connaître et comprendre le cri de l’homme à travers ces manifestations. Le Christ est venu « pour que tous les hommes soient sauvés ». Allons-nous condamner 50.000 jeunes qui participent au Hellfest ? Ne sommes-nous pas appelés à leur dire que quelqu’un les aime ? Mieux vaudrait leur faire découvrir le visage de celui qui « mange avec les publicains et les pécheurs » que le visage du « juste » qui accuse. Satan n’est pas dans des représentations. Il vient dans le cœur de l’homme quand nous oublions que nous sommes des pécheurs et que le Christ est notre Sauveur. Il corrompt et détruit nos sociétés à travers le profit, l’égoïsme, le refus d’accueillir le pauvre, l’immigré, le faible, il habite nos « structures de péché » (Jean-Paul II). C’est là que sont les ténèbres où doit entrer la lumière du Christ.

Mgr Bernard Ginoux, évêque de Montauban
15 juin 2010

Sur le même thème