Visages d’église en laïcité | Documents épiscopat
Ce qui se vit en prison ou dans les hôpitaux, lieux où s’éprouvent isolement, peine et souffrance, est trop souvent ignoré voire méconnu. Que signifie vivre une mission de proximité auprès des malades et des prisonniers au nom du Christ, en pays de laïcité à la française? Mise en lumière au travers de leurs témoignages et de leurs expériences, la mission des aumôniers, qui voient l’Esprit à l’œuvre, nous est rendue palpable dans ce Documents Épiscopat nous invitant à changer de regard.
Edito de Mgr Bruno Feillet
Ce Documents Épiscopat présente une question transversale aux activités de l’Église dans les milieux dont on ne peut sortir pour des raisons de santé ou de justice : que signifie vivre une mission de proximité auprès des malades et des prisonniers au nom du Christ, en pays de laïcité à la française ? Nous n’oublierons pas les autres lieux reconnus par la loi française qui bénéficient de cette compréhension de la laïcité : le monde militaire et les internats. À certains égards, ils pourront s’enrichir aussi de ce travail. Et finalement toute notre Église, dans la diversité de ses communautés, pourra s’inspirer de ce qui se vit dans ces lieux, et qui est souvent méconnu.
De nombreux auteurs ont participé à ce travail. Les différentes approches (législative, philosophique, sociologique, théologique, pastorale ou spirituelle) montrent à quel point vouloir saisir cette réalité suppose un regard interdisciplinaire qu’aucun ne maîtrise à lui tout seul. C’est un peu l’originalité de ce document que d’offrir à ses lecteurs cette vision kaléidoscopique sans laquelle le regard ne serait que partiel.
Il reste que les dernières contributions débordent la simple juxtaposition des points de vue pour prendre en compte ce qui permet aux uns et aux autres, les visités comme les visiteurs, de s’élever dans leur humanité. En effet, la rencontre de l’autre, alors qu’il expérimente sa faiblesse et sa pauvreté, est toujours une expérience fondatrice qui nous prépare à affronter nos propres limites.
Il est heureux que les membres de l’administration puissent attester de l’apport de l’Église dans les hôpitaux ou les prisons où s’éprouvent isolement, peine et souffrance. Cela suppose une vision anthropologique qui reconnaît à la « nature humaine » une dimension spirituelle qui, lorsqu’elle est honorée et respectée, rend possible une « sortie » par le haut de ces épreuves.
Deux textes bibliques ont toujours éclairé ma réflexion sur ces univers si particuliers : celui du jugement dernier (évoqué en Mt 25, 31-46) et celui de la guérison de la belle-mère de Pierre que l’on trouve dans les trois synoptiques (Mt 8, 14-15 ; Mc 1, 29-31; Lc 4,38-39). Le premier nous est bien connu, trop peut-être, au point que nous en oublions parfois la nouveauté radicale qu’il comporte et qu’il nous faut toujours accueillir : aller à la rencontre des malades et des prisonniers pour eux-mêmes est une manière éminente de rencontrer le Christ. Nouveauté étonnante que de découvrir que Dieu se laisse toucher et rencontrer lorsque nous touchons et rencontrons la pauvreté humaine. « Qui donc est Dieu pour nous aimer ainsi ? » Qui donc est l’homme, pour qu’il soit si proche de Dieu ? Les trois péricopes qui racontent la guérison de la belle-mère de Pierre sont extrêmement instructives en raison des différences qui les distinguent. En Matthieu, Jésus prend l’initiative de guérir la malade. Chez Marc, ce sont les apôtres qui lui parlent de la souffrante. Enfin, Luc nous rapporte qu’il chasse la maladie comme on chasse un démon. Comme toujours, les trois passages nous disent chacun une part de la vérité qu’aucun récit ne pourrait donner à lui tout seul.
Ainsi, tous les aumôniers ont fait l’expérience d’être précédés dans leur visite par l’action de Dieu. Et c’est dans l’action de grâce qu’ils quittent le malade ou le prisonnier en constatant l’œuvre de l’Esprit. Cependant, très souvent – et les administrations pénitentiaire et hospitalière nous le rappellent assez souvent – les aumôniers sont appelés par la personne en souffrance ou sa famille. On a intercédé pour qu’ils se déplacent. Il y a tout un travail collectif qui environne l’exercice de la mission des aumôneries. Enfin, en chassant la maladie comme on expulse un démon, Jésus nous rappelle que, dans tout combat contre la maladie, il y a toujours un combat contre le mal. « Pourquoi moi ? Dieu existe-t-il face à l’expérience de la souffrance que je subis ou que j’ai pu commettre ? Quel avenir y a-t-il encore pour moi ?… »
Merci donc à tous ceux qui, par leurs réflexions et leurs témoignages, nous aident à redécouvrir combien l’expérience de l’Évangile est à notre portée.
Mgr Bruno Feillet,
évêque auxiliaire de Reims,
président du Conseil famille et société.
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