Hiver 1954 : 70 ans du vibrant appel de l’abbé Pierre

70 ans du vibrant appel de l'hiver 54 de l'abbé Pierre

En 1954, au cœur d’un hiver glacial qui s’abat sur toute la France, un prêtre catholique de 42 ans, député de Meurthe-et-Moselle, lance un vibrant appel à la radio Luxembourg le 1er février 1954. Il s’agit de l’abbé Pierre. Son cri de colère entraine un mouvement de solidarité et de générosité sans précédent. Nous commémorons le 1er février 2024 les 70 ans de ce discours. 

Relire cet appel historique

« Mes amis, au secours… Une femme vient de mourir gelée, cette nuit à trois heures, sur le trottoir du boulevard Sébastopol, serrant sur elle le papier par lequel, avant hier, on l’avait expulsée…

Chaque nuit, ils sont plus de deux mille recroquevillés sous le gel, sans toit, sans pain, plus d’un presque nu. Devant tant d’horreur, les cités d’urgence, ce n’est même plus assez urgent !

Écoutez-moi : en trois heures, deux premiers centres de dépannage viennent de se créer : l’un sous la tente au pied du Panthéon, rue de la Montagne Sainte Geneviève ; l’autre à Courbevoie. Ils regorgent déjà, il faut en ouvrir partout. Il faut que ce soir même, dans toutes les villes de France, dans chaque quartier de Paris, des pancartes s’accrochent sous une lumière dans la nuit, à la porte de lieux où il y ait couvertures, paille, soupe, et où l’on lise sous ce titre « centre fraternel de dépannage », ces simples mots : « Toi qui souffres, qui que tu sois, entre, dors, mange, reprends espoir, ici on t’aime »

La météo annonce un mois de gelées terribles. Tant que dure l’hiver, que ces centres subsistent, devant leurs frères mourant de misère, une seule opinion doit exister entre hommes : la volonté de rendre impossible que cela dure. Je vous prie, aimons-nous assez tout de suite pour faire cela. Que tant de douleur nous ait rendu cette chose merveilleuse : l’âme commune de la France. Merci ! Chacun de nous peut venir en aide aux « sans abri ». Il nous faut pour ce soir, et au plus tard pour demain : cinq mille couvertures, trois cents grandes tentes américaines, deux cents poêles catalytiques.

Déposez-les vite à l’hôtel Rochester, 92, rue de la Boétie. Rendez-vous des volontaires et des camions pour le ramassage, ce soir à 23 heures, devant la tente de la montagne Sainte Geneviève. Grâce à vous, aucun homme, aucun gosse ne couchera ce soir sur l’asphalte ou sur les quais de Paris.

Merci ! »

« La pauvreté n’est pas une fatalité, elle se combat », communiqué du Conseil de la solidarité et de la diaconie de la Conférence des évêques de France

Le 1er février 1954, au lendemain de la mort d’une femme sans abri dans les rues de Paris, alors que la France connaît une vague de froid sans précédent, l’abbé Pierre lance son fameux appel dont nous célébrons aujourd’hui le 70ème anniversaire.

Cet appel avait pour seul objectif de solliciter la générosité de tous afin que plus personne ne meurt de froid faute de trouver un abri. Il fera bien plus : en mettant les plus pauvres au cœur des préoccupations de chacun, il provoquera ce que la presse d’alors relaiera sous le titre  d’« insurrection de la bonté ».

70 ans plus tard, 15% des Français vivent sous le seuil de pauvreté (soit près de 10 millions de personnes) et la situation des familles monoparentales est particulièrement alarmante, avec de plus en plus d’enfants vivant, en France en 2024, en situation de grande précarité.

En cet anniversaire, nous, évêques du Conseil de la solidarité et de la diaconie de la Conférence des évêques de France, tenons à remercier les très nombreux français bénévoles qui s’engagent chaque jour au service des plus pauvres (plus de 10% de la population française, selon les chiffres de France Bénévolat) pour lutter contre la misère, la précarité et l’exclusion sociale, et maintenir ainsi des liens fraternels avec ceux à qui l’on ne dit jamais « j’ai besoin de toi ».

La pauvreté n’est pas une fatalité : elle se combat. Et nous croyons que si nous le voulons, et que toute notre société s’y engage, elle peut se vaincre.

Aujourd’hui, 1er février 2024, puissions-nous entendre à nouveau ces mots de l’abbé Pierre, et répondre à son appel : « Devant leurs frères mourant de misère, une seule opinion doit exister entre hommes : la volonté de rendre impossible que cela dure ».

sur le même sujet

  • Grands ensembles urbains

    1er février 1954 : un cri pour les sans-abri, regard de sociologue

    Face à l’urgence, face à la vague de froid meurtrière de cet hiver-là, les mots de l’abbé Pierre “Mes amis, au secours…” diffusés sur les ondes radiophoniques le 1er février 1954 déclenchent un formidable élan de générosité en faveur des plus démunis. Retour sur les 70 ans de l’appel de l’abbé Pierre avec Julien Damon, docteur en sociologie, spécialiste des questions de pauvreté. Par Florence de Maistre.

  • Dans les pas de l’abbé Pierre, la mobilisation continue

    Quinze ans après sa mort le 22 janvier 2007, son héritage, son combat contre l’exclusion et le mal-logement, et son œuvre le mouvement Emmaüs en France et à l’international ne cesse de se déployer. La mémoire de l’abbé Pierre reste vive. Nombreuses sont les personnes engagées à sa suite dans une dynamique qui porte du fruit.

ça peut aussi vous intéresser

année liturgique B