Bienheureux Louis-Édouard Cestac (1801-1868), au secours des orphelines et des prostituées

Louis-Edouard CestacBéatifié à Bayonne le 31 mai 2015 en présence du cardinal Angelo Amato, Louis-Édouard Cestac témoigne d’un souci admirable de l’autre, d’une charité en actes, d’un effort de transformation de la société. Dans la prière mariale, il confirme ses intuitions pour sortir les fillettes et les jeunes filles de la misère.
Par Florence de Maistre

Prêtre et pédagogue, Louis-Édouad Cestac s’attache avant tout à répondre aux besoins de son temps et aux appels des laissés pour compte de la société. Tout au long de sa vie, il n’a de cesse d’éprouver, d’expérimenter et de développer des projets d’accompagnement éducatif concrets, à la fois immédiats et durables. Son œuvre s’inscrit dans le contexte social et politique de la première moitié du XIXe siècle. Elle débute à Bayonne avec une attention particulière aux prostituées précoces, elle s’étend aux orphelines et se développe avec la création d’écoles dans les campagnes. Fruit, alors, d’un sens exemplaire du service de l’autre et de l’amour de Dieu, elle perdure aujourd’hui encore sous de nouvelles formes.

Un enseignant passionné
De son père, chirurgien de marine, il apprend l’obéissance. De sa mère, lui vient sûrement sa profonde piété mariale. Louis-Édouard a trois ans, les médecins n’arrivent pas à le soigner. Elle le confie, en pèlerinage, à la Vierge du sanctuaire Saint-Bernard au Boucau, où il est miraculeusement guéri ! Il révèle ses qualités de pédagogue auprès de sa sœur cadette Élise et deviendra son conseiller spirituel, avant qu’elle ne s’engage à ses côtés comme sa plus proche collaboratrice. Étudiant en théologie, il enseigne dès 1822 la musique, les mathématiques puis la philosophie au Petit séminaire de Larressore. À la fin de l’année 1825, à 24 ans, il est ordonné prêtre. Il exerce encore pendant six ans sa passion de professeur.

Protéger l’enfant, accompagner son développement
« Ma vie s’est passée au milieu des pauvres et des petits. Je les aime et je sens tout ce qu’on leur doit d’intérêt et d’amour » (Lettre à Louis-Napoléon Bonaparte, janv. 1852). En août 1831, l’abbé Cestac est nommé vicaire à la cathédrale de Bayonne et devient le « confesseur des pauvres ». Il mesure alors la détresse des jeunes filles, livrées à elles-mêmes, « exposées à tous les dangers » dans les rues et sur les chantiers navals à Bayonne. En juin 1836, il écrit au maire de Bayonne une lettre qui fait un état des lieux sans concession et qui rend compte de son dessein : accueillir ces jeunes enfants de 11 à 13 ans dans des conditions sanitaires satisfaisantes, leur donner une éducation pratique et religieuse, afin de prévenir dérives et risques de prostitution.
Le mouvement du cœur se transforme en véritable projet de réhabilitation au sens moral et social. Il s’agit de donner aux enfants les moyens de s’en sortir, d’être actrices de leur propre développement en acquérant le goût du travail. L’abbé Cestac s’appuie sur des jeunes femmes bénévoles pour encadrer les premières pensionnaires. La ville de Bayonne prête la maison dite du « Grand-Paradis ». L’œuvre naissante est placée sous la protection de la Vierge Marie.

Tenace malgré les obstacles
« Je promis au Seigneur de travailler tous les jours de ma vie à préserver les jeunes innocentes et à retirer celles qui s’étaient perdues » (oct. 1839). Dès la fin 1837, faute de place dans les institutions spécifiques, l’abbé Cestac héberge dans le grenier du Grand-Paradis les prostituées (les Pénitentes) qui souhaitent sortir de leur condition et se convertir. Scandale, polémiques, les difficultés sont nombreuses. Mais il reçoit de la Vierge cette parole intérieure : « Ne me demande que mon esprit » et reprend confiance. En 1838, il fonde Notre-Dame du Refuge dans un domaine agricole à Anglet. « C’est le silence, le travail et la prière qui sont les moyens de régénération ; c’est la douceur, la persuasion, la bonté qui préside à la direction de la maison, car on ignore ce qu’il y a généralement de sensibilité dans un cœur dégradé », écrit-il à ses détracteurs en 1839. Amour, liberté et travail : la démarche est similaire à ce qui se vit au Grand-Paradis. Novatrice et audacieuse, elle se déploie également dans une véritable aventure agricole. En quelques années, Notre-Dame du Refuge devient une ferme modèle.

Fonder des écoles
En 1842, la congrégation des Servantes de Marie est fondée avec les premières « éducatrices ». Neuf ans après, la branche contemplative des Bernardines nait avec les Pénitentes qui aspirent à une vie retirée du monde. Une première communauté de sœurs se met au service d’un lycée toulousain, d’autres établissements les invitent aussi. En 1850, la loi autorise la liberté d’instruction, l’appel est plus pressant. Il s’agit de fonder des écoles pour les petites filles des communes rurales. Avant de répondre à ce nouveau défi, le P. Cestac s’assure de la formation d’institutrice des Servantes de Marie. Il s’y intéresse au point d’inventer avec une sœur le Syllabaire : une méthode d’apprentissage de la lecture et un manuel d’instruction religieuse. Aux sœurs, il recommande : « L’éducation ne pouvant se réaliser chez nous qu’avec l’instruction, répandez l’une et l’autre… » et « dans vos classes, chacune de ces chères petites, assises sur vos bancs, renferme tout un avenir et quelquefois un grand avenir » (1867).

Élu président du comice agricole de Bayonne en 1857 et décoré de la légion d’honneur pour son action agricole et sociale en 1865, l’abbé Cestac meurt le 27 mars 1868 à Notre-Dame du Refuge, où il repose. Cette année-là les Servantes de Marie sont plus de 900, accompagnent près de 200 Pénitentes et conduisent 150 écoles. Toujours au service des plus démunis, elles œuvrent aujourd’hui en France, en Espagne, en Amérique Latine, en Afrique et en Inde. Au jour de la béatification de Louis-Édouard Cestac, le Pape François a souligné : « Son témoignage d’amour de Dieu et du prochain est pour l’Église un nouvel encouragement à vivre avec joie l’Évangile de la charité».

À lire : Louis-Édouard Cestac, biographie par Yves Chiron, Éd. Artège (2012), préface de Mgr Marc Aillet

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