Joseph Wrésinski, prophète des « Misérables »

Portrait du Père Joseph Wrésinski (1917-1988), fondateur d’Atd Quart-Monde par Chantal Joly, avec la contribution de Gabrielle Erpicum, volontaire-permanente depuis le commencement d’Atd Quart-Monde.

CIJW 0070 822 101 30 09 01 10 1982 session internationale des bibliothécaires (1c)Le Père Joseph Wrésinski ne fut pas seulement un défenseur, un compagnon de route, un frère en Christ des pauvres. Il a littéralement révolutionné son regard sur eux.

En qualifiant l’extrême exclusion de violation des droits de l’homme et en transformant « l’entraide en projet de civilisation« , imposant peu à peu l’idée que la pensée et l’expertise uniques des plus démunis sont indispensables à la société et à l’Église.

« Ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits », rapporte saint Matthieu. Qui aurait pu penser, en effet, dans ces années faméliques d’après- guerre qu’un gosse grandi dans la violence d’un camp d’internement, les moqueries, le manque et l’humiliation serait un jour le fondateur d’un mouvement international, initiateur de la Journée mondiale du refus de la misère le 17 octobre et d’une dalle commémorative des « victimes de la faim, de l’ignorance et de la violence » au Trocadéro à Paris, précurseur de la lutte contre l’illettrisme, personnalité incontournable des lieux de pouvoir (ministères, UNESCO, Conseil de l’Europe) et même membre illustre du Conseil Économique et Social ?

Fils d’immigrés (mère espagnole, père polonais très vite évanoui de l’horizon familial), le petit Joseph sert la messe à 5 ans au couvent du Bon Pasteur contre un bol de café au lait, une tranche de pain beurrée le dimanche et surtout 2 francs par semaine. Non seulement il ne va pas renier son milieu, mais il va l’élever au rang de « peuple », au sens biblique de « peuple de Dieu », le baptisant de « Quart-Monde », un terme qui fait écho aux « Cahiers du Quatrième Ordre », celui des pauvres journaliers, des infirmes, des indigents, l’ordre sacré des infortunés, rédigé lors des États généraux de 1789.

Devenu apprenti pâtissier, le jeune garçon découvre la JOC (Jeunesse Ouvrière Chrétienne). Il est ordonné le 29 juin 1946. Après une rapide incursion dans la condition de vicaire à Tergnier puis de curé de campagne à Dhuisel, dans l’Aisne, il se retrouve le 14 juillet 1956 au camp des sans-logis de Noisy-le-Grand, en Seine-Saint-Denis. C’est dans la boue de ce camp où s’entassent 252 familles sans espoir que l’attend sa vraie vocation. Il s’y installe comme les autres dans un « igloo », un abri en fibrociment en forme de demi-cylindre. Dans cet enfer, celui qu’on appelle « le curé de la racaille » fait rapidement édifier une chapelle (dont il demande les vitraux au peintre Jean Bazaine), un jardin d’enfants, un club Art et Poésie, une laverie, un salon d’esthéticienne…. Il invite des universitaires, organise des colloques, crée un Institut de Recherche en vue d’’une connaissance scientifique de la pauvreté et des pauvres. Il propose surtout avec eux une alliance, concept très biblique, afin que des personnes de toutes origines sociales, pays et confessions, venus vivre au cœur des populations les plus défavorisées ou restés dans leurs milieux de vie et de travail, s’engagent à « détruire la misère.

Ce meneur d’hommes sait s’entourer de personnalités. Ainsi Geneviève de Gaulle Anthonioz, présidente pendant 34 ans d’Atd Quart Monde pour la France, un Mouvement qu’il a souhaité sans affiliation religieuse alors même qu’il est resté d’une fidélité absolue vis-à-vis de son institution. 28 ans après son décès le 14 février 1988, sa pensée continue d’inspirer le monde de la solidarité.

En un temps où le Pape François en appelle à « une Église pauvre pour les pauvres » ; peut-être ce Bon Samaritain contemporain- actuellement en procès de béatification à Rome- est-il à re-fréquenter. En nous plongeant plus particulièrement dans son livre Les pauvres sont l’Église qui pose une question essentielle : « Jésus-Christ s’est identifié aux plus pauvres de son temps, il s’identifie encore et toujours aux plus pauvres en tous les temps. C’est donc leur vie qui est aussi la sienne, qui est source de notre spiritualité. Nous est-il possible d’élaborer une théologie de l’homme, sans partir de l’homme le plus usé par la misère ?»….

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