Saint Jean-Marie Vianney (1786-1859)
Pour peu que l’on connaisse l’histoire des saints, on sait que le curé d’Ars a été un confesseur exceptionnel : exceptionnel par le nombre des heures passées à célébrer ce sacrement ; exceptionnel par l’acuité de son regard qui allait jusqu’à percer le secret des consciences ; exceptionnel par le rayonnement de sa sainteté vers laquelle affluaient les foules en attente.
Pas moins de cinq confessionnaux en service, chaque jour, dans cette minuscule église de village. Dès deux heures du matin, les files de pénitents se pressaient… jusqu’au soir. Pendant près de trente ans, ce fut l’essentiel du ministère de ce curé.
Au-delà de « l’exploit » physique et moral, la pastorale de Jean-Marie Vianney dit quelque chose de profond sur la nature du prêtre. Le prêtre fait passer les hommes en Dieu. Non seulement, il « montre le chemin du ciel » comme le disait le jeune prêtre nouvellement nommé à Ars au petit berger qui lui indiquait le village perdu dans le brouillard , mais il apporte les moyens de tenir la route et de poursuivre dans la bonne direction. Le prêtre, d’une certaine façon, travaille au service d’une « agence de voyage » ! Bernanos écrivait que l’on « peut parfaitement imaginer l’Église ainsi qu’une vaste entreprise de transport, de transport au paradis, pourquoi pas ? Eh bien, je le demande, que deviendrions-nous sans les saints qui organisent le trafic ? » (Les prédestinés).
Jean-Marie Vianney a su très tôt, avec une évidence jamais remise en cause, que le champ de bataille où se livrent les combats les plus décisifs, c’est le cœur humain. Vatican II rappelait opportunément, dans Gaudium et Spes, que « les déséquilibres qui travaillent le monde sont liés à un déséquilibre plus fondamental qui prend racine dans le cœur de l’homme ». C’est là, dans l’intériorité du cœur humain, que doit agir la grâce du sacrement. Par lui, la conscience est mise sur le chemin de la conversion.
Aujourd’hui, plus que de la « confession », on parle du « sacrement de la miséricorde », sans doute sous l’influence du message de sœur Faustine. Cette religieuse est morte en 1938, c’est-à-dire au carrefour des deux idéologies totalitaires du XXe siècle. La violence se déchaînait alors à un degré inouï. Si Dieu a providentiellement permis que ce message, si ancré dans l’Évangile, soit rappelé à ce moment précis de l’histoire, c’est sans doute pour indiquer que la miséricorde est le seul rempart opposable au mystère du mal. Elle donne un coup d’arrêt à sa propagation. Le sacrement dépose cette grâce dans le cœur qui demande pardon.
Jean-Marie Vianney avait saisi que l’expérience faite, par le pénitent, de la miséricorde de Dieu le mettait en profondeur sur le chemin de la conversion. Avec la conversion du cœur, c’est le monde qui commence à changer !
À Ars, c’est tout le village qui a changé !
Mgr Guy Bagnard
Évêque émérite de Belley-Ars