Petite sœur Magdeleine (1898-1989)
Fraternelle sans barrières
Portrait spirituel de Magdeleine Hutin, fondatrice de la Fraternité des Petites Sœurs de Jésus. Par Chantal Joly.
À une époque postcolonialiste, minée par la violence (deux guerres mondiales qui lui enlèveront une partie des siens), elle incarna tout le contraire.
D’une famille originaire d’une région-frontière, la Lorraine, Magdeleine Hutin fonda une Congrégation avec cette feuille de route : «ne jamais faire un seul acte qui puisse augmenter la haine entre deux êtres ou deux classes ou deux races ou deux religions».
Attirée par l’exemple de Jésus pauvre, mêlé à tous,elle ne cessa de porter la tendresse de Dieu auprès de populations délaissées.
Sa spiritualité se référait au « Tout-Petit de Bethléem » car la fragilité, elle la connaissait intimement. De 18 à 28 ans, une pleurésie compliquée en tuberculose la retint immobilisée puis à 39 ans,une arthrite déformante lui bloqua les articulations. Ce qui ne la détourna aucunement de son idéal de vie inspiré par l’amour de son père (médecin militaire) pour l’Afrique du Nord comme par la biographie de Charles de Foucauld : vivre au Sahara parmi les nomades.
À la mort de sa sœur aînée, la jeune fille renfermée sort de sa bulle. Un climat chaud et sec lui étant recommandé pour sa santé, elle part, à 41 ans, pour l’Algérie. Présence humble et gratuite parmi les arabes musulmans, elle a l’intuition d’une forme de vie religieuse contemplative « levain dans la pâte » (du nom de l’écrit dans lequel elle résume sa vocation). C’est le début de la Fraternité des Petites Sœurs de Jésus accueillie d’abord par l’évêque d’Aix en Provence avant d’essaimer dans le monde entier dans des lieux de division (Jérusalem côté palestinien et côté juif, le bloc communiste qu’elle parcourt dans un tube Citroën aménagé en camping-car..;) et d’exclusion (avec les Inuits d’Alaska ou les gitans aux Saintes-Maries-de-la-Mer).
Une œuvre d’amour qui devient une œuvre d’Église avec la reconnaissance, en 1964, de la congrégation « de droit pontifical »(après avoir été congrégation des Églises Orientales de 1948 à 1964 en raison des nombreuses fondations dans les Églises Orientales) et l’installation de la Fraternité générale à Rome.
Passionnée d’œcuménisme et d’unité, inlassable voyageuse et tisseuse de liens, petite Sœur Magdeleine de Jésus eut l’occasion de rencontrer tout autant Frère Roger que Mère Teresa, le Patriarche Athénagoras que l’ancien secrétaire de Gandhi. Elle est morte…. quatre jours avant la chute du mur de Berlin.