« Carême pour temps de crise » par Mgr Housset
Et personne ne sait encore comme elle va être résolue.
Il est vrai qu’une crise, si, du moins, elle n’est pas trop forte, peut être un temps de réflexions et d’analyses. Elle peut permettre de se re-positionner par rapport aux enjeux fondamentaux de la vie et de l’avenir. Elle peut favoriser un renouveau d’humanité.
Sens du Carême
Pour nous remettre d’aplomb face à l’essentiel. Pour nous re-ajuster à ce qui vaut vraiment la peine d’être vécu. « Donne-nous, Seigneur, un cœur nouveau ; mets-en nous, Seigneur, un esprit nouveau. »
« Qu’as-tu fait de ton frère ? » C’est la question posée par Dieu à Caïn, après le meurtre d’Abel. Ce leitmotiv parcourt toute la Bible et culmine au commandement nouveau proclamé à la Cène par Jésus « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés ».
C’est dire qu’il ne peut pas y avoir de relation authentique avec Dieu si la relation aux autres n’est pas animée par l’amour même de Dieu, le respect et la justice, le don et l’accueil.
En ce début de Carême, nous sommes donc au pied du mur pour progresser dans notre relation à la fois avec Dieu et avec nos frères. Sans fuir la réalité de la crise qui est la nôtre ni ses causes.
Quelques raisons de la crise
Car elle est créée par un Dieu qui est Relations entre le Père, le Fils et l’Esprit. Et toute personne est appelée à partager ces Relations pour l’éternité et à trouver ainsi son accomplissement définitif. Ce n’est pas pour rien que le sacrement de baptême greffe en nous la vie trinitaire. C’est pour nous permettre de réaliser notre identité.
Et nous y contribuons en développant peu à peu, grâce au Christ, nos relations avec la Trinité et avec les autres.
Ce sens relationnel de chaque personne s’exprime et se réalise dans la recherche du bien commun. « A côté du bien individuel, il y a un bien lié à la société : le bien commun. C’est le bien du ‘nous tous », constitués d’individus, de familles et de groupes intermédiaires qui forment une communauté sociale » (Benoit XVI, L’amour dans la vérité n°7).
Mais chacun de nous ne réalise pas spontanément le bien commun.
Nos aspirations individuelles ne sont pas orientées, de manière naturelle, vers l’intérêt général. « La croissance économique repose de plus en plus fortement sur la consommation privée, elle-même fondée sur l’activation du désir. C’est ainsi qu’a pu se créer l’illusion que, en assouvissant toujours plus ses envies individuelles à travers une consommation effrénée, chacun contribuerait automatiquement à un accroissement du bien-être collectif. La crise nous montre qu’il n’en est rien. Non seulement certains comportements nuisent à l’évidence au bien commun mais notre modèle de consommation lui-même n’est pas durable » (Grandir dans la crise p. 46, Bayard, Cerf, Fleurus-Mame. Pour de plus amples développements sur ces analyses, je recommande cette excellente brochure, publiée sous la responsabilité de Mgr Jean-Charles Descubes).
Grandir dans la crise
Les questions suivantes peuvent y aider.
- Suis-je attentif, dans ma vie courante, à la qualité de mes relations avec les autres ou ai-je tendance à me replier sur moi-même et mes aspirations individuelles ?
- Avec quels moyens puis-je stimuler en moi et autour de moi la conscience du bien commun pour la cohésion de la société ?
- Dans mon mode de vie, n’y-a-t-il pas des éléments superficiels ou secondaires dont je pourrais fort bien me passer ?
- N’y a-t-il pas à chercher avec d’autres de nouveaux modes de consommation, plus respectueux des équilibres naturels, sans casser la croissance économique ni les modes de production ?
- Suis-je ou non persuadé qu’un système économique, pour être valable, est celui qui situe en son centre le respect de toute personne humaine et donc la qualité des relations entre personnes ?
L’économie au service de l’homme et non l’homme au service de l’économie. - Il n’y a certes pas de programme politique chrétien.
Mais n’est-ce pas le moment, en ce temps de préparations d’élections, à manifester de l’intérêt pour les projets qui visent, à moyen et long terme, une économie plus solidaire pour un développement humain durable et intégral ? - Ai-je la possibilité de réagir, avec d’autres, contre ce glissement, dans certaines entreprises, de l’utilisation des excédents pour les investissements vers la gestion des profits pour les actionnaires ?
- Dans mes pratiques de générosité (individuelles ou par des organismes), est-ce que je fais mienne cette définition :
« La solidarité ne consiste pas tellement à combler un manque, mais plutôt à solliciter celui qui est en situation de manque pour contribuer à un projet commun » ?