Homélie du dimanche 6 octobre 2024
27e dimanche du Temps ordinaire
Références bibliques:
Genèse : 2. 18 à 24 : « C’étaient des êtres vivants et l’homme donna un nom à chacun. »
Psaume 127 « Comme une vigne généreuse…comme des plants d’olivier. »
Lettre aux Hébreux : « Jésus sanctifie et les hommes qui sont sanctifiés sont de la même race. Et pour cette raison, il n’a pas honte de les appeler ses frères. »
Evangile selon saint Marc : « Au commencement du monde, quand Dieu créa l’humanité, il la fit homme et femme. »
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CE QUE DIEU A UNI
Les commentaires de ces textes du livre de la Genèse et de l’Evangile selon saint Marc nous sont familiers. Chaque messe de mariage les évoque, peu ou prou. Mais il nous faut aller à l’essentiel de tout sacrement. Et l’essentiel ici, c’est l’union du Christ et de l’Eglise, c’est-à-dire, l’union du Christ et des membres de son Corps Mystique qu’il n’a pas honte d’appeler ses frères, même s’ils sont pécheurs.
En effet la tradition apostolique et patristique ne réduit pas à la seule unité conjugale cette parole biblique : « Ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas. » Saint Paul la commente ainsi lui-même : « Ce mystère est grand, je veux dire qu’il s’applique au Christ et à l’Eglise. »
Un théologien, Isaac de l’Etoile au 12ème siècle, l’explique en termes simples. « De même que tout ce qui est au Père est au Fils et tout ce qui est au Fils est au Père », de par leur unité de nature, de même l’Epoux (le Christ) a donné tous ses biens à l’Epouse (l’Eglise) et il a pris en charge tout ce qui appartient à l’Epouse qu’il a unie à Lui-même et au Père. Dans sa prière pour l’Epouse, le Fils dit au Père : « Que tous soient un comme toi Père, tu es en moi et moi en toi. Qu’ils soient un en nous, eux aussi. »
« Garde-toi bien de séparer la tête du Corps. N’empêche pas le Christ d’exister tout entier. Car le Christ n’existe nulle part tout entier sans l’Eglise, ni l’Eglise sans le Christ. Le Christ total, c’est la Tête et le Corps. »
L’EPITRE AUX HEBREUX
La deuxième lecture, ou lecture apostolique, à partir de ce dimanche et jusqu’à la fin de l’année liturgique, sera extraite de la lettre aux Hébreux, soit sept passages au total.
Les Hébreux ou Israël – La désignation la plus habituelle du Peuple de Dieu est « Israël », nom du patriarche Jacob-Israël, auquel se rattachent les douze tribus. Le terme « hébreu » est employé au temps du séjour en Egypte, alors que les tribus ne se sont pas encore réparties sur la Terre Promise.
A l’époque apostolique, qui sont-ils ces Hébreux auxquels serait destiné un écrit du Nouveau Testament ? Les Actes des Apôtres nous renseignent sur eux au chapitre 6. A un moment où les chrétiens sont encore des Juifs convertis, « les Hellénistes se mirent à murmurer contre les Hébreux. » (Actes 6. 1)
Hellénistes et Hébreux, ils sont tous israélites d’origine, sans distinction de leur appartenance à la tribu de Lévi, de Juda ou de Benjamin. Les Hellénistes sont ceux qui sont revenus à Jérusalem après avoir vécu longtemps en divers lieux de dispersion (diaspora). On les nomme par la langue dominante dans le bassin méditerranéen : le grec. C’est d’ailleurs à Alexandrie, en Egypte, que la Bible a été traduite en grec (la Septante). A l’inverse, les Hébreux sont les juifs dont les familles sont restées en Terre Promise, particulièrement autour de Jérusalem.
La diaspora s’adresse aux Hébreux. – La lettre aux Hébreux ne se présente pas comme une épître ordinaire. Elle ne comporte pas de destinataires, contrairement aux autres lettres de saint Pierre ou de saint Paul. La tradition l’appelle aux Hébreux, parce que certaines des questions traitées intéressent, au premier chef, ces Juifs de la Terre Sainte qui sont devenus chrétiens.
Quel est le rapport entre le culte chrétien et le culte qui continue de se pratiquer au Temple de Jérusalem ? Ce culte chrétien n’est-il qu’une simple transposition de la réunion à la synagogue, ou plus ? ou autre ? Car les « Hébreux » savent bien que les communautés de Corinthe ou d’Ephèse font mémoire du sacrifice de Jésus, selon tout un rituel. Alors de quel type est le sacrifice que Jésus offrit ? quel est son sacerdoce dans ce sacrifice dont il est fait mémoire à Corinthe et à Ephèse . (cf 1 Corinthiens. 11. 17 à 30)
La lecture de cette lettre aux Hébreux doit se faire en synoptique avec les habitudes qui se développent dans les réunions dominicales des premières communautés chrétiennes. Et non pas de ce que nous savons aujourd’hui grâce à un long approfondissement théologique. Les questions posées dans les premiers temps de l’Eglise sont aussi celles qui cheminent dans nos propres recherches spirituelles. Et nous allons retrouver ces thèmes de dimanche en dimanche.
LE DESSEIN DU CREATEUR
La grandeur de l’homme. – « Jésus avait été abaissé. Maintenant nous le voyons couronné de gloire et d’honneur. » Ces mots, empruntés au psaume 8, évoquent avec émerveillement et action de grâce, la place de l’homme dans la création.
Au commencement, Dieu transmet à l’homme sa propre suprématie sur tous les êtres vivants, en les menant vers lui (« il les amena à l’homme ») afin que l’homme les nomme. Pour les Anciens, connaître le nom de quelqu’un, c’est déjà avoir prise sur lui. Et, dans la tradition biblique, conférer un nom est une prérogative divine.
L’homme est si grand que le psalmiste en contemplant la majesté de Dieu telle qu’elle éclate dans ses œuvres (le ciel, les astres…) se demande : « Qu’est donc le mortel, que tu en gardes mémoire, le fils d’Adam que tu en prennes souci ? » Le psalmiste, en hébreu, répond : « A peine le fis-tu moindre qu’un dieu. » Ecrite en milieu grec polythéiste, la Septante, pour éviter tout risque de malentendu quant au monothéisme, préfère traduire : « Tu l’abaissas quelque peu par rapport aux anges. »
L’auteur de la lettre aux Hébreux est bien un helléniste. « Jésus a été abaissé un peu au-dessous des anges. » Abaissé ne veut pas dire amoindri. Mais qu’il est pleinement homme et en partage l’éminente dignité. « Jésus qui sanctifie et les hommes qui sont sanctifiés sont de la même race. »
L’Alliance nouvelle. – Si la dignité de l’homme, selon la volonté divine, est de dominer la création (psaume 8), nous savons aussi que l’homme a détourné ce dessein du commencement. Jésus, pleinement homme et pleinement Dieu, est celui qui, par-delà la déchéance originelle, doit et peut reconstituer le dessin de Dieu en l’homme.
Dès le commencement, l’homme est si grand que, dans le livre de la Genèse, aucun de ces êtres vivants qu’il a nommés, ne constitue pour lui un répondant. C’est Dieu qui lui donnera son vis-à-vis, la femme, dans un acte créateur dont seul il est l’auteur.
C’est durant un « sommeil mystérieux » que Dieu lui donne une épouse. C’est dans un même sommeil mystérieux qu’il conclut alliance avec Abraham (Genèse 15. 12). La Passion, la mort et la Résurrection sont comme le sommeil qui mène le Nouvel Adam à cette perfection, comme le chante l’hymne « Exulter » de la nuit pascale.
De la mort à la vie. « Il était normal qu’il mène à sa perfection, par la souffrance, celui qui est à l’origine du salut de tous. » Cette phrase nous paraît scandaleuse, comme nous paraît scandaleuse la répétition fréquente de : « Il fallait que le Christ souffrît pour entrer dans sa gloire. » (Luc 24. 26) il fallait …il fallait… A plusieurs reprises, la lettre aux Hébreux abordera ce pourquoi de la souffrance du Christ qui nous inquiète nous-mêmes pour nous-mêmes. La souffrance peut-elle vraiment sauver alors que nous la voyons si souvent abîmer l’homme ?
Dans le livre du Lévitique, la perfection de prêtres n’est pas une perfection morale, mais celle du déroulement du service du sacrifice d’offrande. (Lév. 7. 37) Jésus a été fait grand-prêtre d’un nouveau culte où le sacrifice est celui de sa vie qu’il offre librement. Il est sauveur des hommes, parce que sa vie est celle de l’homme, pleinement homme et du Fils de Dieu.
Comment serait-il pleinement homme s’il ne partageait pleinement le sort de ses frères qui est fait de souffrance et de mort. S’il ne partage pas leur mort, comme partageraient-ils, eux les hommes, sa résurrection ? » (1 Cor. 15. 21)
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« Il s’abaissa lui-même, obéissant jusqu’à la mort et jusqu’à la mort de la croix. C’est pourquoi Dieu l’a surélevé afin que toute langue confesse que Jésus est Seigneur pour la gloire de Dieu le Père. » (Philippiens 2. 6 à 9)