Homélie pour le dimanche 8 février

Références bibliques :

Lecture du livre de Job. 7. 1 à 7 : »Ma vie n’est qu’un souffle. »
Psaume 146 : Il est bon de fêter notre Dieu. »
Lettre de saint Paul aux Corinthiens. 1 Cor. 9. 16 à 23 : »Malheur à moi si je n’annonçais pas l’Evangile. »
Evangile selon saint Marc. 1. 29 à 39 : »C’est pour cela que je suis sorti. »

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Nous pouvons centrer notre réflexion et notre méditation sur l’évangile de ce dimanche puisqu’il nous apporte plusieurs éléments qui sont de ceux que nous avons à vivre d’une manière ou d’une autre, dans cette vie qui n’est qu’un souffle . A nous de les transposer dans notre existence quotidienne.

Ce passage en effet est une sorte de résumé des activités de Jésus, en même temps qu’il nous en signale les points forts que nous avons à mettre en oeuvre : prier, témoigner, guérir.

LE TEMPS DE LA PRIERE

Jésus s’est reposé. Il connaît les limites de ses forces. Parfois même les apôtres doivent le tirer violemment de son sommeil alors que la tempête s’est levée sur le lac et qu’ils ont peur de sombrer.

Il commence à prier alors qu’il fait encore nuit. Le texte grec nous dit : »au matin, tout à fait de nuit. » Il prie avant l’aube jusqu’à l’heure où se lève la lumière et les couleurs matinales de l’Orient, si fraîches et si pures. C’est déjà toute une leçon. La première heure est à Dieu son Père.

Il a quitté la maison de la belle-mère de Pierre et s’est rendu, solitaire, dans un lieu calme et silencieux. Sa prière a besoin de cette dimension. Dans le même temps, il ne veut pas déranger ceux qui dorment encore. Il ne veut pas non plus que cet instant privilégié de tête-à-tête avec son Père puisse être interrompu par la présence indiscrète d’un apôtre matinal ou par les faits et gestes de la ménagère aux premières heures. Cette attitude de Jésus doit nous être un exemple.

En fait il n’est pas totalement solitaire, replié sur lui-même comme le sont les adeptes des sagesses orientales. Il ne quitte le cadre de sa vie active que pour entrer en relation avec son Père. Nous en savons le contenu puisqu’il l’a révélé à ses apôtres au soir du Jeudi-Saint (Jean 17). C’est une prière d’adoration et de jubilation : »Je te rends grâce, Père ! »

Nous, nous estimons que nous avons tellement de choses à demander, et surtout à obtenir, que nous en devenons très bavards. Il nous est alors difficile de nous laisser imprégner de cette présence divine, qui nous couvre comme la rosée couvre le sol au lever du jour.

Nous pourrions entrer pleinement dans l’intimité de Dieu, si nous savions sortir de nous-même, de nos préoccupations, de nos habitudes où s’enlise notre personnalité d’enfants de Dieu. « Il sortir et il alla dans un endroit désert. »

LE CRI DU COEUR

La prière de Jésus ne le détache pas du monde des hommes. Son humanité entière leur est consacrée. C’est pour ses frères qu’il est venu leur apporter le salut et la découverte de la gloire de Dieu.

« Il proclame la Bonne Nouvelle ». Cette formule revient deux fois pour indiquer ce qui est trame de ses journées. Il proclame, et le verbe grec « kerussein » est significatif. C’est « crier » d’où vient d’ailleurs l’étymologie de ce terme français. Certains commentateurs disent qu’il devait parler fort pour être entendu par la foule. Saint Marc a choisi un terme qui n’a pas le sens d’intensité phonique, mais qui utilisé quand on veut dire : »Le cri du cœur. »

Sa prédication n’est ni fade ni doucereuse. Elle est le cri de la Vérité, même quand il parle paisiblement, calmement, amicalement. Il impressionne par la qualité de ses affirmations et non par sa véhémence. Un vieux proverbe français dit : »Si tu cries trop fort, c’est que tes arguments n’ont pas de force. »

Parler de son Père est une nécessité qui s’impose à lui, comme elle s’impose à ses disciples. « C’est pour cela que je suis sorti. » « C’est une nécessité qui s’impose à moi ! » s’écrit saint Paul aux Corinthiens dans la lecture de ce dimanche. Ce devrait être une « nécessité » qui s’impose à nous aussi.

Le message dont nous sommes porteurs ne peut rester ignoré. Saint Paul ne décline pas une méthode stratégique pour sa prédication ; il nous dit, avec simplicité, qu’il se sent tout à fait semblable à ceux à qui il s’adresse. « Ce qui est faible, Dieu l’a choisi pour confondre ce qui est fort. » (1Cor. 1. 27 et 28)

Nous aussi, nous avons à faire entendre la Vérité, mais sans nous mettre à part, ni au-dessus, ni différent. Nous avons à être tout à tous, parlant de Dieu d’une manière directe et simple, vivant avec les hommes nos frères. Nous ne sommes pas autrement qu’eux. « Je me suis fait juif avec les juifs… sans loi avec les sans loi… j’ai partagé la faiblesse des plus faibles. C’est bien par toute notre vie, si simple soit-elle, que nous avons à faire entendre ce qui est le fond de notre cœur Et ce qui est le fond de notre coeur, c’est que nous participons à la Vie divine.

GUERIR ET LIBERER

Jésus, tout au long de sa vie, a combattu les maux dont souffre l’homme. Ils s’appellent ignorance, fièvres, esprits mauvais. L’annonce du salut s’accompagne non par des faits magiques ou étonnants, mais par des « signes » que le Règne de Dieu est à proximité de ceux qui l’entendent ou le rencontrent. Dieu, par le Christ Jésus, est victorieux de tout ce qui fait mal à l’homme et à tout homme.

La première lecture de ce dimanche, tirée du livre de Job, nous envahit par son pessimisme : » La nuit n’en finit pas. » Ce passage est trop bref pour exprimer tout le cheminement spirituel de ce pauvre homme Job, car, en fait, ce livre n’est pas un livre de désespérance.

Ses interrogations nous conduisent à des conclusions sur lesquelles rebondira le Nouveau Testament. Il y a la responsabilité des hommes, il y a la responsabilité de Dieu. En dépit de cette situation de détresse, Job maintient sa fidélité à un Dieu dont les desseins et les actes qui les traduisent, le dépassent. Dans cette nuit où se trouvent souvent les hommes, le Christ, lumière, vient apporter sa clarté décisive et faire naître une espérance véritable, souvent d’une manière inattendue.

Jésus s’approche de l’homme souffrant, lui tend la main et saisit le malade. Cette guérison, cette libération du mal, se fait sans paroles inutiles. Il ne se perd pas en de longues justifications ou en commentaires prolixes. L’alléluia qui précède la proclamation de l’Evangile nous en dit la raison.

Nous aussi, nous vivons au milieu de la peine et de la souffrance des hommes, en même temps que nous portons les nôtres. Ils n’en attendent pas de nous de longs discours, mais des gestes tout simples qui viennent de notre cœur et leur expriment ce dont il est plein, de Dieu qui est amour.

Beaucoup de nos contemporains, et plus que nous le pensons, chrétiens ou non, vivent cet amour dont Dieu a chargé tout cœur humain. Nous les ignorons parce que ces actes de partage sont le plus souvent vécus dans l’humilité et le silence.

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« Dans ton amour inlassable, Seigneur, veille sur ta famille. Puisque ta grâce est notre unique espoir, garde-nous sous ta constante protection. » Cette oraison du début de la messe est à elle seule toute une théologie : amour inlassable alors que nous nous lassons si souvent. Unique espoir, alors que nous sommes tentés de le chercher ailleurs.

L’antienne de la communion nous fait chanter : »Proclamer l’amour du Seigneur, ses merveilles pour les hommes. » Nous oublions de clamer devant nos frères ce qui devrait être notre cri du cœur : »Père, je te rends grâce ! »

année liturgique B