Solennité du saint Nom de Marie

pourquoi le Saint nom de Marie ?

Le 12 septembre l’Église célèbre la solennité du Saint Nom de Marie. Revalorisée dans le calendrier liturgique par le pape Jean-Paul II en 2002, elle s’inscrit dans une semaine toute mariale : entre la fête de la nativité de la Vierge (8 septembre) et celle de Notre-Dame des douleurs (15 septembre). En contemplant le visage de Marie et en la choisissant véritablement pour mère, chacun est invité à méditer sur le sens de sa propre vocation. Rencontre avec sœur Marie-Luce Baillet, religieuse marianiste et bibliste, en communauté à Agen. Par Florence de Maistre.

sœur Marie-Luce Baillet, religieuse marianiste

Que fête l’Église le 12 septembre ?

J’ai mené une petite enquête auprès des groupes bibliques et d’hébreu auxquels je participe, également auprès d’amis. Certains ne connaissent pas la fête du saint Nom de Marie. D’autres disent appeler Marie lorsqu’ils ont besoin de revenir à Jésus. Un prêtre a précisé : “ce jour, nous fêtons toute la personne de Marie ! Elle a trouvé grâce auprès de Dieu : c’est la mère du Christ et notre mère”. Une autre personne a indiqué : “quelle que soit la fête mariale, je pense à la jeune fille choisie par le Seigneur pour être la mère de Jésus. Elle l’a porté, élevé, aimé. Elle l’a vu injurié, défiguré et mis à mort. Marie nous donne sa vie par l’intermédiaire de Jésus et lui-même, sur la croix, nous la confie comme mère”. Quelqu’un d’autre évoque le visage d’une mère à nulle autre pareille. Le 12 septembre, nous fêtons le Saint Nom de Marie. Pour les juifs, le nom évoque la personne dans son intégralité, j’y reviendrai.

Qu’est-ce qui caractérise cette solennité ?

Elle marque, pour les historiens, la victoire obtenue contre les Turcs en 1683. [Cette même année le pape Innocent XI établit la solennité du Saint Nom de Marie]. Pour moi, elle donne du sens à notre devise : À Jésus par Marie. Quand nous nous confions à elle, elle transmet à son fils. Les textes de la liturgie du jour redisent que Marie nous a donné le Christ et qu’elle est la femme au-dessus de toutes les femmes. Le 8 septembre nous fêtons sa nativité, le 12 son Saint Nom et le 15 Marie, mère des douleurs. Nous voici dans un moment où les étapes de sa vie sont manifestées. La fête de son Saint Nom révèle toute la vie de Marie. Entre sa nativité et son union aux souffrances de son fils, cette solennité est celle qui témoigne le plus de la personnalité et de la vocation de Marie que nous sommes invités à méditer. Le Saint Nom de Marie n’est pas seulement Marie, nom donné par ses parents qui est déjà une richesse, mais le nom que Dieu lui donne à l’Annonciation, Comblée-de-grâce.

Que signifie le nom de Marie ?

Marie, c’est Miryam en hébreu. On peut le décomposer en mir qui veut dire amer et en yam c’est-à-dire eau, océan, mer. Miryam signifie donc océan d’amertume. Voilà une perspective difficile. Dans les familles juives, on continue de choisir pour les nouveau-nés le nom d’une grande figure biblique, afin que l’enfant en reflète les qualités et qu’il ait un modèle à suivre. Myriam est la sœur de Moïse et d’Aaron. Elle est la première à recevoir le titre de prophétesse dans l’Ancien Testament. Elle sauvera son petit frère. C’est une femme au franc-parler qui ose intervenir pour contester un choix du mariage de Moïse. C’est une meneuse. Elle prend la tête des femmes lors du passage de la mer Rouge : “La prophétesse Miryam, sœur d’Aaron, saisit un tambourin, et toutes les femmes la suivirent, dansant et jouant du tambourin. Et Miryam leur entonna : Chantez pour le Seigneur ! Éclatante est sa gloire : il a jeté dans la mer cheval et cavalier !” (Exode 15, 20-21). En tant que petite fille, Marie est appelée à ressembler à cette femme. Mais il y a des milliers de Myriam,or chacun est unique dans le cœur de Dieu, comme un être ayant une vocation unique. Pour le Seigneur, le nom de Marie est comblée-de-grâce. L’ange qui lui apparaît ne lui dit pas Marie, mais “Réjouis-toi, comblée-de-grâce, le Seigneur est avec toi”. Cette apostrophe reprend tous les Réjouis-toi de l’Ancien Testament (Ps 73 et livres de prophètes).

Qu’est-ce que le nom de comblée-de-grâce nous enseigne ?

Pour Dieu, Marie est comblée de grâce, et non pleine de grâce. Dieu seul est plein de grâce et de vérité. Marie est comblée par quelqu’un de plus grand qu’elle. Elle est une créature, elle reçoit tout de son Seigneur. La constitution conciliaire Lumen gentium précise que Marie est pétrie d’Esprit saint. Toutes ses fibres, son être, son âme, son esprit, ses qualités, ses actions, ses pensées : toutes ses résonances viennent de l’Esprit saint. Le sait-elle ? Non, mais elle le vit ! Elle développe cet état de grâce tout au long de sa vie. Chacun de nous a également un nom donné par Dieu avant notre conception. Nous sommes invités à le découvrir. “Dieu dit et cela est”. Au moment de ma conception, Dieu a dit mon nom et avec lui, sans qu’il ne me l’impose, je l’écris chaque jour sans le connaître. Grâce à des rencontres, à des échanges, des indices me sont donnés sur ce nom. Nous le recevons au seuil de l’éternité, comme précisé dans le livre de l’Apocalypse (2, 17) : “Celui qui a des oreilles, qu’il entende ce que l’Esprit dit aux Églises. Au vainqueur je donnerai de la manne cachée, je lui donnerai un caillou blanc, et, inscrit sur ce caillou, un nom nouveau que nul ne sait, sauf celui qui le reçoit.” Pas à pas, au fil de nos chutes et de nos relèvements, nous écrivons ce nom de gloire. Pour moi, la fête du Saint Nom de Marie fait référence à ces deux vocables : celui de Marie, donné par ses parents et c’est important, et Comblée-de-grâce, donné par Dieu.

Qu’est-ce qui vous touche particulièrement ?

Je vis constamment avec Marie, comme avec ma propre mère, peut-être parce que j’étais très proche d’elle. Je lui confie tout. Je lui parle de mes démarches, projets et difficultés. Dans notre congrégation, nous formulons un vœu spécial. Outre ceux de pauvreté, de chasteté et d’obéissance, nous faisons vœu de stabilité, d’alliance avec Marie. Je vis avec elle et je sais qu’elle est avec moi. Elle est ma mère et comblée d’Esprit saint. J’aime beaucoup la prière de saint Bernard “Que son nom ne quitte pas tes lèvres ; en la suivant, on ne dévie pas (…)”. Elle est très belle. Elle rappelle la présence de Marie au cœur de nos vies, tel est le souhait de Dieu. Si l’on vit avec elle, elle nous donne ce qu’elle est : comblée-de-grâce.

Prière de saint Bernard

En la suivant, on ne dévie pas.
En la priant, on ne désespère pas.
En pensant à elle, on ne se trompe pas.
Si elle te tient par la main, tu ne tomberas pas.
Si elle te protège, tu ne craindras pas.
Si elle est avec toi, tu es sûr d’arriver au but.
Marie est cette noble étoile dont les rayons illuminent le monde entier,
dont la splendeur brille dans les cieux et pénètre les enfers.
Elle illumine le monde et échauffe les âmes.
Elle enflamme les vertus et consume les vices.
Elle brille par ses mérites et éclaire par ses exemples.
Ô toi qui te vois ballotté au milieu des tempêtes, ne détourne pas les yeux de l’éclat de cet astre si tu ne veux pas sombrer.
Si les vents de la tentation s’élèvent, si tu rencontres les récifs des tribulations, regarde l’étoile, invoque Marie.
Si tu es submergé par l’orgueil, l’ambition, le dénigrement et la jalousie, regarde l’étoile, crie Marie.
Si la colère, l’avarice ou les fantasmes de la chair secouent le navire de ton esprit, regarde Marie.
Si, accablé par l’énormité de tes crimes, confus de la laideur de ta conscience, effrayé par l’horreur du jugement, tu commences à t’enfoncer dans le gouffre de la tristesse, dans l’abîme du désespoir,
pense à Marie.
Que son nom ne quitte pas tes lèvres, qu’il ne quitte pas ton cœur et pour obtenir la faveur de ses prières, n’oublie pas les exemples de sa vie.

Saint Bernard (1090-1153),
Sur les gloires de la Vierge Marie,
Homélie II, 17

 

En savoir plus

Les religieuses marianistes

À lire : Une femme juive, au cœur de l’histoire du salut, Marie-Luce Baillet, 168 p., Éd. Édilivre 2019.

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