La Transfiguration : fugitive et fulgurante lumière
Pour méditer sur le sens de la Transfiguration du Seigneur fêtée le 6 août.
Se tourner vers celui (ou celle) que l’on aime. Lever les yeux vers son visage et le regarder parce qu’on veut mieux le (ou la) connaître. Expérience fondatrice qui inscrit la connaissance dans le dynamisme d’une relation.
C’est lui ! C’est elle ! Inaccessible !
Le regard des parents sur le petit enfant qui dort dans la paix de son sommeil, le regard sur le malade que la souffrance a laissé si loin de la vie quotidienne, le regard émerveillé de l’amour qui s’éveille, le regard étonné qui brise le cercle de l’habitude…. perçoivent que l’autre est vraiment insaisissable et que son visage se dérobe à toute prise. Oui c’est bien cet au-delà des traits du visage qui est le but du désir, l’objet de la tendresse, l’appel à la vie, l’invitation à la reconnaissance.
Or, voici ! Il arrive, à des moments de grâce, que l’apparence se brise pour laisser paraître l’être en sa vérité. Ce sont de tels moments qui nous ont permis d’accéder à notre humanité.
Si nous enlevons l’habillement de merveilleux où se complaît le discours religieux, le récit de la transfiguration nous montre comment les disciples ont vécu un tel moment avec Jésus.
Rencontre fugitive et fulgurante.
Elle fut décisive pour qu’ils perçoivent l’identité de leur maître, sa relation à Dieu, son rapport aux Écritures symbolisées par Moise et Élie. Cet homme Jésus déjà si connu de ses disciples, si célèbre auprès des foules, le voilà découvert et révélé pour les amis qu’il a choisis.
Et pourtant le récit nous dit que c’était dans la ténèbre – car le secret demeure.
2. Le dévoilement est secret, mais il n’est pas enfermé dans l’instant privilégié de la rencontre. La lumière rayonne bien au-delà ; elle éclaire toute la vie. En effet, l’enfant aimé vit grâce au regard de ses parents ; les parents peinent et travaillent pour leurs enfants qui grandissent. Les époux séparés par leur travaux se retrouvent pour s’enrichir de leurs dons. Les amis restent liés dans les missions qui les dispersent. Ainsi aujourd’hui témoins de la transfiguration de Jésus, les apôtres sont redescendus de la montagne pour porter plus loin la Bonne Nouvelle.
Aussi ce qui a été vécu dans l’instant aussi fugitif que fulgurant n’est pas resté sans effet : Il n’a cessé de fructifier.
La preuve ? La voici ! Nous sommes là, parce que nous avons rencontré Jésus et vu dans sa vie le mystère qui éclaire notre route vers la rencontre du Dieu vivant. Oui, nous sommes là, parce que nous avons fait rencontrer un vivant resplendissant de gloire que notre regard ne peut ni fixer, ni retenir. Les catéchumènes parmi nous le vivent pour la première fois ; nous les vieux chrétiens, nous le revivons au cours des événements de la vie. La lumière fugitive et fulgurante qui parait sur le visage éclaire toute la vie. Cette lumière permet de relire les rencontres, l’éducation reçue, les désirs, les événements marquants, les échecs et les réalisations… dans la lumière qui est à l’intime de Dieu. Autrement dit dans l’Esprit Saint
Dans cet Esprit, il est possible de connaître en vérité Jésus et de le nommer de son nom, Emmanuel, Dieu-avec-nous.
Dans l’Esprit Saint, il est possible de passer outre sa fonction de maître et Seigneur pour le nommer dans son être de Fils, lui le Christ qui est venu accomplir la promesse faite depuis le commencement et qui nous permet de nommer Dieu de son nom, Père.
3. Telle est l’expérience chrétienne, l’accueil du rayonnement de la gloire de Dieu manifesté sur le visage de Jésus et qui est accueilli par notre intelligence par la foi. Notre foi est emplie de lumière. Elle n’est pas seulement un cri, un moment de ferveur, une émotion religieuse, c’est une lumière et une sagesse. La foi a un contenu ; celui-ci explicite l’expérience chrétienne. Si personnelle que soit notre découverte du visage de Dieu manifesté en Christ le don de l’Esprit nous introduit dans une communion. Aussi l’expérience chrétienne se résume dans un texte que l’Église transmet de générations en générations, le symbole des apôtres. L’expérience qui s’y exprime est la nôtre. Le symbole nous dit que l’Esprit qui agit dans notre cœur agit dans l’Église tout entière, pour la rémission des péchés, pour la vie des sacrements, pour les décisions morales et pour l’attente de la résurrection de la chair. L’Esprit Saint est là -, c’est lui qui a donné aux prophètes et aux sages de parler et d’écrire dans le Livre inspiré où se dit notre foi.
L’Esprit Saint présidait à l’action publique de Jésus quand il faisait advenir le Règne de Dieu. Il présidait à la transfiguration de son visage, prémices de sa résurrection d’entre les morts.
L’Esprit Saint nous fait voir en Jésus plus qu’un maître de sagesse, plus qu’un prophète, plus qu’un roi, plus qu’un prêtre. Il nous fait voir en lui Dieu dans le rayonnement de sa lumière. Il nous donne de voir en Dieu plus que le créateur, mais l’amour premier qui peut recevoir le nom de Père. C’est ce qu’exprime l’Église dans le symbole. L’avez-vous remarqué ? Lorsqu’il nous faut dire le symbole il nous arrive de trébucher. Même si nous le savons par cœur, il reste que cela nous dépasse. En effet comment tout seul pourrions nous porter une telle vérité ? Mais si nous le disons ensemble, alors nous le pouvons sans peine et sans mensonge. Pour cette raison, c’est en nous appuyant sur la communion des saints que nous disons en vérité le symbole de la foi.