« Quel avenir pour l’Irak ? » par Mgr Mirkis
A l’occasion du 19e Congrès annuel du PPE (Parti populaire européen) avec les Eglises et les institutions religieuses auquel a participé la COMECE (20-21 octobre 2016), l’archevêque de Kirkouk (Irak), Mgr Yousif Thomas Mirkis, o.p., a présenté les attentes des chrétiens d’Irak pour le futur de leur pays. Extraits.
Tout le monde admet son impuissance face au phénomène Daesh. Le plus flagrant, c’est peut-être le manque de courage ambiant des acteurs politiques et l’absence de plan à long terme.
Il faut aujourd’hui que les Etats, et les autorités religieuses, puissent affronter l’idéologie de Daesh et la démanteler par la diffusion de la culture de la liberté, le travail intellectuel, l’ouverture, la tolérance, l’amour, la fraternité, la coexistence, le respect des droits de l’homme et de la diversité. Ceci ne sera possible qu’en jetant les bases de l’éducation et du développement à travers des processus de paix et de stabilité durables. La coopération en vue d’une vraie justice passe par un dialogue courageux de tous les acteurs pour résoudre les crises qui ont touché l’ensemble de la région, et nous ont épuisés. Il est capital de construire un Etat de droit et des institutions qui soient au service du bien commun.
Que peut faire l’UE ?
Accepter plus d’immigration ? C’est trop facile. L’immigration est déjà perçue comme un fardeau et pourrait même devenir un danger pour les pays de destination comme de départ. L’aide européenne est à double tranchant : nous faisons face à une succession de crises de plus en plus aïgues. C’est ce que nous attendons après la libération de Mossoul. Il est donc essentiel de prendre dès aujourd’hui les mesures nécessaires à la sortie de crise.
Nous avons besoin d’un nouveau « plan Marshall », à court et long terme, pour reconstruire le pays, y compris dans le domaine économique. Des perspectives économiques sont nécessaires pour que les populations restent dans le pays.
Le rôle des religions
Lorsque les Américains ont occupé l’Irak, ils ont tablé sur le sectarisme. Ils ont gagné la bataille mais perdu la paix. Le peuple n’a pas constaté d’amélioration et n’a donc pas adhéré à l’idée de démocratie. Les Irakiens n’ont pas été engagés ensemble dans un travail commun de reconstruction. La marginalisation des sunnites a été leur grand échec.
Nous avons besoin d’une vision large
Il faut identifier les intérêts stratégiques et élaborer des plans pour sortir du piège identitaire où les milices jouent un rôle néfaste. Se purifier des dépendances qui sont responsables des luttes, des vengeances et de tout ce qui pousse les minorités à désespérer de toute possibilité d’avenir et de paix. Comment pouvons-nous élargir l’intégration de tous et donner une crédibilité à une identité nationale, plutôt que de retourner dans le giron du tribalisme et du sectarisme ?
L’UE pourrait travailler plus clairement
Le point fort de l’UE, c’est la diplomatie économique. Il faut combattre la corruption endémique qui gangrène tout. L’UE devrait avoir un droit de regard sur le développement et le contrôle des échanges, pour que l’aide ne disparaisse comme l’eau dans le sable, et que la dette, ne grandisse pas. La paix de tous passe par la reconstruction d’une économie saine en évitant que l’aide ne devienne un fardeau qui augmentera notre dépendance économique et sociale.
Le long terme
Il faut élaborer aussi un plan d’action à long terme, répartissant les tâches entre les pays de l’UE, pour bénéficier de l’expérience spécifique de chaque Etat, (en particulier des nouveaux membres qui ont su gérer des sorties de crise). Ainsi nous apprendrons à compter sur nous-mêmes, même s’il faut se serrer la ceinture pour une croissance responsable. Nous devrons recommencer à nous occuper de l’agriculture et de l’industrie, pour ne pas nous perdre dans l’insouciance du consumérisme !
Une démocratie saine se construit dans la durée
Elle doit apprendre des expériences de l’échec, comme ont su le faire vos vieux pays en construisant l’UE pour en finir avec les guerres fratricides.
Aidez-nous par vos observateurs et conseillers, pour nous convaincre de ne pas reculer en répétant sans cesse les mêmes erreurs. Vos pratiques communes et vos institutions ont mis longtemps à se mettre en place et ont coûté beaucoup de sacrifices. C’est maintenant notre tour, avec votre aide. Ces pratiques, cette réconciliation, cette reconstruction, c’est tout cela que nous voudrions recevoir des peuples d’Europe et pas seulement des armes et des divertissemen
Mgr Yousif Thomas Mirkis, o.p.
Archevêque de Kirkouk et Souleymanieh (Irak)
Source : Mensuel de la Commission des Conférences épiscopales de l'UE et du Jesuit European Office