« Recherchez l’unité » (Ph 2, 2), interview de Mgr Wattebled

Comment avez-vous réagi à l’annonce de la levée d’excommunication de quatre évêques de la Fraternité Saint Pie X le 24 janvier dernier ?

Wattebled Robert - Nîmes Uzès Alès

Comme beaucoup sans doute, j’ai été surpris de cette annonce. Tel ou tel évêque m’avait dit récemment qu’il en était question, mais cela ne semblait pas devoir se produire aussi rapidement. J’ai été sensible à la portée de la date de cet acte officiel, à la fin de la semaine de prière pour l’Unité des chrétiens et 50 ans après l’annonce par Jean XXIII de sa décision de convoquer ce qui allait être le concile Vatican II.

D’emblée les médias ont mis l’accent sur les propos négationnistes de Mgr WILLIAMSON au sujet des chambres à gaz et de l’extermination des juifs. Ce sont des propos scandaleux, horribles, contraires à la vérité, inadmissibles qui ont été aussitôt réprouvés comme ils le méritent. Pour ma part – coïncidence de date là encore – je suis allé écouter le professeur Armand ABECASSIS, invité de l’amitié judéo-chrétienne de Nîmes le lundi 26, venu commenter les Béatitudes. Quelques jours plus tard, j’ai transmis au président de l’association cultuelle israélite de Nîmes et du Gard la déclaration du Conseil permanent en date du 28 janvier.
 

Venons-en à la levée de l’excommunication. Ceux qui s’étaient mis hors de l’Église catholique ou qui en avaient été exclus ont donc été réintégrés ?

Permettez-moi de ne pas ratifier cette formule. Elle exprime ce que beaucoup de gens pensent, mais elle n’est pas exacte. L’excommunication en effet n’est pas une exclusion de l’Église, mais l’interdiction d’y exercer des droits, notamment dans la vie liturgique, la célébration et la réception des sacrements ou encore dans le domaine des responsabilités et des charges ecclésiales. C’est une sanction grave mais – il importe de bien le saisir – elle a pour but l’amendement de celui qui s’est rendu coupable d’une faute grave, dans le cas présent contre l’unité de l’Église et l’obéissance au Pape. Dès lors que la personne excommuniée manifeste sa volonté de mettre fin au scandale causé par son attitude et exprime son désir de retrouver la pleine communion, la sanction peut être levée par l’autorité compétente dans l’esprit de l’Évangile où Jésus recommande à Pierre de pardonner jusqu’à 77 fois 7 fois au frère qui se repent (cf. Lc 17, 4).

Dans le vocabulaire du droit de l’Église, l’excommunication est une peine « médicinale » visant à faire réfléchir l’auteur d’un «délit » d’une particulière gravité. Tout cela peut paraître subtil mais permet de comprendre que Benoît XVI n’a pas « défait » ce qu’avait fait Jean-Paul II en 1988. En 1988 l’ordination de quatre évêques par Mgr Marcel LEFEVBRE avait entrainé, ipso facto, leur excommunication. De plus, celle-ci leur avait été déclarée expressément le lendemain. Fin 2008 Mgr FELLAY a écrit au Saint-Père en son nom et au nom des trois autres évêques pour exprimer leur souffrance ainsi que leur volonté de rester catholiques et d’accepter l’enseignement de l’Église catholique romaine. Le Saint-Père a estimé qu’il pouvait lever l’excommunication. Tous reconnaissent et saluent sa volonté de faire le maximum pour favoriser le retour à la pleine communion. Nous-mêmes, qui vivons dans un département où les chrétiens sont divisés depuis des siècles, nous ne pouvons que partager cette préoccupation douloureuse. Quand un schisme est déclaré, en effet, qui peut prévoir combien de temps il durera ?
 

La levée de l’excommunication signifie-t-elle la fin de la séparation d’avec la Fraternité Saint Pie X ?

La déclaration du Conseil permanent de la Conférence de Évêques de France dit très clairement : « La levée de l’excommunication n’est pas une réhabilitation. Elle constitue le point de départ d’un long chemin qui supposera un dialogue précis ».

Il ne s’agit donc pas d’une réhabilitation. Comme je vous le disais, le décret signé par le cardinal RE ne dit pas que l’excommunication de 1988 n’était pas justifiée mais il la déclare remise. Le décret porté en 1988 est désormais privé d’effets juridiques. C’est un point de départ en vue d’un accord sur les questions doctrinales et notamment sur l’enseignement et les décisions du Concile Vatican II qui s’inscrit dans la tradition de l’Église. Le texte même du décret de levée de l’excommunication dit ceci : « On espère que ce pas sera suivi de réalisation rapide de la pleine communion avec l’Église de toute la Fraternité Saint Pie X, témoignant ainsi de la vraie fidélité et de la vraie reconnaissance du magistère et de l’autorité du Pape avec la preuve de l’unité visible ».

Un pas… Un point de départ… Quelle sera la longueur du chemin ? Les commentateurs ont fait le rapprochement avec ce qui s’est passé en 1965 : le Pape Paul VI et le Patriarche Athénagoras avaient alors levé les excommunications datant de 1054… Le rapprochement entre catholiques romains et orthodoxes a progressé depuis lors, mais à ce jour la pleine communion n’est pas encore rétablie…
 

Il nous faudrait pouvoir revenir moins brièvement sur plusieurs points que vous avez évoqués. En quelques mots, pourriez-vous souligner quelques appels auxquels l’Église diocésaine devrait être attentive ?

Outre le rejet de tout négationnisme et de l’antisémitisme sur lesquels je ne reviens pas, il me semble que deux points au moins méritent d’être relevés comme des appels qui nous sont adressés dans la situation actuelle :

– Qu’en est-il de notre prière pour l’unité entre les chrétiens ? Qu’en est-il de notre volonté de nous convertir au Christ venu rassembler les enfants de Dieu dispersés ? Quel regard porter sur ceux avec qui nous sommes en désaccord ?
– Connaissons-nous suffisamment Vatican II pour que son enseignement soit véritablement notre « boussole » ? Qu’en est-il notamment à propos de la liturgie, du ministère des
prêtres et des évêques, des rapports de l’Église et du monde, de l’oecuménisme, de la liberté religieuse ? Ce sont là autant de points sur lesquels porteront vraisemblablement les débats avec la Fraternité Saint Pie X, de même que les questions relatives à la Tradition.

Enfin il n’est pas inutile de souligner ce que le Conseil permanent a affirmé au nom des Évêques de France : « Ils expriment leur soutien et leur reconnaissance aux prêtres, diacres, religieux et laïcs qui composent l’Église catholique en France et animent fidèlement les communautés chrétiennes vivantes et proches des hommes de ce temps. » Puisse cet encouragement rassurer celles et ceux qui auraient été troublés !

Interview parue dans Eglise de Nîmes, janvier 2009, avec l’aimable autorisation de la publication.

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