Discours du cardinal André Vingt-Trois pour la clôture de l’année Saint Paul au Liban, 28 juin 2009

Le Pape Benoît XVI a nommé sept cardinaux « Envoyés Spéciaux du Saint-Père », pour présider les cérémonies de clôture de l’année Saint Paul dans les endroits où l’apôtre Paul est passé, et a annoncé la bonne nouvelle du Christ, en Terre-Sainte, à Malte, à Chypre, en Turquie, en Grèce, en Syrie et au Liban où s’est rendu le cardinal André Vingt-Trois qui , à cette occasion, à prononcé un discours le dimanche 28 Juin 2009
 
Je suis heureux d’être ici ce soir, dans cette belle Basilique, pour célébrer avec vous la clôture de l’année de Saint Paul au Liban. Nous sommes au terme d’une année consacrée, à travers des activités et des célébrations de l’Église, à la redécouverte de la personnalité de Paul et à l’approfondissement de son message. Sa Sainteté le Pape Benoît XVI, en me chargeant d’être son Envoyé Spécial pour cette occasion, m’a demandé de vous saluer en son nom et de vous redire combien Il est proche de vous tous, les Libanais. Il m’a demandé en particulier de m’adresser aux chrétiens en exhortant pasteurs, prêtres, religieux, religieuses et laïcs à cultiver leur foi dans leur vie de chaque jour et à chercher toujours une union spirituelle plus profonde.

Ma présence parmi vous, en cette occasion même, comporte un cachet particulier. Par l’imagination en effet, mon esprit remonte dans l’histoire vers ce moment de la rencontre entre Paul et la communauté de Tyr, au cours de son voyage vers Jérusalem. Il a été accueilli chaleureusement par les membres de la communauté chrétienne, comme en témoigne le livre des Actes des apôtres (21, 1-7). Durant sept jours il a béni la terre du Liban, en proclamant la Bonne Nouvelle, en priant avec ses frères et en les édifiant dans la foi. Un séjour court, mais si important, qui devait laisser pour toujours ses traces dans la communauté chrétienne de cette terre, appelée à garder son zèle et accueillir avec ferveur la Parole de Dieu et à lui rendre témoignage.

D’après la tradition, St Paul visita aussi Tabarja, Jbeil et Batroun; et, d’après un Père de l’Église, il visita même Tripoli. Tout au long de ces deux mille ans, les habitants du littoral libanais ont su gardé précieusement les empreintes précises du passage de St Paul. L’horizon de la mer continue à ouvrir leurs yeux et leurs consciences à l’œuvre missionnaire gigantesque que Paul a réalisée en traversant les eaux de la Méditerranée. Et l’appel que Notre Seigneur a adressé à Pierre : « Avance en eau profonde » (Lc 5, 4) garde son importance et se renouvelle jour après jour pour rappeler la vocation à demeurer dans la foi et l’amour de Dieu et du prochain.

A l’image de St Paul, les chrétiens du Liban sont invités à demeurer fermes dans leur attachement à leur foi malgré les difficultés qu’ils recontrent. Comment pourrait-on dire que la foi est authentique si les chrétiens ne savent pas affronter les difficultés de leur vie ? A vrai dire, les difficultés ne sont pas rares dans cette partie du monde où vous vivez. Comment serez-vous capables de recevoir la paix du Christ ressuscité si vous vous laissez prendre par la peur du futur ? Comment pourriez-vous craindre de vous égarer si vous prenez pour guide la Vérité du Christ-Dieu qui ne peut ni se tromper ni vous tromper ? « Quiconque écoute mes paroles, dit le Seigneur, et les met en pratique, ressemble à un homme prudent qui a bâti sa maison sur le roc ». (Mt 7, 24) Votre histoire, chers frères et sœurs, témoigne de votre foi enthousiaste et de votre esprit religieux enracinés dans une tradition profonde et riche qui trouve ses origines dans les paroles de l’apôtre : « Oui, j’en ai l’assurance, ni mort ni vie, ni anges ni principautés, ni présent ni avenir, ni puissances, ni hauteur ni profondeur, ni aucune autre créature ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu manifesté dans le Christ Jésus notre Seigneur. » (Rm 8, 38-39).
 

Comme St Paul, vous les chrétiens du Liban, vous êtes invités à témoigner courageusement de votre foi dans vos milieux de vie, en dépit de leur complexité. Dans le contexte libanais pluraliste et multiculturel, vous les chrétiens, loin de toute peur et de toute hésitation, vous êtes appelés à être fidèles à vos traditions religieuses. Vous devez considérer le témoignage chrétien comme une obligation à laquelle vous ne pouvez vous soustraire. Tout chrétien est tenu de partager avec ses frères les trésors qu’il a reçus au baptême, en ayant le souci permanent de son prochain. Par l’exemple de sa vie et la lumière qui l’a illuminé sur la route de Damas, Paul est devenu le modèle de tout apôtre soucieux de la vérité de Dieu et du salut de l’homme. L’Église du Liban, au milieu du monde arabe et moyen-oriental, porte ce trésor apostolique et doit y trouver la raison ultime de sa vocation et de sa tâche pastorale.

Vous, les chrétiens du Liban, vous êtes appelés à œuvrer surtout pour que le dynamisme œcuménique, bien visible dans cette vénérable assemblée qui regroupe ce soir toutes les Eglises présentes au Liban, aboutisse à l’unité de tous ceux qui portent le nom du Christ. Ensemble, vous êtes invités à prendre conscience de la nécessité, toujours urgente, de témoigner de votre foi qui est une fierté et une richesse pour laquelle il faut être prêt à sacrifier tout le reste. Vous mettrez tout en œuvre pour la préserver contre les dangers qui la guettent. Loin de tout ce qui divise et sépare, vous ferez tout, dans un esprit fraternel et dans l’appartenance commune au Christ, pour construire une Église sainte et Une et édifier ses fidèles dans l’amour et la justice. « Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés. Demeurez en mon amour » (Jn 15, 9) « Je ne prie pas pour eux seulement, mais aussi pour ceux qui, grâce à leur parole, croiront en moi, afin que tous soient un » (Jn 17, 20-21). Voilà ce qui demeure, pour tous les temps et toutes les générations. Voilà la finalité que toute Église est appelée à rejoindre dans son cheminement vers la plénitude du Royaume de Dieu.

St Paul s’est fait « tout à tous ». Il appelle les fidèles de ce pays à faire de même, en renforçant les relations avec les non-chrétiens, en particulier la convivialité islamo-chrétienne. Dans sa compréhension profonde du message salvifique, Paul s’est libéré de tout obstacle qui pourrait aggraver la division entre les hommes. Il a bien compris qu’avec le Christ, « il n’y a ni juif ni grec, il n’y a ni esclave ni homme libre, il n’y a ni homme ni femme; car tous vous ne faites qu’un dans le Christ Jésus » (Gal 3, 28). C’est un signe de la vocation apostolique rattachée à l’identité nouvelle de tout baptisé et exprimée dans ses comportements de digne enfant de Dieu. La communauté libanaise islamo-chrétienne reste le milieu vital dans lequel la fidélité au Christ doit être vécue et annoncée. Vous, les chrétiens de ce pays, vous êtes chargés de cette annonce fondée principalement sur la vérité de l’homme, image et ressemblance de Dieu. Vous devez vous efforcer d’être à la hauteur d’une telle tâche, en offrant à l’humanité toute entière, un modèle de convivialité dont elle a tant besoin, surtout dans la période actuelle de son histoire.
 

Par la visite de Jésus, de Marie et des 12 apôtres, puis par celle de St Paul, par le grand nombre de saints et de saintes, par le sang de myriades de martyrs, par la sainteté des anciens, le Liban est en vérité une terre sainte. Il le sera toujours si vous, les chrétiens du Liban, en répondant à l’appel du Seigneur, vous saurez entreprendre cette tâche féconde. Le témoignage des saints et des saintes libanais vous permettra de vous mettre à la suite de Jésus, dans le renoncement à la haine et à l’orgueil, œuvres du démon, et dans la recherche de la sagesse divine et de l’humilité. Saint Paul nous dit que le Christ est le seul devant qui tout genou doit fléchir sur terre, dans le ciel et dans les enfers (Phil 2, 9-10) Devant sa grandeur nous devons proclamer notre petitesse, apprécier la dignité de Lui appartenir et ne pas cesser de L’aimer jusqu’au bout.

Par l’intercession de St Paul, je prie Dieu avec vous afin que l’Église du Liban garde la force de la foi, persévère dans l’Espérance et demeure dans l’amour du Père. Ainsi saura-t-elle témoigner du bonheur véritable et de la « gloire de sa grâce, dont Il nous a gratifiés dans le Bien-aimé » (Eph 1, 6).

Cardinal André Vingt-Trois, Archevêque de Paris
Dimanche 28 Juin 2009
Basilique Saint Paul, Harissa, Liban