Discours du cardinal André Vingt-Trois pour la clôture de l’année Saint Paul au Liban, 28 juin 2009
Ma présence parmi vous, en cette occasion même, comporte un cachet particulier. Par l’imagination en effet, mon esprit remonte dans l’histoire vers ce moment de la rencontre entre Paul et la communauté de Tyr, au cours de son voyage vers Jérusalem. Il a été accueilli chaleureusement par les membres de la communauté chrétienne, comme en témoigne le livre des Actes des apôtres (21, 1-7). Durant sept jours il a béni la terre du Liban, en proclamant la Bonne Nouvelle, en priant avec ses frères et en les édifiant dans la foi. Un séjour court, mais si important, qui devait laisser pour toujours ses traces dans la communauté chrétienne de cette terre, appelée à garder son zèle et accueillir avec ferveur la Parole de Dieu et à lui rendre témoignage.
A l’image de St Paul, les chrétiens du Liban sont invités à demeurer fermes dans leur attachement à leur foi malgré les difficultés qu’ils recontrent. Comment pourrait-on dire que la foi est authentique si les chrétiens ne savent pas affronter les difficultés de leur vie ? A vrai dire, les difficultés ne sont pas rares dans cette partie du monde où vous vivez. Comment serez-vous capables de recevoir la paix du Christ ressuscité si vous vous laissez prendre par la peur du futur ? Comment pourriez-vous craindre de vous égarer si vous prenez pour guide la Vérité du Christ-Dieu qui ne peut ni se tromper ni vous tromper ? « Quiconque écoute mes paroles, dit le Seigneur, et les met en pratique, ressemble à un homme prudent qui a bâti sa maison sur le roc ». (Mt 7, 24) Votre histoire, chers frères et sœurs, témoigne de votre foi enthousiaste et de votre esprit religieux enracinés dans une tradition profonde et riche qui trouve ses origines dans les paroles de l’apôtre : « Oui, j’en ai l’assurance, ni mort ni vie, ni anges ni principautés, ni présent ni avenir, ni puissances, ni hauteur ni profondeur, ni aucune autre créature ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu manifesté dans le Christ Jésus notre Seigneur. » (Rm 8, 38-39).
Vous, les chrétiens du Liban, vous êtes appelés à œuvrer surtout pour que le dynamisme œcuménique, bien visible dans cette vénérable assemblée qui regroupe ce soir toutes les Eglises présentes au Liban, aboutisse à l’unité de tous ceux qui portent le nom du Christ. Ensemble, vous êtes invités à prendre conscience de la nécessité, toujours urgente, de témoigner de votre foi qui est une fierté et une richesse pour laquelle il faut être prêt à sacrifier tout le reste. Vous mettrez tout en œuvre pour la préserver contre les dangers qui la guettent. Loin de tout ce qui divise et sépare, vous ferez tout, dans un esprit fraternel et dans l’appartenance commune au Christ, pour construire une Église sainte et Une et édifier ses fidèles dans l’amour et la justice. « Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés. Demeurez en mon amour » (Jn 15, 9) « Je ne prie pas pour eux seulement, mais aussi pour ceux qui, grâce à leur parole, croiront en moi, afin que tous soient un » (Jn 17, 20-21). Voilà ce qui demeure, pour tous les temps et toutes les générations. Voilà la finalité que toute Église est appelée à rejoindre dans son cheminement vers la plénitude du Royaume de Dieu.
St Paul s’est fait « tout à tous ». Il appelle les fidèles de ce pays à faire de même, en renforçant les relations avec les non-chrétiens, en particulier la convivialité islamo-chrétienne. Dans sa compréhension profonde du message salvifique, Paul s’est libéré de tout obstacle qui pourrait aggraver la division entre les hommes. Il a bien compris qu’avec le Christ, « il n’y a ni juif ni grec, il n’y a ni esclave ni homme libre, il n’y a ni homme ni femme; car tous vous ne faites qu’un dans le Christ Jésus » (Gal 3, 28). C’est un signe de la vocation apostolique rattachée à l’identité nouvelle de tout baptisé et exprimée dans ses comportements de digne enfant de Dieu. La communauté libanaise islamo-chrétienne reste le milieu vital dans lequel la fidélité au Christ doit être vécue et annoncée. Vous, les chrétiens de ce pays, vous êtes chargés de cette annonce fondée principalement sur la vérité de l’homme, image et ressemblance de Dieu. Vous devez vous efforcer d’être à la hauteur d’une telle tâche, en offrant à l’humanité toute entière, un modèle de convivialité dont elle a tant besoin, surtout dans la période actuelle de son histoire.
Par l’intercession de St Paul, je prie Dieu avec vous afin que l’Église du Liban garde la force de la foi, persévère dans l’Espérance et demeure dans l’amour du Père. Ainsi saura-t-elle témoigner du bonheur véritable et de la « gloire de sa grâce, dont Il nous a gratifiés dans le Bien-aimé » (Eph 1, 6).
Cardinal André Vingt-Trois, Archevêque de Paris
Dimanche 28 Juin 2009
Basilique Saint Paul, Harissa, Liban