« Être missionnaire, c’est épouser un peuple, une culture »

Les MEP (Missions étrangères de Paris) célèbrent cette année leurs 350 ans d’existence. Depuis 1658, près de 4 500 missionnaires ont pris la route de l’Asie pour y annoncer l’Évangile, parfois au prix de leur vie.

« Voilà le pont commencé, trop heureux si nos carcasses et nos os, aussi bien que ceux de nos chers fils, pouvaient servir de pilotis pour l’affermir et faire un chemin plein et ouvert à de braves missionnaires. » Mgr François Pallu fait ce vœu à son arrivée au Siam en 1664. Avec Mgr Pierre Lambert de La Motte, il est l’un des fondateurs des Missions étrangères. Appelés à l’épiscopat en 1658, ils furent nommés respectivement vicaire apostolique du Tonkin et vicaire apostolique de Cochinchine avec pour mission la fondation de diocèses et la formation d’un clergé local.

Mais l’histoire des Missions étrangères de Paris est avant tout liée à la prise de conscience d’un homme : le P. Alexandre de Rhodes. Ce missionnaire jésuite, passé notamment par le Vietnam, avait compris la nécessité de former sur place le clergé pour la survie des communautés chrétiennes locales. En 1649, après un périlleux voyage de plus de deux ans, il arrive à Rome pour demander au pape l’envoi d’évêques en Asie pour former et ordonner des prêtres asiatiques. Huit années plus tard, la Congrégation pour l’évangélisation des peuples faisait partir les premiers vicaires apostoliques. « Leur envoi marque le début des Missions étrangères, explique le P. Georges Colomb, vicaire général des Missions étrangères de Paris (MEP). Il est aussi le symbole d’un changement dans la conception de la Mission. Alors qu’auparavant les prêtres européens étaient envoyés en Asie sous l’autorité des rois d’Espagne et du Portugal, le Pape a décidé de reprendre l’initiative de l’évangélisation en envoyant des évêques qui relèveraient directement de la Congrégation et agiraient en son nom. »

Des étrangers en mission

En 350 ans, plus de 4 500 missionnaires ont pris le chemin de l’Asie. Actuellement, on recense quelque 140 missionnaires sur le terrain, répartis sur tout le continent asiatique (Thaïlande, Chine, Cambodge, Japon…), mais aussi dans l’océan Indien et en Nouvelle-Calédonie. « C’est le même esprit qui anime les missionnaires actuels et les vicaires apostoliques des origines, assure le P. Gilles Reithinger, actuellement responsable du service d’animation culturelle et pastorale et du service d’information des MEP, après avoir vécu trois ans à Singapour. Ils sont envoyés pour la vie dans un pays où ils viennent, indépendants et libres, annoncer le Christ. Pour ce faire, ils font en sorte d’être le plus intégré possible et de connaître au mieux le pays. »

Parallèlement, l’institut missionnaire accueille, pour une année ou deux, des prêtres étudiants venus d’Asie. Ils sont une centaine (Chinois, Cambodgiens, Birmans, Laotiens, Japonais…) à étudier la philosophie, la théologie et les sciences humaines dans les centres de formation des MEP de Paris et de Toulouse. « Ces jeunes prêtres reçoivent une formation intellectuelle, spirituelle et ecclésiale, indique le P. Colomb. Ils sont là pour étudier, mais aussi s’imprégner d’une spiritualité missionnaire. »

Depuis sa création en 1663, les futurs missionnaires sont formés au séminaire des Missions étrangères, installé rue du Bac, à Paris. Ils y reçoivent la formation classique d’un séminariste, complétée de sessions spécifiques abordant l’anthropologie asiatique, le bouddhisme… Avant de débuter leur mission, ils passent trois ans dans le pays, notamment pour y apprendre la langue. « En mission, nous sommes les étrangers, souligne le P. Colomb, lui-même missionnaire neuf ans en Chine. Être missionnaire, c’est épouser un peuple, une culture, un pays. Pour annoncer l’Évangile, il faut connaître les populations, leur langue, leur manière de vivre et avoir conscience qu’on a un effort considérable à faire pour se mettre à leur diapason. »
Chaque année, ils sont environ une quinzaine de séminaristes à se préparer au voyage. En 2008, sept seront envoyés en Asie, « au service d’Églises sœurs », dans l’un des 121 diocèses créés depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Pour y poursuivre l’édification « de ce pont commencé » en 1658 par leurs prédécesseurs.

Stéphane Laforge, paru dans « Catholiques en France » n°35

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