Alexis II, un écho profond de la Russie
La visite en France du patriarche Alexis II – primat de l’Eglise orthodoxe russe, avec le titre de patriarche de Moscou et de toute la Russie – est un événement dont nous ne pouvons minimiser l’importance.
Cette visite était déjà souhaitée par lui, dans le cadre de ses déplacements au sein des diocèses de l’Eglise orthodoxe russe. Le diocèse de Chersonèse se trouvant en France, cela coïncidait avec la double invitation du Président de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe à Strasbourg et du Président de la Conférence des évêques de France, le cardinal Ricard. Il est toutefois à noter que c’est la première fois qu’un primat de l’Eglise orthodoxe russe répond directement à l’invitation de la hiérarchie d’une Eglise catholique.
Est-ce surprenant ? Dans le contexte actuel, certainement pas. Et cela pour deux raisons. En inversant l’ordre probable de certains observateurs de notre histoire immédiate, je placerai la raison religieuse avant la raison politique, même si elles sont difficilement dissociables.
Nous ne mesurons pas assez la place importante de la tradition orthodoxe – jusque dans sa diversité – dans le développement du christianisme. L’un des « deux poumons », oriental et occidental, selon l’expression chère à Jean-Paul II, qui nous permettent de respirer. Les relations œcuméniques qui se sont développées depuis le Concile Vatican II nous ont appris à dépasser – certes, non sans difficulté – certains contentieux historiques, pour être témoins du même Christ. Et cela sans que les différences culturelles ou de tradition soient nécessairement des obstacles. En ce sens, nos liens avec l’actuel patriarcat œcuménique de Constantinople et l’archevêque Bartholomée 1er ne nous ont pas distanciés pour autant du patriarcat de Moscou et d’Alexis II.
Mais la raison politique n’est pas très éloignée et ne s’oppose pas nécessairement à la responsabilité spirituelle qu’ont maintenue, jusque dans les contextes les plus troublés – à ne pas juger trop vite sans discernement nécessaire – les chefs de ces Eglises sœurs mais tenant à leur singularité. Alexis II a rappelé, au nom de sa propre mission, les valeurs fondamentales du christianisme, qui ne doivent pas être marginalisées et peuvent développer notre responsabilité morale et spirituelle, tout en permettant, dans le respect de l’espace religieux, un véritable dialogue des cultures et des civilisations.
Et puis, Alexis II, c’est, tel qu’en lui-même, un écho profond de la Russie… Et j’écoute en cet instant le deuxième concerto de Rachmaninov…
Mgr André Dupleix, secrétaire général adjoint de la conférence des évêques de France