« Marie, la catéchiste de Bernadette »
Marie, la catéchiste de Bernadette
Premières apparitions
Marie n’enseigne pas à Bernadette une leçon mais elle lui transmet une pratique : comment faire le signe de la croix. Le signe de la Croix est la plus parfaite synthèse du christianisme. Le geste rappelle jusqu’où est allé l’amour de Dieu pour nous ; les paroles qui l’accompagnent disent la perfection de l’Amour, qui est la substance de la Trinité. Dès le départ, le signe de la totalité est posé. En catéchèse, nous savons où nous allons.
Au cours des deux premières apparitions, la Dame se tait. Elle établit la confiance avec Bernadette. Avant de lui demander quoi que ce soit, la Dame noue une relation personnelle avec la fillette. Celle-ci en a besoin, car les objections agrémentées de quelques gifles n’ont pas tardé. Bernadette s’est trouvée en bute à la contradiction, comme n’importe quel croyant d’aujourd’hui.
A la troisième apparition, Marie refuse d’écrire son nom mais demande à Bernadette de lui faire la grâce de venir régulièrement pendant quinze jours. Que cela nous dit-il pour la catéchèse ? Non pas que l’écrit soit inutile mais qu’il n’est pas premier. Nous ne sommes pas limités à la culture de l’écrit et le christianisme n’est pas une religion du Livre.
Après le refus d’écrire son nom, la Dame demande à Bernadette de lui faire la grâce de venir pendant quinze jours. Elle lui parle avec familiarité, dans sa langue. Elle la respecte plus que son entourage habituel, en lui parlant au « vous ». Elle attend quelque-chose de la jeune fille comme Dieu est en attente de notre foi. Elle demande à Bernadette un engagement, certes limité dans le temps, mais difficile à réaliser, vu l’opposition de la famille et des Sœurs et, bientôt, celle des autorités civiles. La catéchèse, que ce soit celle d’un enfant ou d’un adulte, demande du temps. La Vierge n’a pas commencé par cette exigence mais, le moment venu, elle a passé comme une sorte de contrat avec Bernadette.
Le passage par la Croix
La pénitence n’est pas une affaire strictement privée. Quand Bernadette est appelée à la pénitence, l’horizon s’élargit. Jusqu’ici, semble-t-il, l’événement ne concernait que Bernadette. Ses entretiens avec la Dame restaient confidentiels. Désormais, Bernadette reçoit une mission : prier pour les pécheurs. Elle s’en acquittera toute sa vie. Elle découvre ainsi qu’on n’est pas chrétien pour soi-même. Nous vivons dans la communion des saints.
En même temps, la Dame fait découvrir à Bernadette une source. Bernadette se dirige d’abord vers le Gave. La Dame doit la remettre dans la bonne direction. C’est le rôle de l’Eglise : montrer aux hommes où est la Source qui ne déçoit pas. Marie qui fait découvrir à Bernadette la source jusque-là cachée, n’est-ce pas un beau modèle d’action catéchétique ? Bernadette est activement associée à la découverte, non sans s’être d’abord trompée de direction. Mais rien ne se serait passé si la Dame ne l’avait pas mise, et remise, sur le chemin.
Marie n’est pas la source. Le catéchiste n’est pas la source. Il indique la source. Il fait penser à la femme de Samarie qui, revenant en hâte au village, encourage les gens à aller trouver celui qu’il l’a si bien comprise.
Durant la « quinzaine des apparitions », la Dame, par deux fois, n’est pas au rendez-vous. Bernadette est troublée : en quoi l’a-t-elle peinée ? De même, dans une catéchèse, il peut y avoir des passages à vide, sans raison apparente. L’éducation de la foi est aussi un apprentissage des moments de désert.
Pendant toute cette période, la dame a refusé obstinément de dire son nom. Bernadette ne s’est pas découragée. Finalement, la Dame dit son nom : je suis l’Immaculée Conception. Les noms ont aussi une importance même si la pédagogie de la Dame, et de l’Eglise, privilégie l’expérience dont nous venons de voir quelques aspects. La parole de Marie quand elle révèle son nom est la dernière que Bernadette entendra. Les deux dernières apparitions sont, de nouveau, silencieuses. C’est un bel enseignement sur la prière : elle va du silence au silence.
Les semaines des apparitions coïncident avec le temps où Bernadette se prépare à la Première Communion, qu’elle réalisera à la Fête-Dieu. Pour Bernadette, les visions n’auront eu qu’un temps. L’Eucharistie, elle, demeurera. Bernadette ne vivra pas dans la nostalgie des apparitions mais dans un désir croissant de s’unir au Christ par l’Eucharistie et le service des malades.
Mgr Jacques Perrier
Evêque de Tarbe et Lourdes