Intervention de Mgr Gobilliard au synode des jeunes
Mgr Emmanuel Gobilliard, évêque auxiliaire de Lyon, est l’un des quatre évêques français délégués par la Conférence des évêques de France au synode sur les jeunes, la foi et le discernement vocationnel. Hier, jeudi 4 octobre il s’est exprimé devant le pape François et les pères synodaux. Voici son intervention en intégralité
Très saint Père, chers pères synodaux, chers frères et sœurs
La sexualité est un extraordinaire cadeau du créateur, et l’épanouissante expression d’un amour mutuel fondé sur le don réciproque des personnes. Malheureusement les jeunes la reçoivent souvent aujourd’hui par le prisme de la pornographie (qui les atteint presque tous) ou du silence gêné de générations qui n’ont pas toujours eu les clés pour proposer une éducation solide dans ce domaine. Comment transmettre aux jeunes d’aujourd’hui une parole d’espérance, qui soit à la fois réaliste et constructive, sur la question de la sexualité, comment ne pas les décourager face aux belles exigences que l’Église propose et qu’ils considèrent parfois comme inatteignables ou dépassées, c’est, me semble-t-il, l’un des défis auquel notre synode doit répondre !
Le risque est grand d’abandonner cette question sous prétexte que certains d’entre nous ont eu un comportement scandaleux et de laisser notre jeunesse livrée à elle-même ou à ceux qui veulent la manipuler pour des raisons souvent commerciales.
Face aux questions de pédophilie qui secouent l’Église, les jeunes sont exigeants à notre égard, mais comme peuvent l’être des jeunes : ils nous tournent vers l’avenir en nous demandant fermement que l’Église soit une maison sûre. Ils nous rappellent que nous avons la mission de proposer une parole constructive concernant la sexualité, dans nos établissements scolaires, nos groupes de jeunes et nos préparations au mariage, mais aussi dans nos noviciats, nos séminaires, nos instituts de formation, pour que la sexualité ne soit pas ignorée, rejetée ou idéalisée mais paisiblement assumée par tous et particulièrement par ceux qui vivent le célibat consacré.
Aujourd’hui l’institution est humiliée par les péchés scandaleux de ceux qui ont commis des crimes abominables ainsi que par le silence gravement coupable de certains de nos frères, mais l’expérience biblique doit nous donner la force d’affirmer que la révélation de ce péché est une chance et une espérance. Dans le contexte actuel, au nom des victimes, au nom des jeunes, nous devons considérer que la révélation du péché porte en elle-même la possibilité de la rédemption, la possibilité pour les victimes de se reconstruire, la possibilité pour les bourreaux de répondre de leurs actes, de se guérir et de se convertir, la possibilité pour l’Église de vivre un renouveau profond. Nous n’avons pas à défendre l’institution, mais nous devons avant tout protéger les enfants et les jeunes.
Pour eux, je souhaite que le synode soit l’occasion de vivre un nouveau départ, proposant de nouvelles pratiques pastorales, de nouvelles formations, des lieux de paroles pour les éducateurs. Nous devons réinventer un accompagnement pour tous, sans oublier ceux qui se sentent hors de nos cadres vocationnels parce, ni mariés, ni consacrés, ils vivent difficilement leur célibat non choisi ; sans oublier non plus ceux qui se sentent marginalisés de par leur orientation sexuelle. A tous nous devons proposer un chemin réaliste de bonheur et de sainteté.
La sexualité est une réalité complexe où s’expriment les aspirations profondes de tout notre être à aimer et à se donner en même temps que les ambiguïtés de notre nature blessée par le péché. Apprenons aux jeunes à la recevoir la sexualité avant tout avec bonheur, comme un cadeau et non pas comme un ennemi ou un obstacle. Elle est un allié puissant à leur bonheur, y compris pour ceux qui ont choisi de vivre l’abstinence et le célibat. La sexualité est importante et bonne lorsqu’elle est au service de ce qu’il y a de meilleur en nous. Il me semble aussi que nous devons réaffirmer le sens profond de la chasteté, qui ne définit pas un état de vie mais doit être vécu par tous comme un ajustement réaliste et respectueux aux personnes, qui permet l’amour véritable. La sexualité, comme la pureté ou la chasteté se réalisent dans le don de soi, et non pas d’abord dans la préservation. Le Christ n’a pas pensé d’abord à se préserver, mais seulement à se donner, à aimer jusqu’au bout.
Le beau message de l’Évangile, qui concerne aussi la sexualité, nous ne devons pas le tenir sous le boisseau. N’ayons pas peur de la sexualité ! A l’ouverture de ce synode, il est capital de rappeler combien il est important que nous puissions parler librement de sexualité, que nos jeunes et nos séminaristes puissent être éduqués pour bien éduquer ; qu’avec nos frères prêtres, nous soyons accompagnés pour bien accompagner les jeunes dont nous avons la charge dans leur chemin de foi et de vie. Puisse ce synode, nous aider à mesurer et fortifier notre responsabilité éducative, notre mission spirituelle immense et répondre à l’appel d’espérance que la jeunesse nous envoie ! Il ne s’agit pas seulement de changer nos habitudes concernant ces questions, mais aussi nos mentalités et donc nos structures.
+ Mgr Emmanuel Gobilliard
Évêque auxiliaire de Lyon