La IXème Rencontre mondiale des familles : laissons infuser l’amour
La IXe Rencontre mondiale des familles a eu lieu du 21 au 26 août 2018 à Dublin. Oranne de Mautort, directrice adjointe du Service national Famille et Société de la Conférence des évêques de France revient sur cet évènement.
La météo irlandaise est un beau sujet d’étonnement, pluie et soleil alternent en permanence. Les Irlandais racontent qu’il n’est pas rare de voir les quatre saisons en une seule journée…Ces variations c’est un peu ce qui a été vécu à Dublin pendant la rencontre mondiale des familles de cet été 2018, entre joie véritable et peine immense. Joie de la rencontre de familles de partout, joie des messages d’encouragement. Mickael en témoigne: « j’ai vu la joie et le bonheur dans les yeux de ma famille lors de ce séjour ». Mais en même temps une rencontre marquée par le drame des abus sur mineurs et majeurs, « plaie ouverte » selon les mots même du pape François.
La joie de l’amour
« Dieu désire que chaque famille soit un phare qui rayonne la joie de son amour dans notre monde », a lancé le pape François dans son discours du festival de Croke Park. L’importance accordée à la famille est liée à une urgence, celle de dire l’amour dont Dieu nous aime. Un grand-père français très heureux de son pèlerinage dublinois traduisait ces mots à sa façon: « après avoir rencontré l’amour de Dieu qui sauve, nous essayons, avec ou sans parole, de le manifester à travers des petits gestes de bonté dans le quotidien ». Rayonner de la joie, sans cacher les inévitables difficultés et souffrances, tout un programme auquel ont été invitées les familles dans cette rencontre. Christel retient d’ailleurs de sa semaine passée avec son groupe bigarré de Rouen « l’émerveillement devant le trésor de chaque famille ».
Les familles, lieu d’amour et d’imperfection
Le congrès pastoral de trois jours, comme la fête à Croke Park ou la messe finale à Phoenix Park ont été pensés pour soutenir les couples et les familles, afin que l’amour dure. L’amour est toujours imparfait, cela ne signifie pas qu’il n’est pas vrai ; il est fragile, il faut l’accompagner. Cela passe par des gestes et attitudes bien concrètes : « Disputez-vous tant que vous voulez, mais le soir, faites la paix » : conseille le pape. Aussi les six sujets clefs déclinés au travers de témoignages, tables-rondes et ateliers, ont marqué une attention à la vie ordinaire des familles :
- Le rôle de la technologie
- L’impact des conflits sur les familles et les enfants
- Construire une approche plus durable (Laudato Si)
- La foi et la famille
- Le leadership des femmes, à l’échelle mondiale et locale
- Le rôle de l’éducation
Les intervenants ont encouragé les familles à bien s’inscrire dans le monde d’aujourd’hui, sans angoisse. « Les médias sociaux peuvent être bénéfiques s’ils sont utilisés avec modération et prudence » a ainsi expliqué le pape, soulignant que chaque famille est invitée au discernement.
Amoris laetitia, un guide pour chaque famille
L’exhortation apostolique Amoris laetitia – la joie de l’amour- est comme un « guide pour vivre avec joie l’Évangile de la famille », précisait le pape aux familles. Ce document magistériel a été le ciment de la rencontre mondiale, cité abondamment par les intervenants – célibataires ou mariés – de tous continents. Le cardinal Oscar Maradiaga a ainsi mis en valeur la révolution de la tendresse, un leitmotiv de l’exhortation. Pour Eugen Smith du mouvement Cana-Irlande, Amoris laetitia nous aide à apprendre « que nous sommes juste des personnes pas parfaites, qui essayons de nous aimer ». D’autres conférenciers ont montré comment peut s’incarner l’appel du texte à mieux intégrer : les migrants et réfugiés, les personnes divorcées, les familles avec un membre handicapé, les personnes homosexuelles, les familles dont un membre est en prison etc. Bien des participants ont découvert qu’Amoris laetitia leur apportait de vraies pistes pour leurs engagements familiaux et pastoraux, ils vont lire le texte!
Abus sexuels, abus de pouvoir, abus de conscience
Ces aspects positifs ne peuvent masquer que le drame des abus, présent dans les cœurs et les esprits, a marqué la rencontre. « Quand un membre souffre, toute la famille souffre » avait écrit le pape dans sa lettre au peuple de Dieu. Mentionnées dès la prière d’ouverture du congrès, puis dans des interventions, les victimes ont été remerciées d’avoir osé parler. Mary Collins, une victime irlandaise, a ainsi dit avec force que ces « survivants » n’essayent pas de détruire l’Eglise. A Dublin le pape François a reconnu « l’échec des autorités ecclésiastiques » pour affronter « ces crimes » et souligné au cours de la messe finale leur gravité. Ce sont des «abus de pouvoir, [des abus] de conscience, [des] abus sexuels ». En réaffirmant que « cette plaie ouverte nous met au défi d’être fermes et déterminés dans la recherche de la vérité et la justice » il invitait aussi chacune et chacun à prendre sa part du travail.
Et maintenant
Les joies et les peines ont été partagées, chacun est rentré de Dublin avec quelques pépites à partager. Les familles françaises peuvent témoigner de leur chance d’avoir participé à cette grande rencontre tout à la fois réaliste et encourageante, comme Dorothée une jeune mère de famille :« Merci pour ce nouvel élan d’amour dans mon cœur malgré les soucis du quotidien et de savoir accueillir l’autre tel qu’il est à Ton image, avec miséricorde et sans condition ».
La prochaine rencontre sera à Rome en 2021, mais c’est bien aujourd’hui que nous sommes appelés à nous soutenir dans la vie familiale. Cela se fait pas à pas, au rythme de chacun et personne ne dit que c’est facile. « L’amour », dit le pape François: « c’est comme pour préparer un thé : c’est facile de faire bouillir l’eau, mais une bonne tasse de thé demande du temps et de la patience ; il faut laisser infuser ».