Respecter l’homme dans sa vie et sa mort

Suite à la profanation du carré musulman du cimetière national de Notre-Dame-de-Lorette dans le Pas-de-Calais, une cérémonie interreligieuse a eu lieu vendredi 12 décembre.
 

Dans deux interviews données à RCF, Mgr Jean-Paul Jaeger, évêque d’Arras, a exprimé sa tristesse et sa proximité avec « tous ceux qui souffrent et qui sont heurtés, blessés et scandalisés par ce qui arrive à nouveau ».

Il invite à analyser les mécanismes philosophiques profonds qui invitent à respecter l’homme, vivant ou décédé, rappelant que le geste sacrilège commis « affecte la mémoire et donc la personne des trépassés », « blesse leurs familles, leurs groupes et leurs communautés et entame et dévalorise la dignité de ceux et celles qui le commettent ».

Intervention de Monseigneur Jean-Paul Jaeger lors de la cérémonie interreligieuse au cimetière de Notre-Dame de Lorette

Dans le froid et la grisaille que connurent trop souvent les combattants de la Grande Guerre sur la colline de Notre-Dame de Lorette, nous nous inclinons, une fois encore, avec respect et reconnaissance devant les soldats qui reposent dans cette immense nécropole. Nous le faisons avec une émotion particulière devant ceux dont le repos a été troublé et la mémoire ternie par des gestes stupides et irresponsables qui nous font soudain douter de la sagesse humaine.

Nous voulons partager la souffrance et l’indignation des membres des communautés musulmanes et juives qui se sentent légitimement touchées et blessées par le funeste choix de mains sacrilèges. Au nom des chrétiens de différentes églises, d’hommes et de femmes d’autres religions et de tant de frères humains qui leur offrent leur douloureux silence et leur sincère compassion, je leur dis que leur tristesse et leur révolte sont les nôtres.
Les armes, les obus et les balles n’ont pas demandé à ceux qui sont tombés ici quelle était la couleur de leur peau, à quel peuple il appartenait, quelle langue ils parlaient, en quel Dieu ils avaient mis leur foi et comment ils Le servaient.

Ils sont morts parce que des hommes se sont dressés contre des hommes et que des rêves insensés de puissance et de domination avaient déjà effacé des visages les traits et les signes de la fraternité universelle sans laquelle il n’est pas d’humanité possible.

Ceux qui ont écrit sur ces tombes les mots du mépris avaient-ils conscience de faire mourir encore ceux à qui il a été demandé de sacrifier leur vie pour défendre la précieuse liberté ? Avaient-ils conscience de ternir en eux-mêmes la dignité que d’autres ont payé pour eux du prix de leur sang et ce sang a été mêlé sans aucune distinction d’origine et d’appartenance.

Tout acte absurde et fou peut ouvrir à l’espérance si la conscience humaine se réveille et l’emporte sur l’aveuglement et le dédain. Non, même en ce moment et en ce lieu, nous ne laisserons pas la haine triompher et le fossé se creuser entre les citoyens d’un même peuple. Il ne sera pas dit que des différences de racines, de cultures, de traditions, de religions, de philosophies et d’opinions doivent dresser des barrières et attiser les divisions.

Chacun est appelé à puiser dans sa raison, sa pensée, sa foi et ses convictions la force des bâtisseurs d’une société et d’une humanité justes et solidaires, pacifiées et pacifiques, diverses et unifiées.

Au désir de diviser et de désagréger, nous répondons ensemble par l’engagement à unir et à rassembler. Nous le devons à ceux, à tous ceux sans aucune exception, qui reposent ici.
Nous le devons à ces enfants qui leur rendent hommage et appellent, dans leur enthousiasme et leur jeunesse, tous les peuples à travailler à l’avènement d’un même et radieux avenir.

+ Jean-Paul Jaeger
Vendredi 12 décembre 2008

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