300 jeunes à Berlin pour faire tomber les murs d’hier et d’aujourd’hui
Des richesses des deux côtés
Une large place sera bien sûr laissée à la mémoire du passé avec une balade sur les traces du mur et une conférence-débat sur l’Europe au temps du rideau de fer. Avec des personnes de l’Europe de l’Est, Noël Choux, prêtre-journaliste apportera son témoignage singulier. A l’époque de la guerre froide, il a eu l’occasion de participer à des rencontres entre prêtres-travailleurs des deux côtés du rideau de fer, nouant de solides amitiés à l’Est, notamment avec Mgr Vlk qui fut laveur de carreaux avant de devenir archevêque de Prague et responsable des médias catholiques. Actuellement producteur délégué de l’émission « Le Jour du Seigneur », Noël Choux se réjouit de l’initiative de ce rassemblement de Berlin. «Vingt ans, commente-t-il, c’est à la fois long et court. On n’a pas encore mesuré les richesses qui étaient accumulées de chaque côté du mur. C’est important d’en rendre compte auprès de jeunes à peine nés à la chute du mur ».
Le Christ a fait tomber les murs de la haine
Mais ce qui est surtout en jeu, c’est de comprendre le monde et d’éviter la construction de nouveaux murs (pays divisés, clivages sociaux, fracture Nord-Sud, absence de dialogue entre religions). Ou au moins permettre que la solidarité les franchisse. Ainsi, pour la deuxième conférence-débat « Un autre mur aujourd’hui… celui du Moyen-Orient », Anne-Cécile Duponcheel, de la Mission de France Jeunes, apportera son point de vue. Anne-Cécile est présidente de l’association « Fosses-Bil’in », sa commune du Val d’Oise, Fosse, étant partenaire d’un village palestinien Bil’in, dont les terres agricoles se situent de l’autre côté du mur séparant Israël des territoires palestiniens. Passionnée d’histoire, elle n’a vraiment découvert les Européens de l’Est qu’en recevant des Polonais lors d’une rencontre de la communauté de Taizé. En juillet 2008, elle a été très marquée par son séjour à Bil’in, à la fois par la violence psychologique ressentie et par la résistance pacifique du village. Comme eux, Anne-Cécile croit en la non-violence pour faire bouger les choses.
Evoquant les étudiants revenus profondément bouleversés de leur pèlerinage en Terre sainte en juillet dernier, Mgr Stenger rappelle que « la vraie paix n’est pas seulement de mettre fin aux situations de violence mais de pouvoir vivre en harmonie. Commentant ce mur édifié pour séparer Israël de la Palestine, Jean-Paul II nous avait donné une réponse : il vaut mieux construire des ponts. Le mur sépare, isole et entretient les peurs, les préjugés, empêche la liberté de l’homme, son accomplissement. C’est d’ailleurs frappant que dans l’Epître de Saint Paul aux Ephésiens (2, 14), il soit associé à la haine (« C’est lui, le Christ, qui est notre paix : des deux, Israël et les païens, il a fait un seul peuple ; par sa chair crucifiée, il a fait tomber ce qui les séparait, le mur de la haine ») Je pense que ces jeunes vont être des apôtres de la destruction des murs. Cette rencontre les aidera à comprendre les murs qu’on a tous dans notre vie et à passer au-delà ».
Dans son éditorial de juin dernier, Mgr Yves Patenôtre, évêque-prélat de la Mission de France écrivait : « Jeter des ponts demande de la patience, de l’écoute, du dialogue, une certain « apprivoisement ». Beaucoup d’inventivité et de bienveillance. Une certaine tendresse sans doute. Et pour reprendre une parole connue, un pont qui se construit fait moins de bruit qu’un mur qui s’écroule. A Pontigny (siège de la prélature de la Mission de France), on apprend à construire des ponts … Traversant l’Europe, les jeunes s’en vont jusqu’à Berlin porter ce message d’espérance ».
Une rencontre à dimension spirituelle
Plusieurs invités porteront ce message d’espérance : un jésuite berlinois initiateur de rencontres spirituelles interreligieuses, un bénévole à Calais auprès des migrants, des jeunes libanais…
Prière et célébration œcuméniques, temps festifs, ateliers créatifs, carrefours et temps libres avec les familles d’accueil, sont également au programme de ces trois jours placés sous le parrainage de Jacques Delors et Vaclav Havel et financés en partie par l’Union européenne.
« Mémoire, Histoire, Actualité… A chacun, chacune, de les faire jouer entre elles, pour que jaillissent en eux les forces spirituelles qui peuvent changer le monde », propose Patrick Salaün, de la Mission de France, pour le collectif de mouvements organisateurs.
Pour Mgr Stenger, « même si on n’est pas chrétien, le mur a la même signification à partir du moment où on a une certaine conception de l’homme. La perspective fondamentale, c’est d’aller à la rencontre de l’autre. Cette fraternité est la seule bonne manière de s’accomplir en tant qu’homme ».
En soi, l’équipe organisatrice est déjà significative du projet. 15 organisations françaises, allemandes et belges, chrétiennes ou non, ont travaillé ensemble : Acat-France, les Scouts de France et leur homologue allemand la Deutsche Pfadfinderschaft Sankt Georg (D.P.S.G), les Guides catholiques de Belgique (GCB), le Secours catholique, le service jeunes de la Mission de France, Pax Christi France et Allemagne, la Coordination sociale de Laeken, un quartier du nord de Bruxelles, l’EJBO, une fédération de jeunes protestants de Berlin et sa région, le Réseau européen d’action sociale (E.S.A.N), la Jeunesse étudiante chrétienne (JEC) et la Katholische Studierende Jugend (KSJ), la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC) et l’association berlinoise Kids and Co, qui soutient des jeunes de milieu social défavorisé.
L’une des motivations du rassemblement est en effet de permettre à 300 jeunes Européens de 17 à 30 ans de se découvrir au-delà des barrières de langue, nationalités, traditions ou appartenances religieuses.