Message de Mgr Poulard, archevêque de Port-au-Prince

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À l’occasion de la semaine commémorative du 12 janvier 2010, Mgr Guire Poulard, archevêque de Port-au-Prince, a délivré un message d’espoir à la population d’Haïti, qu’il encourage à prendre son destin en mains sans attendre.
 
« Sa Sainteté, le Pape Benoît XVI, m’a appelé des Cayes à venir travailler comme pasteur de l’Archidiocèse de Port-au-Prince. Cette association symbolique que fit le Saint-Père, entre le séisme du 12 janvier et le gouvernement pastoral, marque à jamais sa proximité avec le peuple haïtien et l’Eglise de notre archidiocèse et rappelle éloquemment, quel type de ministère il souhaite, après le 12 janvier 2010.

Il veut dire à Haïti, meurtrie, traversée par toute sorte de misère : prends courage, relève-toi, sèche tes larmes et mets-toi au travail. Il me nomme à Port-au-Prince, pour me rappeler que je suis associé à cette mer de souffrance, pour apporter consolation aux victimes, pour insuffler l’espérance aux désemparés, pour leur apporter la Paix.

Ainsi, en ce 2e anniversaire de cette tragédie, je me tourne vers les camps de réfugiés du séisme, vers les sans-abri d’avant et d’après le séisme, vers les handicapés physiques et mentaux, vers les victimes, enfin vers le peuple en général pour dire à tous : courage. N’est-ce pas symbolique que près de 40 églises de notre archidiocèse soient détruites? N’est-ce pas un message clair de l’unité de situation et de destin du peuple et de l’Église? Quand nous nous retrouvons sans archevêché et nombre de nos religieux et religieuses et prêtres sans-abri, nous témoignons réellement notre solidarité avec les plus démunis et avec ceux-là qui n’avaient et qui n’ont pas encore l’espoir de posséder un toit ou tout autre moyen leur permettant de mener une vie décente et digne. Je redis à tous : courage! Soyez déterminés dans l’espérance.

Peuple haïtien, peuple de mon pays, peuple de ce pays que j’aime avec la plus grande passion, l’Église est avec vous et va continuer à marcher avec vous, surtout quand elle constate la lenteur de la marche de la reconstruction. L’effort national est indispensable, la reconstruction sera haïtienne ou ne sera pas. Un peuple debout, qui vit à partir de son passé, ne peut accepter de vivre uniquement de la mendicité internationale. Nous n’avions pas fait l’indépendance en quémandant mais en retroussant nos manches. C’est ce qui convient encore en ces temps où tous parlent de refondation. La seule façon de payer le tribut de gratitude à ceux-là que notre irresponsabilité institutionnelle a tués le 12 janvier 2010, c’est de penser et d’agir différemment.

Autorités civiles, étatiques et gouvernementales, il vous faut garder le peuple dans un constant rappel de la tragédie du 12 janvier 2010, non pour se lamenter comme des gens sans espoir, mais pour empêcher que se répètent les mêmes erreurs. C’est à vous qu’appartient ce leadership de réveil et d’orientation. Du même coup, il faut profiter de l’opportunité offerte par cette catastrophe, pour exiger que nos constructions de maisons et d’infrastructures soient strictement régulées pour protéger les personnes et la société. Il est temps qu’enfin, la personne humaine soit effectivement au centre de nos préoccupations. Décideurs de l’État, ne ratez pas le train de la décentralisation.

Peuple de Dieu, prenez courage, mettez votre espoir en Dieu et en vous-mêmes, les autres promesses n’offrent aucune garantie et n’affichent aucune espérance réelle. N’attendez pas qu’une instance vous enjoigne de respecter les normes de construction, faites-le vous-mêmes. Sinon vous causez déjà la mort proche ou lointaine de votre femme, de votre mari, de vos enfants, de vos proches, de vos amis, de vos collaborateurs, de vos élèves, de vos étudiants et vous contribuez à la destruction de votre pays.

C’est maintenant qu’il faut décider de la protection de la société en protégeant vos proches et vos biens. Ce pays est nôtre, si nous n’en prenons pas soin, qui le fera à notre place?

A l’occasion du 2e anniversaire du 12 janvier, je demande à tous les prêtres en exercice dans l’archidiocèse, de célébrer des messes pour le repos de l’âme de nos chers disparus. Ceux-là qui sont en retraite sacerdotale pourront le faire en concélébrant aux mêmes intentions. S’il était possible d’établir une liste de disparus dans chaque paroisse, on pourrait associer la prière à ces noms.

Peuple haïtien, autorités haïtiennes, amis étrangers, organisations internationales, ONG, que le Seigneur vous accompagne et vous illumine pour éclairer le chemin des autres, qu’il vous donne des idées généreuses pour penser et des mains alertes pour exécuter. Cependant, n’oubliez pas que la reconstruction passe aussi par des gestes simples, mais combien significatifs, combien symboliques, comme la plantation et la protection d’un arbre, la chasse aux ordures, cela, est à la portée de tous, commençons aujourd’hui même.»

Mgr Guire Poulard
Archevêque de Port-au-Prince
Remis à l’archevêché de Port-au-Prince le 6 janvier 2012
 

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