La communauté des Béatitudes communique
Fondée en 1973 dans l’élan du renouveau charismatique, la Communauté des Béatitudes a connu, durant ses trois premières décennies, une croissance rapide, qui l’a conduite à fonder plus de soixante dix maisons sur les cinq continents. Son dynamisme, sa ferveur, son rayonnement spirituel et apostolique, sa capacité à toucher tous les milieux, même incroyants, ont conduit les autorités ecclésiales à discerner en elle un authentique don de Dieu. En 2002, la Communauté d’alors avait été reconnue par le Saint Siège comme « association privée de fidèles de droit pontifical », avec approbation « à l’essai » de ses Statuts.
Depuis lors, sont apparus plus nettement les fragilités, les défauts, les dérives qui, sans remettre en cause la valeur d’ensemble de sa mission, ont gravement affecté sa croissance : des pratiques psycho-spirituelles mal équilibrées, une confusion dans la vie commune des différents états de vie (laïcs, consacrés), des problèmes de gouvernance, de graves délits commis par certains de ses membres. Signe certain d’un malaise profond, de nombreux membres de la Communauté, prêtres, consacrés et laïcs, l’ont quittée durant ces dix dernières années.
En 2007, le Saint Siège fixa à la Communauté un impératif de refondation spirituelle et structurelle, en lui donnant des directives précises : cesser les pratiques mélangeant le psychologique et le spirituel, mettre fin à la mixité des lieux de vie, mieux honorer les exigences propres de la vie consacrée, respecter davantage les droits et devoirs propres des laïcs, en particulier des familles, au sein de la Communauté. Depuis lors, la Communauté d’aujourd’hui s’est attachée à cesser toute activité pouvant prêter à la confusion psycho-spirituelle. Elle s’est engagée dans la redéfinition de son charisme et de ses structures, pour mieux honorer la spécificité de chaque état de vie. Ce processus a abouti à l’approbation de nouveaux statuts et à sa refondation comme « association publique de fidèles de droit diocésain », par Mgr Robert Le Gall, Archevêque de Toulouse, le 29 juin 2011.
Du fait des difficultés persistantes de gouvernance, et en particulier des divisions intérieures provoquées par ce processus de restructuration et par certaines réticences à entrer dans l’esprit des directives romaines, le Saint Siège avait nommé de façon exceptionnelle à la tête de la Communauté, en octobre 2010, un Dominicain, le P. Henry Donneaud, comme Commissaire pontifical, en remplacement du précédent gouvernement. Dans la mission du Commissaire pontifical figurent, outre l’achèvement du processus de restructuration, un travail de pacification intérieure, d’explication pédagogique du bien fondé des directives romaines, de purification des séquelles du passé et de préparation des futures instances de gouvernement que la Communauté, le moment venu, sera appelée à se donner.
La mise à jour des graves fautes commises par certains membres de la Communauté n’a pas été suscitée par la vague médiatique actuelle, car les autorités ecclésiales s’attachent à cet impératif de clarification et de refondation depuis déjà plusieurs années. Mais la Communauté, sous la forme nouvelle qu’elle a prise récemment, entend assumer toutes ses responsabilités devant l’étalage public de ces délits.
Pierre-Etienne Albert
Cet ancien frère consacré, qui n’est ni prêtre ni diacre mais fut très proche du fondateur Ephraïm, a longtemps exercé les fonctions de chantre de la Communauté. Une première plainte pour pédophilie avait été déposée contre lui en 2003, devant le tribunal d’Avranches. Elle fut alors classée sans suite. Pierre Etienne Albert s’est ensuite accusé lui-même, en 2008, de nombreux actes de pédophilie. Son procès s’ouvrira devant le Tribunal Correctionnel de Rodez, le 30 novembre prochain.
Même s’il convient de laisser la justice établir exactement les faits et leur degré de culpabilité, la Communauté reconnaît dès aujourd’hui, avec grande souffrance, que des actes très graves ont été commis, par lesquels de jeunes enfants et adolescents ont été irrémédiablement blessés au plus profond de leur personne. Elle tient à exprimer aux victimes et à leur famille sa douleur, son regret, sa honte devant de tels abus commis par celui qui était alors l’un des siens. Les responsables de la Communauté ont déjà eu l’occasion de rencontrer telle ou telle d’entre elles. Elles feront tout pour leur manifester personnellement et concrètement la proximité douloureuse de la Communauté à leur égard.
Les anciens dirigeants de la Communauté, au titre de leurs responsabilités dans le suivi communautaire de Pierre-Etienne Albert, furent mis en garde à vue, en 2008, sans que cela débouche sur aucune mise en examen. Ils sont appelés à comparaître comme témoins lors de l’audience du 30 novembre à Rodez. Si des défaillances s’avéraient établies dans la manière dont ils ont réagi devant les délits commis par Pierre-Etienne Albert au cours des années 1980 et 1990, quoique infiniment regrettables, elles doivent aussi être replacées dans le contexte général d’impréparation, voire d’aveuglement des esprits et de la société face au drame de la pédophilie avant l’affaire d’Outreau.
Par ailleurs, si les anciens communautaires qui résident toujours à l’abbaye de Bonnecombe ont quitté la Communauté, ce n’est aucunement en rétorsion, de la part de celle-ci, pour leur dénonciation du scandale de Pierre-Etienne Albert, mais en conséquence de leur refus persistant d’obtempérer à la décision prise par la Communauté, pour des raisons financières et pastorales, de fermer cette maison. Muriel Gauthier, quant à elle, n’a jamais appartenu canoniquement à la Communauté : sans dépasser le stade de postulante, elle n’y a prononcé aucun engagement, même temporaire.
Ephraïm (Gérard) Croissant
La Communauté est également conduite aujourd’hui à porter avec grande souffrance les délits commis contre la loi morale de l’Eglise par son fondateur, Ephraïm. Ce dernier a reconnu de graves manquements à son devoir d’état en matière sexuelle, en particulier avec des sœurs de la Communauté, ce qui a entraîné plusieurs d’entre elles à quitter la Communauté. Un cas concerne même une jeune fille mineure. Son prestige de fondateur charismatique, joint à la séduction de sa parole, a conduit la plupart de ces victimes à se laisse abuser par un discours prétendument mystique, couvrant de motifs spirituels de graves entorses à la morale évangélique. Ces justifications erronées d’actes délictueux ont même pu faire école dans le cercle restreint de ses proches.
Ces faits n’ont jamais été l’objet d’aucune plainte publique. Ils sont restés, hélas, trop longtemps secrets au sein d’un petit cercle. Ephraïm avait certes renoncé à toute participation au gouvernement direct de la Communauté depuis 1996. Mais c’est par intervention des autorités épiscopale et pontificale, une fois qu’elles en eurent connaissance, qu’Ephraïm a été relevé de l’exercice du ministère diaconal et poussé à quitter la Communauté en 2008.
Malgré la demande expresse qui lui fut alors faite de se retirer dans le silence d’une retraite de prière et de pénitence, Ephraïm a continué à donner des sessions, sans aucun mandat ecclésial. La Communauté émet les plus extrêmes réserves sur le contenu de ses sessions, dont elle n’est d’aucune manière partie prenante.
La Communauté a profondément honte des égarements d’Ephraïm et dit sa proximité dans l’épreuve à toutes les personnes qui ont été abusées par lui.
Philippe Madre
Beau-frère d’Ephraïm, Philippe Madre lui succéda à la tête de la Communauté comme premier modérateur général. Il avait lui aussi été ordonné diacre permanent. Suite à plusieurs plaintes déposées contre lui, une sentence de première instance de l’Officialité interdiocésaine de Toulouse de mai 2010 l’a déclaré coupable de faits moralement graves et renvoyé de l’état clérical, ce qui entraîna immédiatement son exclusion de la Communauté. Cette sentence a été confirmée par l’Officialité d’appel de Rodez, en janvier 2011. Une plainte a également été déposée contre lui au civil. D’autres témoignages ont été portés à son encontre de la part d’anciens membres de la Communauté qui ne souhaitent pas porter plainte.
La Communauté demande pardon aux personnes qui ont eu à subir de sa part des comportements abusifs dans l’exercice de l’autorité et de l’accompagnement spirituel.
Ces graves délits accomplis en son sein, – par un nombre restreint de personnes, – la Communauté des Béatitudes entend les reconnaître lucidement, avec humilité et repentance. Ils ne doivent cependant pas conduire à méconnaître, voire déconsidérer la valeur de son identité attestée par l’Eglise ni la qualité de son action spirituelle, apostolique et humanitaire, appréciées unanimement par tous les évêques qui l’accueillent dans leurs diocèses, sur les cinq continents. La Communauté déplore à cet égard les amalgames simplistes et erronés qui ne tiennent aucun compte de son évolution récente réalisée sous la conduite de l’Eglise. Elle dénonce les accusations mensongères et diffamatoires portées contre elle, en particulier lorsqu’elle se voit traitée de « secte ». Elle se remet avec confiance entre les mains de l’Eglise catholique qui a su préciser et valider son charisme, et reconnaît en elle d’authentiques fruits de vitalité, de solidarité et de témoignage évangélique.
La Communauté des Béatitudes, dans sa forme et ses statuts d’aujourd’hui, reconnaît ses erreurs passées et s’engage à tout faire, au cœur de l’Eglise et sous sa conduite, pour que de telles dérives ne se reproduisent plus.
15 novembre 2011
Le Commissaire Pontifical
et le Conseil Général
de la Communauté des Béatitudes