Mgr Ravel : « Le Père Brottier, modèle d’humanité »
Le 29 janvier à Angoulême, l’album Daniel Brottier. Remuer Ciel et Terre recevra le Prix international 2015 de la BD chrétienne francophone. Mgr Luc Ravel, évêque aux Armées, évoque cette figure d’aumônier militaire (1876-1936) aussi légendaire que d’actualité. Propos recueillis par Chantal Joly.
Le Père Brottier est-il célèbre ou méconnu ?
Il est très connu d’au moins deux catégories de personnes. Il y a, bien sûr, l’immense réseau des donateurs de l’Oeuvre d’Auteuil ainsi que tous ceux qui aiment la petite Thérèse de l’Enfant Jésus et, par extension, connaissent cet « ami » qui a fait édifier à Paris la première chapelle qui lui fut dédiée. Le Père Brottier est également légendaire dans le monde des aumôniers militaires et plus largement celui des militaires.
Quand l’avez-vous découvert ?
Il y a plus de 40 ans ! D’abord parce que ma tante était l’une des bienfaitrices des Orphelins Apprentis d’Auteuil à qui le Père Brottier écrivait régulièrement en vue de soutenir son oeuvre, mais également grâce à un confrère de mon abbaye Saint Pierre de Champagne en Ardèche, à ce point marqué par cette grande figure qu’il avait choisi d’accoler comme saint patron à son nom de « Père Daniel » -en référence au prophète de l’Ancien Testament- celui du bienheureux Daniel Brottier.
Qu’avez-vous apprécié dans la bande dessinée qui lui est consacrée ?
Bravo aux auteurs qui ont commencé par ses années de guerre ! Ils ont compris que celles-ci n’avaient pas été anodines mais, au contraire, fondatrices au niveau psychologique et pour sa maturation pastorale. De même que pour Teilhard de Chardin pour qui ce fut un baptême dans le réel, le Père Brottier y a trouvé ses racines. Il y a montré ses qualités. Il a donné et il a reçu.
La guerre lui a également fourni ultérieurement un carnet d’adresses de fidèles très actifs pour ses ventes de charité et ses appels aux dons. Cofondateur de l’UNC (Union des Anciens Combattants) afin que ne se perde pas la belle fraternité vécue dans les tranchées, le Père Brottier a en effet proposé à ses camarades d’autres combats à mener. L’oeuvre d’Auteuil n’aurait jamais connu son ampleur sans ce passage de 14-18.
Lors du 30e anniversaire de sa béatification en novembre dernier devant les jeunes d’Auteuil, sur quel aspect de sa personnalité avez-vous insisté ?
Sur les citations qui ont accompagné ses remises de décorations (légion d’honneur, croix de guerre). Remontées au Ministère de la guerre via la hiérarchie militaire, elles témoignent de la reconnaissance d’hommes de bonne volonté envers des valeurs de bonté, de dévouement, de courage hors pair et de disponibilité sans faille. Souvenons-nous que nous étions à une époque d’extrême anti-cléricalisme. Or que découvraient les soldats en ces aumôniers volontaires qui apprenaient leur « métier » sur le terrain ? Des curés qui ne correspondaient pas aux caricatures de l’époque mais partageaient avec eux le danger, la boue, la puanteur, les rats, le froid. Dans la guerre contre le terrorisme dans laquelle nous entrons, il nous faudra peut-être déployer des mêmes qualités fondamentales que ces aumôniers de légende de la grande guerre ont manifestées à tous.
Qu’admirez-vous le plus dans le caractère du Père Brottier ?
Son courage personnel, tant face aux obus que devant le travail pour relever l’Oeuvre d’Auteuil. Et son génie de l’organisation. Le Père Brottier avait des méthodes très modernes. Il utilisait les moyens de communication. Il fonçait. Mais surtout, en se faisant brancardier, photographe ou combattant (sans armes) au milieu des troupes, il incarnait un modèle de pastorale qui a marqué toute l’Eglise de France, a « reboosté » l’Action catholique et reste pour moi d’actualité dans le cadre de la nouvelle évangélisation dans un monde qui a envie de se passer de nous. Car être prêtre, c’est à 20% de son temps prêcher la Bonne Nouvelle, célébrer une messe ou avoir une conversation théologique mais c’est à 80% de la proximité humaine.
La biographie d’un bienheureux en BD
Publiée par les éditions Mame, en partenariat avec Apprentis d’Auteuil, la bande dessinée a été imaginée par le dessinateur Brunor et par Hervé Duphot. Scénarisé à partir de personnages réels ou symboliques, le récit évoque les multiples activités et talents du Père Brottier (1876-1936) : Spiritain, missionnaire au Sénégal, fondateur du « Souvenir africain » pour construire la cathédrale de Dakar, aumônier à la 26e division d’infanterie puis directeur de l’Orphelinat d’Auteuil, l’oeuvre d’Église engagée auprès de la jeunesse en difficulté.