Jean-Paul II et les jeunes

Michel Dubost

Evêque d’Evry-Corbeil-Essonnes, Mgr Michel Dubost a coordonné les Journées Mondiales de la Jeunesse à Paris en 1997. Il nous propose une réflexion sur la relation privilégiée que Jean-Paul II a su nouer avec les jeunes.
Bien sûr, il y a les J. M. J. Et l’on pourrait ne parler que de ces journées.
Mais l’on manquerait quelque chose d’essentiel qui en est comme le fondement : le sens de la rencontre ou, plus exactement, l’expérience élémentaire de l’homme que l’on peut faire dans chacune de ces rencontres.

L’expérience élémentaire de l’homme doit sans doute beaucoup à la jeunesse de Karol Wojtyla : il perd sa mère à neuf ans, son frère à douze, son père à vingt-et-un. Ouvrier à vingt ans. Il trouve le ressort à vingt-et-un ans de fonder un théâtre et, à vingt-deux, d’entrer dans un séminaire clandestin alors que la vague brune déferle sur l’Europe et décime la Pologne.
Sa jeunesse est une mise à nu de son humanité… et de son élan de vie.
Et toutes ses rencontres avec les jeunes en seront marquées.
« Les jeunes me permettent de ne pas oublier ce que la vie m’a appris, ma découverte de la jeunesse et de son importance décisive dans chaque existence humaine. » (1994).

A l’évidence, le secret de sa jeunesse, ce qui lui a permis de vivre pleinement, est la rencontre avec le Christ… Je l’ai entendu souvent parler à des jeunes. Dans chacune de ses interventions, il y avait une invitation à avancer, à rencontrer, à se laisser rencontrer, à accepter que le regard du Christ aille jusqu’au plus profond de soi. Il aimait spécialement citer le dialogue du Christ et du jeune homme riche… « Jésus fixa sur lui son regard et l’aima. » – « Une seule chose te manque, va, vends tout ce que tu as et donne-le aux pauvres et tu auras un trésor dans le ciel ; puis, viens, suis-moi. » (Marc 10, 17 -30)
Pour moi, cette citation fréquente ne peut pas ne pas avoir été autobiographique… le regard que le Christ a porté sur lui est celui qu’il a voulu avoir sur les jeunes.
« Je souhaite à chacun de vous de découvrir ce regard du Christ et d’en faire l’expérience jusqu’au bout… Il est nécessaire à l’homme, ce regard aimant. Il lui est nécessaire de se savoir aimé, aimé éternellement et choisi de toute éternité. » (Lettre à tous les jeunes, 1985).

Un regard de confiance, exigeant et appelant

De fait, entre le « sportif de Dieu » accueilli par le Cardinal Marty au Parc des Princes et le vieillard parkinsonien des J. M. J. de Toronto, le point commun est le regard de confiance, exigeant et appelant. Il est possible que le regard du vieillard ait davantage encore manifesté la bienveillance de celui que les jeunes de sa première paroisse appelaient déjà « Wajek » (mon oncle), en signe d’affection.

Jean-Paul II pouvait passer, à maints égards, auprès des jeunes comme un homme témoin d’un passé révolu -ne serait-ce que celui du fascisme et du communisme (et beaucoup ignoraient sa résistance…)- mais, ancré dans la passé, il leur apparaissait comme sensible à ce qui leur importait -le combat des Droits de l’Homme, le dialogue interreligieux, l’ouverture au monde avec les voyages dans 115 pays, la reconnaissance des erreurs passées de l’Eglise et la repentance et, surtout, l’élan de vie.

Le cri de son discours d’installation, même lorsqu’il n’a pas été entendu, a résonné dans les oreilles de tous les jeunes : « N’ayez pas peur, ouvrez toutes grandes les portes au Christ ». Il se peut d’ailleurs qu’il ait été davantage compris par ces jeunes de la « génération Jean-Paul II » qui, de Washington (« J. P. two, we love you ») à Casablanca se sont découverts en profondeur, que de certains d’entre nous, plus ou moins réticents à l’entendre parler de nouvelle évangélisation. L’appel lancé devant la croix de Mogila (9 juin 1979) avait pour but d’inscrire la foi des habitants d’un monde toujours nouveau dans la continuité de l’histoire. La confiance du Pape Wojtyla envers les jeunes s’est toujours exprimée par des appels à la mission.

Bien sûr, il y a les J. M. J. : Rome (1984 pendant l’année sainte et préface des J. M. J.), Rome (1985), Buenos Aires (19887), Compostelle (1989), Czestochowa (1991), Denver (1993), Manille (1995), Paris (1997), Rome (2000), Toronto (2002)… gigantesques fêtes qui scandent le temps d’un pèlerinage mondial, peuplent les mémoires, ouvrent à l’universel, mais aussi à la grâce, à l’intelligence de la foi, à la rencontre et, au cœur de chacun, à l’expérience élémentaire de l’homme.

Appelés à être vraiment eux-mêmes

Jean-Paul II a fait confiance aux jeunes. Il n’ignorait pas les difficultés de la transmission de l’essentiel d’une génération à l’autre. Il savait que beaucoup de jeunes étaient ignorants de leur histoire. Mais il savait que, dans chaque cœur, il existe une requête de liberté, de dignité et de sens. Cette requête est de tous les temps, elle fut celle d’Agnès de Rome, de Joséphine Bakhita, de Marcel Callo, de Pier Giorgio Frassati… Et il a osé appeler, à temps et à contretemps, les jeunes à être vraiment eux-mêmes, c’est-à-dire saints.

Mgr Michel Dubost
Evêque d’Evry-Corbeil-Essonnes

 

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