Kazakhstan : lecture de la déclaration finale et conclusion du Congrès

Kazakhstan

Lecture de la déclaration finale du Saint-Père et conclusion du Congrès le jeudi 15 septembre 2022 au palais de l’indépendance à Noursultan (Kazakhstan).

Chers frères et sœurs !

Nous avons cheminé ensemble. Merci d’être venus de différentes parties du monde, apportant ici la richesse de vos croyances et de vos cultures. Merci d’avoir vécu intensément ces jours de partage, de travail et d’engagement au nom du dialogue, encore plus précieux en une période si difficile, sur laquelle pèse, en plus de la pandémie, la folie insensée de la guerre. Il y a trop de haines et de divisions, trop d’absence de dialogue et de compréhension de l’autre : dans le monde globalisé, cela est encore plus dangereux et scandaleux. Nous ne pouvons pas continuer à être connectés et séparés, connectés et déchirés par trop d’inégalités. Merci donc pour les efforts visant à la paix et à l’unité. Merci aux Autorités locales, qui nous ont accueillis, en préparant et en organisant ce Congrès avec grand soin, mais aussi à la population amicale et courageuse du Kazakhstan, capable d’embrasser d’autres cultures tout en préservant sa noble histoire et ses précieuses traditions. Kiop raqmet ! Bolshoe spasibo ! Thank you very much !

Ma visite, qui touche maintenant à sa fin, a pour mot d’ordre Messagers de paix et d’unité. Ce mot d’ordre est au pluriel, car le chemin est commun. Et ce septième Congrès, que le Très-Haut nous a donné la grâce de vivre, a marqué une étape importante. Depuis sa création en 2003, l’évènement a pour modèle la Journée de prière pour la paix dans le monde convoquée en 2002 par Jean-Paul II à Assise, pour réaffirmer la contribution positive des traditions religieuses au dialogue et à la concorde entre les peuples. Après ce qui s’est passé le 11 septembre 2001, il était nécessaire de réagir, et de réagir ensemble, au climat incendiaire auquel la violence terroriste voulait inciter et qui risquait de faire de la religion un facteur de conflit. Mais le terrorisme pseudo-religieux, l’extrémisme, le radicalisme, le nationalisme masqué de sacralité suscitent encore des craintes et des inquiétudes à propos de la religion. Ainsi, il a été providentiel ces jours-ci de nous retrouver et d’en réaffirmer sa véritable et indispensable essence.

À ce propos, la Déclaration de notre Congrès affirme que l’extrémisme, le radicalisme, le terrorisme et toute autre incitation à la haine, à l’hostilité, à la violence et à la guerre, quelle que soit la motivation ou l’objectif qu’ils se fixent, n’ont rien à voir avec l’esprit religieux authentique et doivent être rejetés dans les termes les plus décisifs possibles (cf. n. 5) : condamnés, sans « si » et sans « mais ». De plus, partant du fait que le Tout-Puissant a créé tous les hommes égaux, quelle que soit leur appartenance religieuse, ethnique ou sociale, nous avons convenu que le respect et la compréhension mutuels doivent être considérés comme essentiels et indispensables dans l’enseignement religieux (cf. n. 13).

Le Kazakhstan, au cœur du grand et décisif continent asiatique, était le lieu naturel pour nous rencontrer. Son drapeau nous a rappelé la nécessité de maintenir une relation saine entre la politique et la religion. En effet, si l’aigle royal, présent sur la bannière, rappelle l’autorité terrestre, en rappelant les empires antiques, le fond bleu évoque la couleur du ciel, la transcendance. Il y a donc un lien sain entre la politique et la transcendance, une coexistence saine qui maintient les sphères distinctes. Distinction, et non confusion ou séparation. « Non » à la confusion, pour le bien de l’être humain, qui a besoin, comme l’aigle, d’un ciel libre pour voler, un espace libre et ouvert à l’infini qui ne soit pas limité par le pouvoir terrestre. Une transcendance qui, en revanche, ne doit pas céder à la tentation de se transformer en pouvoir, sinon le ciel tomberait sur terre, l’au-delà divin serait emprisonné dans l’aujourd’hui terrestre, l’amour du prochain dans des choix partisans. « Non » à la confusion, donc. Mais « non » également à la séparation entre politique et transcendance, car les plus hautes aspirations humaines ne peuvent être exclues de la vie publique et reléguées à la seule sphère privée. Par conséquent, que ceux qui souhaitent exprimer légitimement leur croyance soient toujours et partout protégés. Combien de personnes, pourtant, sont encore persécutées et discriminées pour leur foi ! Nous avons demandé avec insistance aux gouvernements et aux organisations internationales compétentes à venir en aide aux groupes religieux et aux communautés ethniques qui ont subi des violations de leurs droits humains et de leurs libertés fondamentales, ainsi que des violences commises par des extrémistes et des terroristes, notamment à la suite de guerres et de conflits militaires (cf. n. 6). Il faut surtout s’engager pour que la liberté religieuse ne soit pas un concept abstrait, mais un droit concret. Défendons pour tous le droit à la religion, à l’espérance, à la beauté : au Ciel. Car non seulement le Kazakhstan, comme le proclame son hymne, est un « Ciel de soleil d’or », mais tout être humain : chaque homme et chaque femme, dans son irremplaçable unicité, s’il est en contact avec le divin, peut irradier une lumière particulière sur la terre.

C’est pourquoi l’Église catholique, qui ne se lasse pas de proclamer la dignité inviolable de toute personne, créée « à l’image de Dieu » (cf. Gn 1, 26), croit aussi à l’unité de la famille humaine. Elle estime que « tous les peuples forment, en effet, une seule communauté ; ils ont une seule origine, puisque Dieu a fait habiter tout le genre humain sur toute la face de la terre » (Conc. Ecum. Vat. II, Déclaration Nostra aetate, n. 1). C’est pourquoi, depuis le début de ce Congrès, le Saint-Siège y a activement participé, notamment à travers le Dicastère pour le Dialogue Interreligieux. Et il veut continuer ainsi : la voie du dialogue interreligieux est une voie commune de paix et pour la paix et, comme telle, elle est nécessaire et sans retour. Le dialogue interreligieux n’est plus seulement une chance, c’est un service urgent et irremplaçable rendu à l’humanité, à la louange et à la gloire du Créateur de tous.

Frères et sœurs, en pensant à ce cheminement commun, je me demande : quel est notre point de convergence ? Jean-Paul II – qui a visité le Kazakhstan il y a vingt et un ans en ce même mois – a affirmé que « toutes les routes de l’Église conduisent à l’homme » et que l’homme est « la route de l’Église » (Lett. enc. Redemptor hominis, n. 14). Je voudrais dire aujourd’hui que l’homme est aussi la voie de toutes les religions. Oui, l’être humain concret, affaibli par la pandémie, terrassé par la guerre, blessé par l’indifférence ! L’homme, créature fragile et merveilleuse, qui « s’évanouit sans Créateur » (Conc. Ecum. Vat. II, Const. past. Gaudium et spes, n. 36) et qui n’existe pas sans les autres ! Il faut penser au bien de l’être humain plus qu’aux objectifs stratégiques et économiques, aux intérêts nationaux, énergétiques et militaires, avant de prendre des décisions importantes. Pour faire des choix vraiment grands, il faut penser aux enfants, aux jeunes et à leur avenir, aux personnes âgées et à leur sagesse, aux gens ordinaires et à leurs vrais besoins. Et nous élevons la voix pour crier que la personne humaine ne se réduit pas à ce qu’elle produit ou gagne ; qu’elle doit être acceptée et jamais rejetée ; que la famille, en langue kazakh « nid d’âme et d’amour », est le berceau naturel et irremplaçable à protéger et à promouvoir pour que les hommes et les femmes de demain grandissent et mûrissent.

Pour tous les êtres humains, les grandes sagesses et religions sont appelées à témoigner de l’existence d’un patrimoine spirituel et moral commun, fondé sur deux piliers : la transcendance et la fraternité. La transcendance, l’Au-delà, l’adoration. Il est beau que chaque jour des millions et des millions d’hommes et de femmes, d’âges, de cultures et de conditions sociales divers, se rassemblent en prière dans d’innombrables lieux de culte. C’est la force cachée qui fait avancer le monde. Et puis la fraternité, l’autre, la proximité : car il ne peut professer une véritable adhésion au Créateur celui qui n’aime pas ses créatures. C’est l’esprit qui imprègne la Déclaration de notre Congrès, dont je voudrais, pour conclure, souligner trois mots.

Le premier est la synthèse de tout, l’expression d’un cri du cœur, le rêve et le but de notre voyage : la paix Beybitşilik, mir, peace ! La paix est urgente car tout conflit militaire ou foyer de tension et d’affrontement aujourd’hui ne peut avoir qu’un « effet domino » néfaste et compromet gravement le système des relations internationales (cf. n. 4). Mais la paix « n’est pas une pure absence de guerre et elle ne se borne pas seulement à assurer l’équilibre de forces adverses ; elle ne provient pas non plus d’une domination despotique », mais elle est « œuvre de justice » (Gaudium et spes, n. 78). Elle naît donc de la fraternité, elle grandit dans la lutte contre l’injustice et les inégalités, elle se construit dans l’ouverture aux autres. Nous, qui croyons au Créateur de tous, devons être à l’avant-garde de la propagation de la coexistence pacifique. Nous devons la témoigner, la prêcher, l’implorer. C’est pourquoi la Déclaration exhorte les dirigeants du monde à mettre fin partout aux conflits et aux effusions de sang et à abandonner les rhétoriques agressives et destructrices (cf. n. 7). Nous vous prions, au nom de Dieu et pour le bien de l’humanité : engagez-vous pour la paix, non pour les armements ! Ce n’est qu’en servant la paix que votre nom restera grand dans l’histoire.

Si la paix fait défaut, c’est parce que l’attention, la tendresse et la capacité à donner la vie font défaut. Celle-ci doit donc être recherchée en impliquant davantage – le deuxième mot – la femme. Parce que la femme donne le soin et la vie au monde : elle est le chemin de la paix. Nous avons donc soutenu la nécessité de protéger leur dignité et d’améliorer leur statut social en tant que membre à part entière de la famille et de la société (cf. n. 23). Les femmes doivent également se voir confier des rôles et des responsabilités plus importants. Combien de choix de mort seraient évités si les femmes étaient au centre des décisions ! Travaillons afin qu’elles soient plus respectées, reconnues et impliquées.

Enfin, le troisième mot : les jeunes. Ils sont les messagers de paix et d’unité d’aujourd’hui et de demain. Ce sont eux qui, plus que d’autres, invoquent la paix et le respect de la maison commune de la création. Par contre, les logiques de domination et d’exploitation, l’accaparement des ressources, les nationalismes, les guerres et les zones d’influence dessinent un monde ancien, que les jeunes rejettent, un monde fermé à leurs rêves et à leurs espoirs. De même, les religiosités rigides et étouffantes n’appartiennent pas à l’avenir, mais au passé. En pensant aux nouvelles générations, on a affirmé ici l’importance de l’instruction qui renforce l’acceptation mutuelle et la coexistence respectueuse entre les religions et les cultures (cf. n. 21). Donnons aux jeunes des opportunités d’instruction, et non des armes de destruction ! Et écoutons-les, sans crainte de nous laisser interroger par eux. Par-dessus tout, construisons un monde en pensant à eux !

Frères, sœurs, le peuple du Kazakhstan, ouvert sur demain et témoin de tant de souffrances passées, avec son extraordinaire caractère multi-religieux et multiculturel, nous offre un exemple pour l’avenir. Il nous invite à le construire sans oublier la transcendance et la fraternité, l’adoration du Très-Haut et l’accueil de l’autre. Continuons ainsi, marchant ensemble sur la terre en enfants du Ciel, tisseurs d’espérance et artisans d’harmonie, messagers de paix et d’unité !

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