Bernard Lecomte : « Les écrits restent… »
Ce lundi à 11h57, au téléphone, une journaliste de RMC me demanda une réaction à chaud « à la démission du pape ». J’ai cru qu’un ami me faisait une blague. Incrédule, j’ai refusé de commenter un événement dont j’ignorais tout : elle doit encore m’en vouloir !
Quel souvenir marquant garderez-vous de Joseph Ratzinger/Benoît XVI ?
D’abord des textes. Pour rédiger naguère sa biographie, j’ai commencé par lire beaucoup de ses écrits, un peu dans le désordre. Je me rappelle avoir commencé par son dernier livre de l’époque, qui portait sur « L’Europe, ses fondements aujourd’hui et demain » : ce fut une révélation, jamais je n’avais lu quelque chose d’aussi clair et pénétrant sur l’Europe !
En quoi Benoît XVI vous a-t-il paru différent de Jean-Paul II ?
Au début, les différences de style et de comportement étaient saisissantes : un vieux prof sympathique et timide succédait à un prophète bateleur de foules, un théologien profond succédait à un philosophe engagé ! Et pourtant, très vite, j’ai mesuré l’étonnante continuité entre les deux papes, logique quand on savait que l’Allemand avait été pendant vingt ans le principal conseiller et ami du Polonais.
Que retiendrez-vous de ses relations avec la France ?
J’avais suivi avec amusement la double intervention de Joseph Ratzinger dans les affaires de l’Eglise de France, en janvier 1983, à propos du Catéchisme : les évêques français avaient été très agacés par lui. Mais j’avais été impressionné, en novembre 1992, par son discours à l’Institut. Cet homme-là aimait la France, la langue française, la culture française, au point de rappeler la francophilie de Paul VI. Je n’ai pas été étonné de l’impression extraordinaire qu’il a donnée aux Bernardins en septembre 2008…
Quel impact aura, selon vous, le pontificat de Benoît XVI dans les années à venir ?
D’expérience, il faut deux ou trois décennies pour juger un pontificat, car il faut obligatoirement le replacer dans une perspective historique. Après un pape prophète (Jean XXIII), un pape intellectuel (Paul VI), un pape pasteur (Jean-Paul I), un pape stratège (Jean-Paul II), nous avons eu un pape théologien, qui a mis au centre de sa prédication la vérité et la foi. On gardera surtout de lui, me semble-t-il, ses encycliques et ses livres. Scripta manent…