Benoît XVI, foi et raison

Le pape Benoit XVI affirme la haute valeur de la raison humaine

La foi chrétienne tient en haute estime la raison humaine. Benoît XVI, après son prédécesseur Jean-Paul II (encyclique Fides et ratio de 1998), est souvent intervenu sur la relation profonde entre la foi et la raison.

Il affirme la haute valeur de la raison humaine qui participe à la recherche de la vérité, en particulier dans les sciences. A Ratisbonne, en septembre 2006, le Pape rappelait que « la foi de l’Eglise s’est toujours tenue à la conviction qu’entre Dieu et nous, entre son Esprit créateur éternel et notre raison créée », s’il existe des dissemblances, « il existe une vraie analogie ». Cela veut dire que le travail de la raison vaut par lui-même et aussi qu’il peut et doit être lié à la vie de la foi.

Joseph Ratzinger l’avait expliqué à la Sorbonne en 1999 : quand les premiers auteurs chrétiens ont présenté leur religion à des païens, ils l’ont située non dans le cadre du monde religieux ambiant (mythes, religion officielle), mais dans la continuité de la philosophie. Pourquoi ? Parce que les religions païennes ne sortaient pas de la sphère humaine, alors que la philosophie se présentait comme une recherche exigeante de la vérité, conduisant à dépasser ce qui est purement humain. Le Dieu qui s’est révélé, survenant dans l’histoire singulière d’Israël, se fait connaître comme vérité toujours plus haute, toujours à chercher. La foi chrétienne, qui est une suite du Christ, fait entrer dans cette recherche. Saint Justin, au IIe siècle, n’hésite pas à parler du christianisme comme de la vraie philosophie.

La rationalité de la foi

Benoît XVI accorde une grande importance à l’héritage hellénique. Dans la ferveur d’une heureuse redécouverte de la Bible et plus précisément du monde sémitique dans lequel celle-ci a été composée, on en est venu souvent à opposer la révélation juive et la philosophie grecque. On reproche aux premiers conciles chrétiens, qui ont usé du vocabulaire philosophique grec pour exprimer la foi en la divinité du Christ, d’appartenir à un univers de pensée révolu et étranger à celui de la révélation et dont il conviendrait de se libérer. Dans un souci de retour aux sources et pour une meilleure annonce de l’Evangile, notamment dans des pays dont la culture diffère de la culture gréco-latine, comme l’Inde ou la Chine, on écarte l’héritage des premiers siècles pour revenir à une « pureté » du texte biblique.

C’est en réalité une erreur sur la révélation elle-même. Car si celle-ci nous a été donnée dans un univers bien précis (le peuple d’Israël), elle a été transmise dans un monde marqué par l’hellénisme. Une rencontre s’est opérée à l’intérieur de la Bible, notamment dans les écrits de Sagesse (les Psaumes, etc.), et dans la traduction de la Bible en grec par 70 savants juifs à Alexandrie (la Septante). Cette traduction de la Bible aux IIIe-Ier s. avant l’ère chrétienne, est plus qu’une simple traduction : c’est « une avancée importante de l’histoire de la révélation ». En traduisant des notions (comme torah par Loi, tsedaqah par justice), la Septante situait les énoncés bibliques dans le langage de la philosophie et ouvrait un débat possible de la pensée biblique avec la pensée hellénique. Dans l’Evangile, saint Jean écrit que « au commencement était le Logos, et le Logos est Dieu ». La Parole de Dieu est comprise comme Logos, ce qui veut dire « parole » mais aussi « raison ».

La remarque de Benoît XVI sur cette question de la « des-hellénisation » du christianisme n’est pas une coquetterie d’universitaire. Elle nous redit qu’il y a une rationalité de la foi. Négliger l’apport philosophique dans le christianisme reviendrait à ne plus comprendre le lien de la foi avec la recherche de la vérité.

 

L’autonomie de la raison et de la foi

Benoît XVI est également attentif à l’autonomie de la raison et de la foi. Il l’a dit dans le discours qu’il aurait dû prononcer en janvier 2008 à l’université d’Etat la Sapienza à Rome, université précisément fondée par un Pape ! L’ancien professeur sait mieux que quiconque qu’il ne s’agit pas de confondre les niveaux. Il ne s’agit pas par exemple de mettre un peu de piété dans la science pour sauver la raison ou pour faire de la bonne théologie. Concordisme et fondamentalisme nuisent à la foi et à la raison.

Il rappelle que la véritable grandeur de la raison est de chercher la vérité, y compris la vérité concernant la religion. La vérité ne se cherche que par le dialogue, le travail, dans un climat de respect et de liberté (Vatican II, Déclaration sur la Liberté religieuse). C’est là que la raison humaine apparaît dans toute son ampleur et qu’elle révèle ses potentialités. Il y a là un enjeu non seulement pour les chrétiens, mais aussi pour tous dans une société sécularisée qui risque de ne plus se poser les questions métaphysiques essentielles. C’est la mission de l’Eglise que de « maintenir vive la sensibilité pour la vérité » et « d’inviter toujours la raison à se mettre à la recherche du vrai, du bien, de Dieu ». Sans quoi elle perd sa grandeur et se dénature.

 

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