Benoît XVI et les réalités politiques
De même que la raison doit être valorisée, comme véritable capacité à chercher le vrai et le bien, de même, l’engagement politique doit être estimé et encouragé. Mais de même que la raison risque de devenir folle si elle se croit toute puissante, de même, l’action politique doit se mettre au service de la dignité de toute personne humaine.
En théologien attentif à l’histoire, Benoît XVI est sensible à la distinction des pouvoirs spirituel et temporel qui s’est instaurée dès les commencements du christianisme : « Du fait que, à partir de Constantin, l’empereur avait quitté Rome, dans l’antique capitale de l’Empire put se développer l’autonomie de l’évêque de Rome, comme successeur de Pierre et pasteur suprême de l’Eglise ; là, dès le début même de l’ère constantinienne, fut enseignée la diversité des pouvoirs (…). Ainsi se trouve introduite une séparation et une distinction des pouvoirs, ce qui sera d’une extrême importance dans le développement postérieur de l’Europe, et qui, pourrait-on dire, a établi les fondements de ce qui est vraiment typique de l’Occident » .
En tant que défenseur, avec un philosophe comme Jürgen Habermas par exemple, d’une « conception non défaitiste de la raison » , Benoît XVI aime rappeler les capacités et les responsabilités de la raison humaine : « La politique est le lieu de la raison ; plus précisément, elle n’est pas le lieu d’une raison technicienne et calculatrice seulement, mais encore morale, puisque la fin de l’Etat, et donc la fin dernière de toute politique, est de nature morale, je veux dire la paix et la justice » .
La raison politique ne se limite donc pas à déterminer les conditions techniques de la vie sociale mais est appelée à les mettre au service de la dignité de toute personne humaine : « L’Eglise est consciente que la voie de la démocratie si, d’un côté, elle exprime le mieux la participation directe des citoyens aux choix politiques, n’est possible, de l’autre côté, que dans la mesure où elle est fondée sur une juste conception de la personne (…). Comme l’enseigne le concile Vatican II, ‘la garantie des droits de la personne est, en effet, une condition indispensable pour que les citoyens, individuellement ou en groupe puissent participer activement à la vie et à la gestion des affaires publiques’ (Gaudium et Spes, § 73) » . « Nous pouvons avoir confiance les uns dans les autres, et vivre ensemble paisiblement, à une seule condition : que l’homme se reconnaisse comme une fin, que l’homme soit sacré et intangible pour l’homme » .
Ce service de la personne passe en particulier par le respect de la dignité innée de toute vie humaine, de la conception jusqu’à la mort naturelle, par la reconnaissance du mariage et de la famille comme « cellule de formation pour la communauté sociale » et par la promotion de la liberté religieuse.
Depuis que les questions environnementales ont pris une importance décisive, la doctrine sociale de l’Eglise a intégré le développement durable à sa vision de la dignité de la personne. Ainsi Benoît XVI a-t-il rappelé aux jeunes rassemblés à Sydney pour les « Journées Mondiales de la Jeunesse » : « les préoccupations au sujet de la non-violence, du développement durable, de la justice et de la paix, de la protection de notre environnement sont d’une importance vitale pour l’humanité », tout en ajoutant : « tout cela, cependant, ne peut être compris sans une profonde réflexion sur la dignité innée de toute vie humaine » .
Cette conception bienveillante et exigeante de la responsabilité politique s’inscrit dans le sillage des pontificats précédents, en particulier ceux de Paul VI et Jean-Paul II. Comme eux, Benoît XVI s’est exprimé devant l’Assemblée générale des Nations Unies (18 avril 2008). Comme eux, il accorde beaucoup d’importance à ses rencontres avec les chefs d’Etat ou de gouvernement, à Rome ou lors de ses voyages apostoliques.
En retour, les autorités françaises ont toujours soigné ces rencontres. Le pape Jean-Paul II a été accueilli à l’Elysée par Valéry Giscard d’Estaing en 1980 et par Jacques Chirac en 1997. Lorsque le Pape n’est pas passé par Paris, les Présidents l’ont accueilli à la Préfecture du lieu : François Mitterrand, par exemple, à la Préfecture de Tarbes en 1983.