Témoignages de bénévoles en soins palliatifs
Marie-Dominique, Pascale et Baudouin témoignent de leur bénévolat au sein de l’association « Accompagner Ici et Maintenant » (AIM). Celle-ci rassemble 115 bénévoles qui accompagnent les personnes en fin de vie à la Maison Médicale Jeanne Garnier, à Paris (15e).
Comment êtes-vous devenus bénévoles à la Maison Jeanne Garnier ?
Marie-Dominique : Au décès d’un proche, j’ai découvert l’accompagnement. J’ai contacté une association quand il m’a été possible d’approcher la mort et d’accompagner la vie. Cela a profondément de sens pour moi. J’ai commencé dans une petite association en province, puis après un déménagement, je suis arrivée à la maison Jeanne Garnier. Je suis bénévole depuis six ans.
Pascale : Tous les bénévoles viennent parce qu’ils ont été touchés par un deuil et qu’ ils ont envie d’accompagner à leur tour. Quand on parle de quelqu’un, on raconte toujours les derniers moments de sa vie. Ce sont des jours très précieux, que la personne puisse communiquer ou pas. Je suis bénévole depuis six ans et travaille à l’AIM depuis trois ans. J’ai eu envie d’être juste là, disponible. Je sers de trait d’union entre la famille et la personne. Un jour, un homme m’a parlé en présence de sa femme. En fait, il s’adressait indirectement à elle.
Baudouin : C’est une idée ancienne. Quand j’ai pris ma retraite il y a quatre ans, elle est revenue à mon esprit. C’est d’abord une démarche citoyenne. Le but est d’assurer une présence, d’accompagner les personnes jusqu’au bout, faire un lien, être proche des personnes qui souffrent. J’ai le sentiment de représenter la société auprès d’eux. C’est le hasard et la réputation de la Maison Jeanne Garnier qui m’ont amené jusqu’ici.
MD : Le bénévole doit trouver sa juste place. Il vient les mains vides et n’a rien à faire. Il vient dire aux personnes malades que la société sait qu’ils existent, qu’ils sont vivants. Le bénévole écoute ces personnes mais aussi les soignants.
P : Le bénévole est là pour les personnes malades mais accompagne aussi le personnel de la structure. Nous sommes des personnes neutres et avons un rapport au temps différent. Si un jour je suis malade, je n’ai pas envie d’être simplement un numéro mais une personne avec un nom. J’aimerais qu’on m’apporte des fleurs, qu’on soit délicat pour la toilette… C’est important.
B : Nous avons entre les bénévoles et le personnel médical une proximité forte, bien réelle, assez exceptionnelle. Les bénévoles font partie de l’équipe, nous participons aux réunions de transmission. Nous passons en revue tous les malades : pas simplement sur le plan médical mais aussi sur le lien avec leur famille, l’aide globale à apporter à la personne. Le bénévole participe aussi aux formations toute la semaine.
MD : Nous sommes de différentes origines religieuses et philosophiques. Je suis croyante et rencontre toute personne au nom de ma foi au Christ. C’est Lui qui m’a appelée à être là. Nous avons un groupe de parole une fois par mois où j’échange avec les autres bénévoles. L’histoire de l’accompagné n’est pas la mienne. Ce qui ne m’empêche pas de le porter dans ma prière. Il faut lui laisser sa vie et sa liberté. Nous ne sommes pas là pour créer un lien affectif avec ces personnes car elles se préparent à se séparer de ce monde.
P : Je reçois les confidences en tant que bénévole et non pas personnellement. Parler à un bénévole et non à un soignant, permet à la personne de dire ce qu’il a envie de partager à ce moment. Vraies ou fausses, peu importe, car elle n’est pas en attente d’une relation. Si c’est trop lourd à porter, j’en parle à la coordinatrice de l’équipe. Je suis croyante mais j’ai fait le choix d’être dans une association non-confessionnelle. J’accompagne tout le monde et propose d’appeler un bénévole de l’aumônerie, comme je le fais pour un médecin. Ce qui rassemble, c’est de partager les mêmes valeurs.
B : Il est bon de rappeler que nous sommes assujettis au secret professionnel… Ma foi joue un rôle très important dans mon bénévolat. Ce que je crois, c’est que dans la rencontre avec l’autre, j’ai la chance de croiser le Christ. Ici, ma recherche de Dieu peut trouver un début de réponse. Les confidences peuvent jouer un rôle dans ma vie personnelle et spirituelle bien que je n’aie pas à faire état de ma foi comme bénévole. Je garde une attitude neutre et respectueuse, sauf si l’échange arrive naturellement.
MD : J’ai toujours parlé très facilement de mon bénévolat. Je le confie à mon mari. Notre présence auprès de ces personnes signifie à la société que ce temps a du sens, car ce temps peut être heureux. La souffrance, les larmes ou la tristesse font partie aussi de la vie en société. Cette mission a changé ma façon d’écouter.
P : J’ai appris à goûter le moment présent, à ne pas être en attente de quelque chose d’autre que le bon moment, la mauvaise nouvelle, la rencontre… Il peut arriver qu’une personne demande l’euthanasie en arrivant à cause de la peur de la souffrance, de la solitude. Mais au bout de quelques jours, il y a un changement. Le médecin vient rassurer la personne, soulager sa douleur. Il est urgent de faire connaître la loi Leonetti, relative aux droits des malades et à la fin de vie, et de la mettre en application.
B : Je prends conscience de plus en plus de la nécessité d’en parler autour de moi. Avant j’évitais, par pudeur et surtout parce que c’était mal compris. On me demandait : « A quoi ça sert d’être auprès d’une personne mourante ? » C’est important d’en parler, surtout dans cette période de débats dans la société. J’ai le sentiment d’être en première ligne lorsque je suis près des malades mais aussi en témoignant à l’extérieur.