Paroles d’évêques en amont du Salon de l’agriculture
Une délégation d’évêques se rendra au Salon de l’agriculture le 29 février 2016. Ils expriment leur soutien aux acteurs du monde rural.
Mgr Olivier de Germay, Evêque d’Ajaccio : « Un profond désarroi »
Avec d’autres, les évêques de France sont préoccupés par la crise agricole et les difficultés que connaît le monde rural dans notre pays. La surproduction, la chute des cours, le travail à perte, le sentiment d’être tenus pour responsables de la dégradation de l’environnement, les exploitations qui ferment, la lourdeur de la fiscalité… tout cela engendre un profond désarroi.
En Corse aussi les difficultés ne manquent pas. Le monde rural connaît une désertification grandissante et préoccupante. Pourtant, en rendant presque impossible une industrialisation de l’agriculture, la configuration géographique de l’Ile a favorisé l’émergence d’un modèle de développement plus harmonieux. Le choix a été fait de préférer la qualité à la quantité en réinvestissant les savoir-faire agro-pastoraux traditionnels. Cette option semble séduire des jeunes fortement attachés à la préservation de l’identité corse. Elle a surtout l’avantage de pouvoir plus facilement concilier productivité et respect de l’environnement, tourisme et agriculture. Même si cela reste un défi, une opportunité se présente pour développer l’agriculture dans le cadre d’une vision globale qui n’oppose pas rentabilité, qualité de vie, soutien du tissu social et écologie.
Mgr Philippe Ballot, Archevêque de Chambéry, Evêque de Maurienne et de Tarentaise : « Reconvertissons notre agriculture »
« Parmi les pauvres les plus abandonnés et maltraités, se trouve notre terre opprimée et dévastée », écrit notre Pape dans les premières lignes de sa belle encyclique « Loué sois-Tu » (Laudato Si’, § 2). Il n’est pas exagéré de dire que le modèle agricole, que nous avons épousé, en France comme ailleurs, même s’il n’est pas uniforme, opprime et dévaste (…) On le voit concrètement, [qu’] une autre agriculture est, techniquement et économiquement, possible. Les succès des produits « bio » et locaux traduisent par ailleurs une forte attente sociétale. C’est alors une agriculture qui refuse de dévaster ses propres bases productives, qui ne veut pas participer à l’oppression de la terre et des hommes, c’est aussi une agriculture plus nécessiteuse de soins, donc de travail humain, donc de rémunération, donc de redistribution et d’équité. C’est une conversion sociale et écologique de notre système agroalimentaire qui appelle une refondation du lien qui unit agriculteurs et consommateurs, du lien qui nous relie à la terre. C’est une conversion à laquelle invite l’encyclique du pape François et avec laquelle, je suis totalement en phase, déjà comme fils d’agriculteur mais aussi comme savoyard que je suis en train de devenir, car notre agriculture savoyarde va dans ce sens, elle qui est basée sur une recherche délibérée de qualité avec un secteur coopératif qui reste développé, elle qui innove sans arrêt et qui valorise les réalités locales. Il est vrai que le tourisme, bien présent dans le département, aide à ce type de développement de qualité. Nous y sommes tous appelés sur le territoire français.
Mgr François Fonlupt, Evêque de Rodez et de Vabres : « Une plus juste rémunération du travail accompli »
(…) Les hommes et les femmes qui vivent de cette activité sont solides, convaincus, ils savent en rendre compte et exprimer les raisons qui font qu’ils s’y sont investis. Cela avec une vraie passion qui continue à se transmette entre générations. Ce n’est pas rien de pouvoir rendre compte du domaine dans lequel on est investi avec une telle force. Bien des salariés pourraient en rêver.
Des questions lourdes sont aussi présentes : engrenage dans un système, endettement, solitude, risque d’isolement …
Comment trouver la bonne échelle d’organisation ?
Où sont les personnes qui peuvent travailler à cette mise en œuvre ?
Quels sont aussi les lieux, qui ne soient pas que techniques et professionnels, lieux d’échange de partage et de réflexion, attendus pour que chacun mesure qu’il a sa place et est effectivement reconnu.
Car, derrière cela, transparaît une attente forte de reconnaissance, de dignité. Celle-ci doit pourvoir passer par une plus juste rémunération de travail accompli plus que par des primes venant équilibrer des revenus aléatoires. Nous savons que cela touche à des décisions politiques complexes, mais tout autant sans doute à nos choix de consommateurs.
Mgr Laurent Percerou, Evêque de Moulins : « C’est une vocation, pas un métier ! »
(…) Les atouts sont là et je suis témoin de la créativité de nombreux agriculteurs pour produire toujours mieux, se diversifier, encourager la mutualisation des moyens et s’organiser pour trouver des solutions novatrices…
Comment notre société peut-elle entendre ce mal-être de l’agriculture et y répondre ? Non pas seulement par des solutions à court terme, mais en s’interrogeant sur la manière dont elle cherche le bien commun, dans le souci du service de l’homme, la reconnaissance de ce qu’il apporte à la collectivité et un juste soutien aux projets légitimes qui l’anime. Une Église diocésaine, en raison des relais dont elle dispose, peut aider à mener cette réflexion avec les acteurs de la ruralité. Je le souhaite en tout cas pour le Bourbonnais !
La délégation au Salon de l’Agriculture 2016
Mgr Hervé Gaschignard, évêque d’Aire et Dax, Mgr Olivier de Germay, évêque d’Ajaccio, Mgr Jean Legrez, archevêque d’Albi, Mgr Philippe Ballot, archevêque de Chambéry, Mgr Michel Pansard, évêque de Chartres, Mgr Laurent Le Boulc’h, évêque de Coutances, Mgr Jean-Luc Brunin, évêque du Havre, Mgr Thierry Scherrer, évêque de Laval, Mgr Yves Le Saux, évêque du Mans, Mgr Laurent Percerou, évêque de Moulins, Mgr Jean-Marc Eychenne, évêque de Pamiers, Mgr Philippe Mousset, évêque de Périgueux et Sarlat, Mgr François Fonlupt, évêque de Rodez, Mgr Denis Moutel, évêque de Saint-Brieuc et Tréguier et Mgr Bernard-Nicolas Aubertin, archevêque de Tours.