Au Mans, avec la famille syrienne : Le fils aux fourneaux
Pour cette première visite à la famille réfugiée du Mans, le mercredi 23 août, Fouad le fils âgé de 29 ans a préparé avec fierté un repas typiquement syrien. On doit bien avouer qu’il connait son domaine.
Au chevet de la cathédrale du Mans, se tient, deux fois par semaine, le marché des Jacobins. Ce mercredi matin, la mosaïque de toiles colorées tranche avec la grisaille environnante.
Fouad montre à Michel, paroissien libanais, sa liste de courses, rédigée en arabe. Au détour des étals, un vendeur de fruits et légumes reconnaît et salue la famille syrienne dans leur langue. On achète chez le vendeur turc salade, aubergines, tomates, persil…
« Zeitoun ? » s’enquiert Fouad. « Olive » souffle Michel. Le cuisinier choisit une huile bio espagnole, issue d’olives d’Andalousie. Il assure qu’elle est saine et qu’elle a du goût. La famille sympathise avec le producteur : il offre un bocal d’olives entières ! On peut les manger à l’apéritif, avec du lait fermenté (« labné ») et des herbes, explique le traducteur pour la journée.
Fouad travaillait dans les cuisines d’un hôtel de luxe
C’est parce que sa maman est « très bonne cuisinière » que Fouad s’est lancé derrière les fourneaux. Un rêve de gosse pour qui Paris rime avec gastronomie. En Syrie, il travaillait pour une luxueuse chaîne hôtelière. Mais c’était avant d’être menacé par Daech, un soir, dans le bus, en rentrant du travail.
Aujourd’hui, il a justement revêtu une tenue de cuisine d’un blanc immaculé et un petit couvre-chef noir. Antonios, le père, confie que son fils est très fier d’avoir l’occasion de la porter. Il est lui-même touché qu’on ait pensé à mettre en avant les compétences professionnelles de son aîné. Si cela pouvait déboucher sur un travail !
Plutôt réservé de nature, Fouad est maintenant concentré. On le sent dans son élément. Ail haché, aubergines grillées, tomates coupées en dés et filets de poulet marinés avec force épices sont préparés, avec l’aide de ses seconds – ses parents, qui se relaient efficacement sous sa houlette.
De l’autre côté de la cour, dans la salle paroissiale, on dresse une grande table pour dix ! Prennent place Michel, David et son épouse Patricia (Paroisse Notre-Dame de la Couture), Annie (Pastorale des Migrants) et une journaliste de RCF, le trio syrien et le duo parisien, venu en reportage.
Bientôt, le chef sert en entrée un taboulé à la Libanaise, c’est-à-dire avec beaucoup d’herbes et très peu de boulghour. Fouad est désolé pour le caviar d’aubergine qui, en l’absence de mixeur, contient encore des morceaux. Il y aura ensuite un « fatteh » syrien à la purée de sésame, aux pois chiches, décoré de pain pita frit. On goûtera aussi des pâtes nappées d’une sauce Béchamel aux champignons et le poulet grillé aux saveurs orientales. Double gourmandise pour le dessert : un gâteau de semoule sucré au miel et un moelleux à la noix de coco râpée.
Précédé d’un bénédicité pour remercier le Seigneur de la visite au marché et de la joie partagée, le repas est joyeux. On applaudit Fouad, notre « Top Chef » syrien !
La gastronomie au service de l’intégration des réfugiés
Plusieurs associations, dont le RECHO ou les Cuistots Migrateurs, ont choisi la cuisine comme vecteur de lien social. Le UNHCR a même lancé le « Refugee Food Festival » et édité un guide pratique pour organiser son propre événement. Un label et le soutien logistique de l’institution onusienne sont possibles. Une plateforme en ligne « destinée à donner aux chefs réfugiés les moyens de trouver un emploi » est en cours de développement.