Union européenne : adhésion de la Turquie
Lors de leur Assemblée plénière, réunie à Bruxelles les 18 et 19 novembre 2004, les évêques de la COMECE ont consacré une partie de leurs travaux à une réflexion sur les négociations d’adhésion de la Turquie à l’Union Européenne.
A l’intention des évêques de France et des nombreux catholiques qui ont demandé une information sur cette question, je voudrais souligner les points suivants :
1) La question de l’adhésion de la Turquie est une question directement politique, au sens le plus profond du terme. Il nous paraît donc extrêmement important que les questions proprement religieuses ne soient pas instrumentalisées dans ce débat. Puisque l’Union Européenne est, à juste titre, attachée à la liberté religieuse et à la distinction entre la religion et la sphère politique, les questions religieuses ne doivent pas servir d’alibi dans un débat qui concerne tous les citoyens.
La candidature de la Turquie, comme celle de tous les autres pays, doit être analysée en fonction des critères dits « de Copenhague » , qui servent de base à toutes les négociations d’adhésion. Il convient donc de réfléchir aux questions politiques qui se posent dans tous les cas : la conception de la démocratie, le respect des droits humains et en particulier des droits des minorités, la capacité de l’Union d’intégrer le pays entrant, etc. On peut ajouter aussi la question, incontournable en l’occurrence, des limites géographiques, en particulier à l’Est, de l’Union Européenne. Elle se pose aujourd’hui pour la Turquie comme elle se posera un jour plus ou moins proche pour l’Ukraine, même si ce pays n’est pas encore candidat à l’adhésion.
Si des questions se posent à propos du respect de la liberté religieuse par les pays candidats à l’adhésion, ces questions relèvent d’un débat politique, car la liberté religieuse est un droit civil. Elle fait partie des droits fondamentaux. Elle est une garantie juridique accordée par l’Etat à tous les citoyens et à toutes les confessions, dans le respect de l’ordre public.
2) Dans cet esprit, après avoir pris connaissance d’une étude consacrée à la question du statut des minorités religieuses en Turquie, les évêques de la COMECE se sont étonnés de ce que la recommandation de la Commission Européenne, du 6 octobre dernier, passe sous silence les manquements à la liberté religieuse observés en Turquie, alors même que le Rapport régulier de la Commission, datant du même jour, y consacre de longs développements.
C’est pourquoi la COMECE demande aux chefs d’Etat et de Gouvernement de veiller à ce que l’Etat turc s’engage dès maintenant à reconnaître un statut juridique officiel aux minorités religieuses présentes dans ce pays. Cet engagement est conforme à la Convention européenne des Droits de l’Homme. Il devrait faire partie des conditions préalables à l’ouverture des négociations d’adhésion et figurer dans les conclusions du prochain Conseil européen. En effet, tous les pays de l’Union Européenne accordent un statut légal aux diverses Eglises et Communautés religieuses. Ceci est conforme à la Charte des droits fondamentaux adoptée par le Sommet de Nice en 2000 et intégrée dans le Traité constitutionnel en cours de ratification.
+ Hippolyte Simon
Archevêque de Clermont
Vice-Président de la COMECE