L’héroïsme au quotidien des familles : une spiritualité en actes ?
Le monde est devenu tellement divers et éclaté, les comportements tellement multiples, que la tolérance est devenue la vertu indispensable pour préserver l’unité familiale. Les parents finissent par craindre de prendre des risques excessifs de rupture et de mésentente vis-à-vis de leurs ados en affirmant ce à quoi ils croient, ce qui les fait vivre et donne sens à leur vie. Pourtant l’éducation et la transmission de leurs valeurs est aussi importante pour la croissance des adolescents que leurs soins l’ont été pour les plus petits.
Cette transmission et cette éducation se font bien sûr par le dialogue, mais aussi par les simples gestes, les actes répétés au jour le jour, qui dans leur simplicité et leur modestie font entrer dans la dimension spirituelle du quotidien.
Il existe une manière obscure de vivre ce quotidien en assurant les tâches répétitives quelquefois lourdes ou fastidieuses, de supporter la solitude, d’aider et de soutenir les plus démunis dans les familles, les enfants dans le besoin, les parents âgés, les amis en difficulté, qui relèvent de l’héroïsme caché, non dit, voire ignoré ou méprisé.
Au-delà des mots et des paroles dont notre société est envahie, les actes ordinaires de la vie familiale ne sont pas seulement des obligations fatigantes dont on s’acquitte par devoir ou nécessité mais des actes d’amour qui peuvent rendre heureux autant celui ou celle à qui ils s’adressent que celui qui les accomplit.
Pour un chrétien, la grandeur de ce qui se vit au jour le jour, dans les familles et dans chaque moment de la vie, se comprend en se référant à l’incarnation du Christ, fils de Dieu. L’Evangile nous donne de brefs éclaircissements sur ce que fut sa vie cachée, mais il est évident qu’il a appris à lire et à écrire comme tous les écoliers, il a étudié les textes saints, il s’est formé à un métier comme tous les jeunes, celui de charpentier, il s’est inséré dans la vie sociale de son village et de sa région. Rien de ce qui fait l’ordinaire des familles, leurs joies, leurs soucis, leur amour partagé, leurs conflits, leurs héroïsmes modestes, ne lui est étranger. Il nous révèle l’amour et le respect de Dieu pour notre vie, notre dignité même dans nos actes les plus simples. En lui, c’est notre humanité quotidienne qui prend son sens et s’accomplit.
Anne Lannegrace,
psychologue et psychanalyste