Une famille biblique idéale?
Où trouver l’idéal, sinon dans la Parole de Dieu ?
Où trouver les repères et les valeurs pour bâtir notre vie de famille, sinon dans le Livre de Vie des Ecritures qui est source de notre foi et contient l’ensemble de la révélation ?
Si l’on désire donner à notre couple ou à notre famille des fondements solides, alors la lecture de la Bible peut nous sembler a priori une bonne source d’inspiration.
Regardons donc, ensemble, ce que nous dit l’Ecriture sur la famille idéale et commençons notre lecture par le commencement, c’est à dire par le livre de la Genèse.
Voilà le livre par excellence pour aborder les problèmes de couples et de famille. Après tout, ce livre se structure autour de la thématique de l’engendrement et nous fait entrer au cœur de l’Histoire Sainte de nombreux couples et familles :
Adam et Eve, Abraham et Sarah, Isaac et Rebecca, Jacob et Rachel.
Cependant, un malaise nous saisit soudain à la lecture de ces histoires de famille : le premier couple est loin d’être idéal, la relation homme-femme est fondée sur un rapport de force et de domination, marqué par le péché et la malédiction, leur ainé Caïn tue le second Abel, un troisième fils est alors conçu pour remplacer celui qui a disparu. L’idéal semble bien loin !
Peut-être qu’avec l’histoire des patriarches cela va s’améliorer. Ne sont-ils pas nos pères dans la foi et à cet égard plus proches de nous que le premier couple mythique de la création ?
L’histoire d’Abraham malheureusement ne nous rassure pas. Le père des croyants se révèle un étrange mari et un père ambigu à tout le moins. Marié à sa demi sœur Sarah, il n’hésite pas, par deux fois, à abandonner sa femme aux mains d’un autre : celles de Pharaon (Gn 12) et celles du roi Abimelek (Gn 20).
Son fils Isaac, suivant l’exemple paternel fera de même (Gn 26). Cette lâcheté ne sera pas la dernière. Pressé par la jalousie de sa femme Sarah, il abandonne à la mort dans le désert sa concubine Hagar avec son propre fils Ismaël (Gn 21).
Il est même prêt à mettre à mort son dernier fils Isaac et à le sacrifier à Dieu. Drôle d’époux et de père !
Son petit fils Jacob n’a pas une vie familiale plus épanouie : Aidé de sa mère Rebecca il vole par ruse l’héritage de son frère Esaü.
Epoux d’une femme qu’il n’aime pas et qui lui a donné de nombreux enfants, Léa, il privilégie sa seconde femme, Rachel, et son fils Joseph au détriment de ses autres enfants. Ceci déchaine la jalousie des frères de Joseph qui projettent de l’assassiner avant de le vendre comme esclave à des marchands de passage.
Non, la Genèse n’est pas le lieu du couple, ni de la famille idéale. Peut-être que les rois sacrés d’Israël seront plus à même de nous fournir le modèle que nous attendons.
Après tout David est le Messie et la figure de la foi et Salomon celui de la sagesse.
Là encore, on est déçu par ce qu’on peut lire : David, comme son fils Salomon, est un homme qui collectionne les femmes et va même jusqu’à faire assassiner un mari encombrant. Sa vie familiale n’est pas plus simple : son fils Amnon viole sa sœur Tamar, avant d’être assassiné par son frère Absalon, lequel cherche à renverser et tuer son père David avant de mourir assassiné. Salomon quant à lui devra assassiner son frère Adonias pour s’emparer du trône de son père David.
Ce n’est donc pas avec David et Salomon que l’on doit chercher la famille idéale.
Mais après tout nous sommes dans l’Ancien Testament et tout cela est bien normal, heureusement qu’il y a le Nouveau Testament et la Sainte Famille.
Et pourtant tout est loin d’être simple dans la Sainte Famille. Joseph songe à répudier Marie qui avant le mariage est tombée enceinte.
L’accouchement est compliqué par le fait qu’ils n’ont pas d’endroit où loger et aussitôt ensuite il leur faut fuir en Egypte pour échapper à Hérode.
Quant à l’enfance du Christ nous ne connaissons que l’épisode où ses parents doivent le chercher pendant trois jours, malades d’inquiétudes, parce qu’il est aux affaires de son Père. L’image de Marie au calvaire reste comme l’archétype d’une mère voyant mourir son fils.
La Sainte famille donc n’est ni sainte, ni idéale dans le sens où on l’entend d’ordinaire. Elle est confrontée aux difficultés de chaque couple et de chaque famille de notre temps. Et ce n’est pas Saint Paul qui va donner une meilleure image en valorisant le célibat dans l’attente de la venue du Christ en Gloire.
Tout cela explique sans doute, en partie, pourquoi la lecture de la Bible fut interdite pendant un temps dans l’Eglise.
Faut-il donc s’arrêter là et abandonner tout espoir de trouver dans l’Ecriture un modèle pour fonder une famille et une vie de couple ? Ce serait une erreur de se priver de ce que la Parole de Dieu a à nous dire sur le couple et la famille car ce serait nier l’action de Dieu dans la vie de ces couples et de ces familles.
– Dieu est présent avec Caïn, avant et après le meurtre de son frère. Il lui offre une voie pour continuer à vivre avec son remord.
– Il intervient auprès de Pharaon et d’Abimelek pour sauver Sarah et Rebecca.
– Il est là aussi pour nourrir Hagar et Ismaël dans le désert.
– Il est là pour faire progresser Joseph et ses frères sur la voie du pardon et de la fraternité.
– Il est là encore pour conduire David sur le droit chemin après chacune de ses incartades.
– C’est lui qui avertit en songe Joseph de ne pas répudier Marie, qui veille à la nativité et permet la fuite en Egypte.
– Il est là au moment de la résurrection.
– Il est là et permet à chacun de ces couples et de ces famille de se construire et d’avancer dans la vie, de vivre une histoire sainte, c’est à dire non pas une histoire sans drames et sans heurts, mais une histoire où il remet l’homme debout et lui permet d’avancer.
Ces couples et ces familles de l’Ancien et du Nouveau Testament, ce sont nos familles marquées par les problèmes de stérilité, de mort, de jalousies entre frères, de tout ce qui fait les hauts et les bas de la vie de chaque couple et de chaque famille.
Dans ce quotidien, parfois heureux, parfois malheureux, Dieu est là qui guérit, prévient, accompagne, soutient, relève et redonne vie là où l’on ne voit plus que la souffrance et la mort.
Il est puissance de résurrection dès l’Ancien Testament et jusqu’au Nouveau.
La famille idéale de la Bible, c’est à nous de la construire jour après jour en apprenant des erreurs et des actions des familles et des couples de la Bible, sous le regard de Dieu et dans un abandon confiant à son amour. C’est lui qui est Saint et c’est lui qui sanctifie Adam et Eve, Abraham et Sarah, David et Bethsabée, Joseph et Marie, à travers le quotidien parfois douloureux de leur vie. Leur vie est pour nous chemin et modèle d’un idéal d’Alliance à construire jour après jour avec l’aide de Dieu pour être signe de salut dans le monde.
Père Damien Stampers, cjm.
professeur d’Ecriture Sainte