“De nombreuses personnes se sentent isolées dans leur situation. Mariées, puis séparées, elles cherchent néanmoins à avancer avec le Seigneur. Elles font le choix de rester seules, mais se demandent ce qu’il en est du sacrement reçu et de l’action de Dieu dans leurs vies. À Lourdes, ces personnes en recherche, ces pèlerins vont se déplacer, laisser faire la Providence, voir leurs cœurs s’ouvrir pour redécouvrir la beauté et les grâces du sacrement du mariage qui fait vivre et met en relation avec le Seigneur”, indique Emmanuel Houssin, directeur du premier pèlerinage de l’Alliance, modérateur de la Communion Notre-Dame de l’Alliance, lui-même séparé-divorcé depuis 12 ans. Ce pèlerinage inédit se déroule à Lourdes du 6 au 8 avril prochain, à l’occasion de la fête de l’Annonciation. Il a pour thème une phrase du psaume 104 : “Le Seigneur se souvient toujours de son alliance”. Près de 150 personnes sont inscrites. Elles viennent de toute la France, et même au-delà, avec une dominante de pèlerins parisiens et lyonnais. En Normandie, des personnes qui ne se connaissent pas encore, ont décidé de louer un minibus pour faire route ensemble depuis Caen jusqu’à Lourdes.

L’idée a germé l’an dernier. Pour célébrer les 40 ans de la Communion Notre-Dame de l’Alliance et rendre grâce, les membres de ce mouvement d’Église pour la fidélité malgré la séparation se sont retrouvés à Lourdes. C’était autour du 25 mars, déjà lors de la fête de l’Annonciation. “Ce sont des personnes touchantes dans leur manière de rester fidèles, à contre-courant de la société. Elles sont souvent incomprises par leur propre famille, leur propre conjoint. L’an dernier, l’ambiance était joyeuse. Je me souviens d’un groupe marqué par des liens d’amitié. Je me réjouis de la volonté d’ouverture de cette nouvelle démarche”, partage Don Anne-Guillaume Vernaeck, prêtre de la communauté Saint-Martin et chapelain du sanctuaire de Lourdes. Marqué par la beauté et le sens de l’initiative, Don Anne-Guillaume a interpellé les responsables de la Communion Notre-Dame de l’Alliance, en les invitant à renouveler la proposition de pèlerinage, la pérenniser et surtout l’ouvrir à toutes les personnes mariées, sacramentellement, qui traversent l’épreuve de la séparation en choisissant de rester fidèles.

Approfondir le sacrement du mariage

“C’est malheureusement un sujet qui touche tout le monde. Nous avons contacté plusieurs associations sensibles à la souffrance des personnes séparées pour bâtir le programme du pèlerinage. Nous avons reçu le soutien des Équipes Notre-Dame, très engagées dans la spiritualité des couples et très conscientes de la façon de vivre les réalités du sacrement du mariage. Nous avons bien cheminé ensemble en vue de ce temps fort à Lourdes”, explique le directeur du pèlerinage. Un partenariat a été noué avec la Communauté de l’Emmanuel, qui propose un parcours pour les parents seuls. Les Accueils Louis et Zélie, lieux d’écoute de toutes les détresses familiales sous le patronage des saints époux Martin, sont également partie prenante de l’organisation. Tout comme le mouvement Retrouvaille, qui ouvre des chemins de dialogue aux couples au bord de la rupture. L’édition 2025, déjà en préparation, devrait voir la participation du parcours Tobie et Sara proposé par la communauté des Béatitudes pour les couples en crise. L’aventure est bel et bien lancée !

 “Le thème de l’alliance et notre approche de la fidélité étonnent. L’alliance, nous la portons au doigt. Elle est signe de l’indissolubilité du sacrement du mariage, qui interroge de nombreuses personnes, croyantes ou non, que leurs vies conjugales soient heureuses, difficiles, ou passées. L’indissolubilité a besoin d’être annoncée. C’est un point sur lequel nous pouvons et nous voulons témoigner. Nous espérons annoncer la Bonne Nouvelle du mariage, y compris dans la séparation”, souligne le modérateur de la Communion Notre-Dame de l’Alliance. Évoquant le sacrement du mariage comme un don, dont il faut redécouvrir la beauté, Emmanuel Houssin regrette la méconnaissance des personnes qui pensent qu’un divorce annule le sacrement. “Dans notre vie conjugale même déchirée par la rupture, le Christ est toujours à nos côtés. Il est toujours présent dans l’épreuve. C’est une source de joie pour ceux qui veulent faire confiance au Christ. C’est une expérience spirituelle qui fait vivre”, confie-t-il.

Puiser à la source de la fidélité

Pendant trois jours, les pèlerins vont être invités à poser les trois gestes fondamentaux de Lourdes, qui structurent toute démarche en ce sanctuaire et engagent une catéchèse. Toucher le rocher permet d’évoquer la solidité de la foi. Boire, se laver avec l’eau invite à reconnaître la source jaillissante de l’espérance. Allumer une lumière pour signifier la communion et la charité. Le chapelain interviendra auprès du groupe et partagera les messages de Notre-Dame de Lourdes. “Auprès de la Vierge Marie, les participants peuvent puiser à la source de la fidélité. Elle en est une très belle figure, non seulement par rapport à la vie conjugale mais du fond de son âme. Elle est présente à la fois au tout début de l’Évangile jusqu’à la croix. Dès les commencements jusqu’à la fin, elle est toujours la même, avec la même fidélité : voilà ce qui est intéressant pour les pèlerins, quelles que soient les épreuves et la Vierge Marie n’a pas été épargnée ! Elle promet à Bernadette le bonheur du Ciel, pas un truc au rabais, la vraie source de vie qui nous attend et qui est déjà connue. Je souhaite accueillir les personnes sur ce chemin-là et qu’elles trouvent ici un peu de réconfort”, poursuit don Anne-Guillaume, en évoquant ce pèlerinage de foi de la Vierge Marie, selon les mots de saint Jean-Paul II.

Parmi les autres intervenants, le docteur René Écochard donnera un enseignement sur son approche des neurosciences, le gène qui inspire la fidélité découvert chez certaines espèces animales, et son témoignage personnel. Après un exposé de ses expériences scientifiques, il apportera une réflexion anthropologique humaine et spirituelle autour de la conscience de l’homme et de la liberté de choisir. Quant à Marie-Gabrielle et Emmanuel Ménager, responsables de la pastorale familiale du diocèse de Luçon et consulteurs au sein du dicastère pour les laïcs, la famille et la vie à Rome, invités également pour ce premier pèlerinage de l’Alliance, une carte blanche leur a été donnée. “Nous avons une attention particulière pour ces personnes dont le courage nous touche. Elles transmettent un message important au monde. Aujourd’hui le mariage semble être davantage une formalité plutôt qu’un projet de vie pour toujours. Ces personnes manifestent la croix, visible chez elles, qui est vécue chez de nombreux autres couples qui souffrent. Malgré cette faille, ces personnes restent debout, croient au sacrement du mariage, à son indissolubilité, à la fidélité à jamais. En ce sens, elles sont des porte-parole héroïques du sacrement du mariage”, commence Marie-Gabrielle. Elle insiste sur le fait que les membres de la Communion Notre-Dame de l’Alliance rayonnent de la force du sacrement du mariage, par leur choix de vie et leur être, sans aucune revendication ou militantisme.

Grandir en sainteté

Après 38 ans de mariage, cette attitude des personnes séparées et fidèles l’engage à être plus exigeante et plus vigilante encore dans sa relation avec son mari. “C’est un chemin de sanctification ! Mais cet appel à la sainteté n’est pas un chemin jonché de roses”, s’exclame-t-elle. Dans un document publié en 2022, le Saint-Père a inscrit la préparation au mariage dans un véritable itinéraire catéchuménal pour la vie conjugale. Il invite les communautés locales à s’entourer de personnes séparées mais fidèles. Elles ont, de fait, un message à partager avec les jeunes couples. Grâce à ces échanges, la question de l’indissolubilité, de la sainteté du mariage, prend sens et corps. “J’ai envie de dire aux pèlerins, que nous leur sommes redevables, parce que la force de leur choix révèle la beauté de cette indissolubilité. Pour que cette dernière soit joie, c’est dans le Seigneur que nous puisons notre amour l’un pour l’autre”, souffle Marie-Gabrielle Ménager. Il y a quelque temps, elle a permis une rencontre des membres de la Communion Notre-Dame de l’Alliance avec les responsables du dicastère pour les laïcs, la famille et la vie à Rome et assure que ces derniers ont été “très impressionnés, édifiés par ce choix de vie”.

Lundi 8 avril, Mgr Pierre d’Ornellas, archevêque de Rennes, Dol et Saint-Malo, également accompagnateur de la Communion Notre-Dame de l’Alliance, sera présent à Lourdes auprès des pèlerins pour un double temps d’enseignement et d’échange. Emmanuel Houssin précise encore : “Je fais l’expérience de la proximité de Dieu. Je reçois des grâces du Seigneur qui m’accompagne dans cette épreuve de la séparation. En retour, je reçois aussi l’injonction, ce zèle à annoncer la bonne nouvelle du mariage à ceux chez qui il a explosé. Comme le Christ est mort mais ressuscité, le sacrement du mariage nous ressuscite dans le Christ. Je souhaite porter ce message de joie, de paix et d’espérance. Un monde nouveau est à venir, il est déjà à l’œuvre. Nous en voyons les prémices”.