Nouvelle-Calédonie : le message de Mgr Calvet adressé aux fidèles à la Pentecôte 2024

Nouméa, le message de Mgr Calvet

L’archipel de Nouvelle-Calédonie est en proie à des violences et des émeutes depuis quelques jours (mai 2024). Mgr Michel-Marie Calvet, archevêque de Nouméa depuis 1981 a rédigé un message qui sera lu dans les églises et les temples de Nouvelle-Calédonie, à la Pentecôte.

Après les heures dramatiques que vient de traverser notre pays depuis le début  de la semaine, les désastres innommables, incalculables qui se sont déroulés et  se déroulent encore sous nos yeux, avec ces vies enlevées, les chrétiens que  nous sommes ne peuvent rester les muets spectateurs inactifs de la tourmente  cyclonique qui nous frappe en ce moment. Il nous faut apporter notre pierre pour donner une chance à la paix.

Protestants, Catholiques, chrétiens, nous avons tous été baptisés, plongés,  immergés en un même baptême. Il nous a donné à tous la même vie divine, une commune identité, le même  ADN chrétien. Nous sommes tous fils et filles du même Père. Partageant la même filiation.  Nous sommes tous frères de Jésus-Christ dont nous formons le corps.

Par nos divisions et nos rejets multiformes, nous avons trahi notre foi. Nous  avons trahi notre baptême. Nous avons trahi Jésus-Christ. L’Evangile apporté il y a 174 ans sur cette terre, sans aucun esprit de conquête,  a été progressivement accueilli et adopté comme éléments même d’identité, au même titre que le pilier de la coutume.Ces extrémités de la terre vers lesquelles Jésus avait envoyé ses disciples 1823  ans plutôt, n’ont pu être atteintes qu’à cause, ou plutôt grâce à cette irruption  inimaginable que fût la Pentecôte. Ce don de l’Esprit-Saint : ce Dieu agissant  désormais avec les hommes, par les hommes.

La conséquence fût immédiate : alors qu’ils étaient tous étrangers les uns pour  les autres, tous entendaient, comprenaient la seule langue véritablement  universelle, la langue de Dieu, la langue de l’amour, la langue de notre éternité. Malgré toutes leurs diversités et leurs incommunicabilités, ils devenaient Un en comprenant, partageant, adoptant unanimement la même annonce de la  Bonne Nouvelle.

Cette Pentecôte brisait à jamais la malédiction de Babel : l’impossibilité infligée  aux hommes de pouvoir s’entendre. Ce Dimanche nous célébrons la Pentecôte. C’est un signe du ciel qui nous est envoyé pour enrayer le processus mortel qui  s’est enclenché sans que plus personne, sauf les armes, ne puissent l’arrêter. Seul le Ciel, et l’Esprit-Saint, peuvent nous aider à trouver les mots du chemin  de la fraternité et de la paix. Tel est notre devoir de chrétiens qui s’impose à nous sous peine de trahison. Nous ne pouvons plus nous taire et nous rendre complice du Mal qui, telles les  éruptions ravageantes d’un volcan, se met à régner partout en répandant le  désastre et la misère.

L’ile la plus proche du paradis est devenue l’île la plus proche de l’enfer.  Tant de propos politiques sont disqualifiés. Ils ne sont plus audibles, crédibles. Il ne reste que l’autorité de l’évangile ; celle que nos aïeux, grands-pères et nos  pères ont adoptée et qu’ils nous ont léguée pour en faire le code de notre vie  sur terre, la règle d’or pour bâtir cette terre en nation chrétienne, anticipation  du Royaume du Père.

Posons un signe fort pour dire NON à la violence qui n’engendrera qu’un  surcroit de violence, de malheur et de larmes. Lançons un vigoureux appel à l’arrêt des violences. Exigeons de nos élus une obligation de résultats pour un avenir partagé de paix  et de concorde, de fraternité perdue et retrouvée. Puisons dans la prière à l’Esprit-Saint la force de croire en la puissance de  l’amour pour briser celles de la violence et de la haine pour que vivent enfin et  pour toujours la fraternité, la concorde et la paix sur cette terre où nous vivons  tous.

Réaction de la Conférence des évêques de France

La Conférence des évêques invite tous les catholiques à s’associer à la prière proposée par les Églises chrétiennes en Nouvelle-Calédonie. Puissent les responsables politiques trouver les chemins du retour à la confiance et au dialogue. Cette crise est le signe qu’un travail plus en approfondi est nécessaire encore pour construire un avenir favorable pour tous.

Prière pour la paix et la réconciliation

Apikaoua. Seigneur, nous voici réunis, tes fils de confessions protestantes et catholique, pasteurs et diacres de nos Eglises respectives, pour demander la force de ton aide dans la situation dramatique que vit notre pays.

Nous avons manqué de foi, manqué à nos devoirs de chrétien en privilégiant les rapports de force au lieu de l’écoute, de la justice, de la paix.

Nous te demandons de nous donner ton pardon pour nous rendre libres de nous regarder à nouveau comme des frères et sœurs, sous ton regard de Père.

Ton évangile, cette bonne nouvelle de l’amour que ton Fils, Jésus est venu implanter sur cette terre : Nous ne l’avons pas mis en œuvre.

Nous désirons d’un grand désir que cette force qu’il représente nous atteigne de nouveau et devienne le guide de tous nos comportements, de tous nos rapports, de tous nos échanges.

Ton Fils, Jésus a quitté ce monde en nous disant : « Je vous laisse ma Paix, je vous donne ma Paix.

Que cette paix qu’il nous a remise devienne effective sur cette terre où nous vivons aujourd’hui.

Nous nous devions d’être des artisans de paix.

Nous avions pris l’engagement de bâtir un avenir de paix et de fraternité, de vivre ensemble en harmonie.

Seigneur, nous avons failli.

Nous n’avons pas voulu la paix.

Nous avons cherché à gagner, à imposer aux autres nos manières de comprendre et de voir.

Nous avons ainsi généré tant d’incompréhensions, tant d’injustices, tant de douleurs, tant de peines, tant de larmes.

Conscients de l’immense violence qui a marqué cette sombre semaine de mai 2024, nous ne voulons plus jamais persister dans cette voie du rejet.

Donne-nous l’envie et le courage de faire mutuellement les pas nécessaires les uns envers les autres comme surent le faire nos frères Jean-Marie et Jacques qui, aujourd’hui, sont dans ta maison.

Que leur courage nous soit un exemple pour ensemble être capables de nous tendre à nouveau la main, à nous serrer cette main marquant la paix que nous voulons sceller sous ton regard.

Nous te demandons par Jésus-Christ ton fils Notre Seigneur.

Amen

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Pasteur : Ici à la place de la Paix, nous nous approchons de Toi Seigneur, pour prier aussi pour le pays.

En premier lieu, nous te prions pour les personnes en autorité, quelles qu’elles soient.

Que tu nous viennes en aide en nous donnant la sagesse et le discernement pour savoir comment renouer le dialogue qui a malheureusement été rompu.

Que tu nous donnes le courage de pouvoir franchir les obstacles sur le chemin de la paix en nous donnant d’avoir compassion et miséricorde dans le cœur pour nos prochains.

Parmi les obstacles immédiats, beaucoup auront à faire face au manque de nourriture, de médicaments, ou de revenus. Qu’au travers de ces moments difficiles devant nous, nous puissions tous ouvrir nos cœurs par solidarité et répondre aux besoins de notre prochain en nous approchant d’eux avec amour plutôt que de regarder à nos différences.

Nous te remettons aussi toutes ces personnes qui se sont épuisées ces derniers jours pour assurer les soins, la sécurité et les services de premières nécessités, se mettant parfois même en danger pour leur prochain.  Renouvelle leur force et protège-les des erreurs que la fatigue rend propices.

Un autre obstacle de taille devant nous vient de nos blessés et de nos familles endeuillées. Que tu apportes aux convalescents une pleine guérison, et aux familles endeuillées du réconfort.

Que nous puissions trouver au travers de leurs sacrifices la motivation pour se rallier à la raison d’un destin commun harmonieux.

Que nous apprenions à vivre le pardon et aussi à pardonner à nos prochains comme tu nous l’as enseigné dans le « Notre Père ».

Mgr Jean-Yves Riocreux, évêque émérite de Basse-Terre, a été curé de la cathédrale Saint-Joseph de Nouméa entre 1979 et 1986 à Nouméa, en Nouvelle-Calédonie.

Lundi 13 mai 2024,  la Calédonie s’est embrasée. Deux jours plus tard, quatre morts principalement dans le Grand Nouméa. Nous suivons la situation avec angoisse en pensant à ces populations de la capitale et de la « brousse » que je connais depuis plus d’un demi-siècle, ayant été curé de la cathédrale dans les années 80, à l’époque des « évènements », ceux de 84-85, puis ceux de 88 avec l’horreur des 20 morts, gendarmes et canaques à Ouvéa. A l’époque, lors des messes, je lançais les appels à la paix et à la réconciliation. L’accord Matignon et la poignée de main  de Lafleur et Tjibaou a symbolisé cette paix retrouvée. Un an, plus tard, Jean-Marie Tjibaou était tué par un membre de son propre camp considérant qu’il avait trahi la cause de l’indépendance.

Ces années de violence, se sont soldées par une centaine de morts dont deux jeunes lycéens, un  bun « blanc », Yves en janvier 1985 et un kanak, Célestin,  en mai de la même année. Victimes  innocentes. J’ai accompagné  spirituellement  les  familles, dignes dans le deuil de leur fils.  Après les  accords à Paris en 1988 et à Nouméa en 1998, la  paix semblait retrouvée  définitivement. Le pays s’est développé et tous ont bénéficié de la prospérité de ce pays unique et attachant.

Et nous voici dans cette horreur inimaginable en juin dernier, lorsque j’ai sillonné longuement la Calédonie.  J’ai alors rencontré  toutes les populations  kanak, européenne, wallisienne et futunienne,  vietnamienne…. L’Église catholique rassemble en effet  les fidèles divers par leur origine et leur histoire, heureux de cette fraternité humaine et chrétienne.

Et je me souviens que peu avant les évènements de novembre et décembre  1984, le pape Jean-Paul II  était venu  dans la région, à Honiara aux îles Salomon. Il avait salué notre délégation de toutes ethnies réunie sous la bannière « Nouvelle Calédonie : Tous frères en Jésus Christ ».

Les analyses des raisons de cet embrasement ont été faites. Les appels à la paix ont été lancés par tous les responsables. Espérons que les violences cesseront, que le dialogue des politiques  reprendra et que l’esprit de sagesse et de réconciliation l’emportera.

C’est ce vœu que je forme, en pensant à tous ces amis nombreux, responsables politiques et économiques,   familles, jeunes et enfants.

En décembre 1984,  sur des murs de Nouméa, une phrase était apparue : « Ni vous sans nous. Ni nous sans vous. » 40 ans plus tard, cet appel est encore plus d’actualité.

+ Jean-Yves Riocreux
Mercredi 15 Mai 2024

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