Pour eux, les périphéries sont proches

Missionné(e)s par leur diocèse ou leur congrégation, il et elles vont terminer en mars leur cursus de formation continue à l’Institut Catholique de Paris (ICP) sur les quartiers populaires. Portrait de quatre passionnés de la présence de l’Église au cœur de cette réalité. Par Chantal Joly

 David Lagay : « comprendre où on travaille »

DAVID LAGAY« J’ai cet avantage, quand je parle aux jeunes, leurs galères je les ai connues : manger « Restos du Cœur », s’habiller « Secours Catholique », voir sa mère partir à 4h pour être à l’ouverture de la banque alimentaire et être revenue au réveil des enfants, etc », témoigne David. Animateur pastoral embauché par le diocèse de La Rochelle en septembre 2013, permanent ACE à mi-temps et pour la JOC à 1/4 temps, David, 39 ans, ancien cuisinier puis auxiliaire de puériculture, a grandi dans une ZEP.

« Soutenu à 200% par son évêque», il a été missionné par le Conseil diocésain du monde ouvrier pour suivre la formation à l’ICP. « La population, explique-t-il, change. La société change. C’est important de bien comprendre où on travaille en partant de la vie des gens, donc d’avoir les bons mots ». Pas étonnant que lors de la première session des 20-21 novembre, ce soit l’intervention de l’historien Thilbault Tellier sur la création et l’évolution de la banlieue qui l’ait le plus passionné. Il l’a d’ailleurs enregistrée pour « les copains et les copines ». À Paris, David a par ailleurs apprécié d’y faire « de belles rencontres, à la fois de formateurs et de copains de bancs de formation ».

Par chance, à ces dates, son épouse infirmière était en congés et ses beaux-parents disponibles pour l’aider à s’occuper des quatre enfants. David retournera de nouveau à l’ICP les 18-19 mars pour le deuxième volet de la formation « Quels avenirs en quartiers populaires pour quelle mission ? ». Mais comment, voit-il, lui ce futur ? « Il ne faut rien inventer, répond ce créateur de liens, mais revenir à la source. À vouloir « faire » on a oublié la parole N 1 : « Aimez-vous les uns les autres ! ». Or le Christ est allé à la rencontre des hommes, personne par personne. Au lieu de parler des « quartiers populaires », parlons donc plutôt de Magloire ou de Maxime en redonnant des prénoms à des frères. Nous croyons que chacun a de la valeur ».

Laurence Tranquille : « que ce qui se vit soit connu »

laurence tranquilleMême si elle a, comme elle le dit elle-même « baigné là-dedans » avec des parents engagés à l’ACO et à la JOC, Laurence témoigne que sa formation à l’ICP n’est pas du luxe. « Tout, explique-t-elle, n’est pas nouveau mais on y gagne des clés de compréhension et de mieux comprendre ce que les gens vivent dans ces quartiers». L’historique des banlieues lui a permis, entre autres de « bien relier les décisions politiques aux arrivées successives des populations » et les interventions sur les migrants d’acquérir « plein de connaissances sur les différents termes (réfugiés, migrants, demandeurs d’asile…) ainsi que sur les démarches administratives ». L’intérêt, c’est aussi, bien sûr, les échanges entre participants : partager « les bonnes idées comme les soucis » et, en plus, pouvoir revoir ses notes avec ses comparses entre les sessions. Le diocèse d’Angers a en effet fait « le choix important » d’investir sur cette formation pour quatre personnes ; ce qui réjouit Laurence.

À 45 ans, en mission d’aumônerie auprès des jeunes de 3 collèges de l’enseignement public situés dans les quartiers cosmopolites de Montplaisir et de Grand-Pigeon et accompagnatrice d’une équipe JOC, elle se dit confortée dans son action par sa formation. Notamment sur sa façon de travailler en décloisonnant (jeunes du public avec leurs copains du privé et avec les jeunes des mouvements…), qui, assure-t-elle « pourrait inspirer la pastorale dans d’autres quartiers que ceux du monde populaire ». « Dans ces lieux de défi pour l’Église, il y a, témoigne-t-elle, de la nouveauté, de l’énergie ». Sa conviction ? « Il faut créer, oser et surtout faire remonter ce que les habitants disent de leur foi et vivent ». Laurence pense en particulier à ses collégiens dont «bon nombre se préparent aux sacrements, sans être poussés ni parfois soutenus par leurs familles ».

Chantal Dalouman, « l’Église devrait rassembler »

Chantal, 55 ans, rapatriée de Côte d’Ivoire en 2004, fait partie de la paroisse Saint Jean dans le même quartier d’Angers que Laurence. C’est là qu’elle a trouvé un accueil, une écoute, une ouverture et des responsabilités au sein de l’équipe d’animation paroissiale (EAP). Pour elle qui était « à la recherche d’enseignements dans le cadre de son expérience de chrétienne », la formation qu’on lui a proposée à l’ICP était une belle opportunité. Elle y a découvert que l’Église, notamment via la présence de religieuses, était beaucoup plus présente dans les quartiers populaires qu’elle ne le croyait. Enseignante de Français langues étrangères, Chantal assure « comprendre les difficultés des populations qui vivent à Monplaisir» et fait tout son possible pour que « les gens ne restent pas avec leurs a priori, entre eux». Dans sa paroisse divers groupes accompagnent des personnes malades, isolées ou des prisonniers et l’EAP vient de lancer une orientation pour trois ans : des fraternités paroissiales pour être au plus proche des habitants, les faire « se rencontrer, partager, réfléchir». En attendant peut-être d’autres propositions inspirées par sa formation à l’ICP. S’agissant de la prochaine session de mars, Chantal reconnaît que « l’avenir reste un point d’interrogation ». Mais elle ajoute aussitôt : « Il faut espérer, rester motivé et faire ce qu’on peut pour avoir un impact. Les petites choses, c’est déjà beaucoup ! ». La principale mission de l’Église à ses yeux dans ces quartiers ? « Trouver les moyens de rassembler les habitants de toutes origines et de toutes confessions afin de favoriser une meilleure compréhension mutuelle et une amélioration des rapports, aller vers eux et créer un dialogue, une harmonie»

Sœur Catherine Everhard : « je me suis sentie confortée »

Communauté Filles de la Charité de Beauvais« La pauvreté à laquelle nous sommes confrontées n’est pas celle de la campagne mais c’est celle du quart monde français. Nous sommes proches de la situation qu’a connu St Vincent de Paul », n’hésite pas à déclarer Sœur Catherine.

Sa communauté de quatre Filles de la Charité est installée dans un logement social au cœur du quartier Argentine de Beauvais où vivent plus de 10.000 personnes de 80 nationalités, essentiellement en location et souffrant de difficultés d’emploi. Enseignante à mi-temps dans un collège hors de la ville, elle est, à 50 ans, responsable, sur son quartier, de l’association « Rosalie » créée par sa congrégation pour mener des actions culturelles (ateliers d’échange de savoirs manuels pour adultes, soutien scolaire, séjour d’été en Normandie pour des enfants, séjour ski de fond dans le Jura pour des ados, coordination de la fête du jeu, etc..). Fortement soutenue par sa communauté dont Sœur Simone, écrivain public, membre d’une équipe d’aumônerie de prison, qui « a toujours été en mission ouvrière » et lui apporte la richesse de « cet accompagnement et de cette révision de vie ».

«Pour nous, commente sœur Catherine, les périphéries sont proches ». Étant d’une famille d’ouvriers de Lorraine, elle a surtout trouvé dans la formation de l’ICP, une confirmation de ses intuitions. « On se rend compte que le contexte ecclésial est plus ou moins aidant mais qu’on n’est pas seul ». Ainsi, elle se sent « confortée dans sa mission de service du public pluriculturel de ces quartiers où le but n’est pas que dans le cultuel. l’évangélisation passe par l’humanisation : il s’agit de recréer du lien social en étant là gratuitement, en parlant simplement aux gens, en s’appuyant sur les talents des habitants, en travaillant en partenariat, etc». Le recul d’une formation sert aussi, ajoute-t-elle, à « relire notre présence pour ne pas tomber simplement dans l’action sociale. Car c’est bien la Charité du Christ qui nous pousse ».

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