Exposition « Épiphanies » d’Augustin Frison-Roche au collège des Bernardins

Fiche de l’Observatoire Foi et Culture du 29 janvier 2025, OFC 2024, n°4 sur l’exposition « Épiphanies » d’Augustin Frison-Roche au collège des Bernardins

Épiphanies d’Augustin Frison-Roche

aux Bernardins

L’artiste Augustin Frison-Roche (né en 1987) propose actuellement (et jusqu’au 23 février) au Collège des Bernardins, rue de Poissy, à Paris, une exposition intitulée Épiphanies.

Cette exposition n’est pas un simple accrochage d’œuvres dans un lieu privilégié ; l’artiste, pendant deux ans, a travaillé dans ce lieu et pour ce lieu. Même si ceci revêt un caractère exceptionnel, ce choix exprime une attitude d’Augustin Frison-Roche : il crée en référence à l’espace et au temps ; il s’en sait redevable, comme nous le sommes tous, refusant de voir dans l’art une auto-création qui se prétendrait son propre commencement.

Habitant l’espace, l’exposition introduit peu à peu le visiteur vers le lieu des Épiphanies (l’ancienne sacristie, à droite), par un chemin de tableaux, où les troncs verticaux et les feuillages de futaies, illuminés du fond d’un horizon invisible, dialoguent avec les fines colonnes de la grande nef du Collège, et les habillent de toutes les beautés de la nature, pour accompagner vers cette sacristie, à l’appel de l’étoile, la lumière trinitaire au-dessus de la porte.

On peut être tenté dès l’entrée de se tourner vers les quatre grands panneaux à gauche qui figurent l’adoration des mages – il est vrai qu’ils attirent le regard. Mais, ayant suivi le chemin proposé, on découvre d’abord, à droite, les panneaux petits qui donnent à voir les sept jours du récit de la Création (Genèse 1). Leur format permet de mieux travailler les glacis et la brillance, sans risquer des reflets qui nuiraient aux grands formats.

Ensuite viennent trois épiphanies que conjoint l’antienne du Magnificat des secondes vêpres de l’Épiphanie : « Nous célébrons trois mystères en ce jour : aujourd’hui l’étoile a conduit les mages vers la crèche ; aujourd’hui l’eau fut changée en vin aux noces de Cana ; aujourd’hui le Christ a été baptisé par Jean dans le Jourdain pour nous sauver, alléluia. »

Mais le chemin se poursuit, et, avec les mages et leur cortège chamarré, nous nous laissons tourner vers ce qui motive leur voyage : l’exposition se clôt sur un dernier panneau, avec, dans un angle où il faut presque le chercher pour le trouver en bas, l’enfant de la crèche, le Sauveur.

À la découverte de ces œuvres, comme à les revoir, on est saisi, certes, par leur force, leur douceur, leur beauté, mais on mesure combien le peintre entend servir une affirmation du symbole de la foi : « Je crois en Dieu, créateur de l’univers visible et invisible ». Tel est le sens de l’Épiphanie comme de ces Épiphanies des Bernardins.

Les œuvres sont peintes sur bois. Elles supposent, d’abord, un long travail de préparation de ce bois et de constitution des fonds, avant qu’y prennent place et se coordonnent des formes et des matières parfaitement reconnaissables sur des arrière-plans plus impressionnistes, voire indistincts. La palette des couleurs est richement diversifiée, des plus vives aux plus nuancées et discrètes, en passant par l’or des icônes, fresques et mosaïques byzantines. Les dessins ont l’acuité et légèreté la « ligne claire » d’un certain classicisme. Mais il arrive que les figures (notamment d’animaux) ainsi esquissées d’une main sure et de façon réaliste se superposent, comme si le regard les traversait sans les ignorer et si la vie biologique devenait transparente sans du tout être méprisée. Des ailes dont on ne sait si elles sont d’oiseau ou d’ange révèlent que l’espace n’est pas vide ni inanimé, tandis que quantité d’étoiles à huit branches, de tailles différentes, font entrevoir la profondeur des cieux. Se trouvent ainsi dépassées de vaines querelles entre l’abstrait et le figuratif.

Augustin Frison-Roche affirme résolument s’inscrire dans la longue histoire du monde et des arts. Ses inspirations sont Lascaux, mais aussi les symbolistes français : Odilon Redon, Gustave Moreau…, en passant par les artistes de la Renaissance à partir de Giotto. Le merveilleux du cortège des mages pourra nous reconduire à Florence, au palais de Cosme de Médicis, dans la Chapelle des Mages de Benozzo Gozzoli (XVe siècle).

Dans la belle exposition du Collège des Bernardins, tout est grâce, beauté, harmonie, vie qui explose de toutes ses richesses. Ceci est certainement heureux, en une année jubilaire qui nous faits pèlerins d’espérance, mais aussi en un temps morose, où le péché semble prendre le pas sur la grâce et conduire nombre d’entre nous à douter de l’humanité et de sa noblesse.

Les Epiphanies d’Augustin Frison-Roche donnent à voir et à contempler, à s’émerveiller.

Pour ceux qui ne pourront aller à l’exposition : Peintures, 2019-2022 (96 p.), avec des commentaires de Stéphane Barsacq, et le catalogue de l’exposition (112 p.), avec un texte de Christiane Rancé.

Pascal Wintzer, Jean Duchesne OFC

ca peut aussi vous intéresser

Épiphanie

La fête est venue d’Orient où elle a été fixée au 6 janvier : fête des lumières, fête de l’eau, elle est beaucoup plus la célébration de l’inauguration du ministère public du Christ, lors de son baptême[...]